Contenu du sommaire : Politique(s) des générations

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 24, no 96, 2011
Titre du numéro Politique(s) des générations
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Politique(s) des générations

    • Éditorial - p. 3-5 accès libre
    • Approches générationnelles du politique - Marie Cartier, Alexis Spire p. 7-15 accès libre avec résumé
      L'enjeu de ce dossier est de revisiter ce lieu commun de la science politique qu'est la notion de génération, pour l'enrichir des avancées récentes des autres sciences sociales. Il s'appuie sur une définition sociologique de la notion de génération inspirée de Karl Mannheim. Pour qu'une génération au sens démographique de cohortes d'âge proches, forme une génération au sens sociologique, il faut non seulement une participation aux mêmes événements et aux mêmes expériences dans les années de formation, mais surtout que celle-ci intervienne dans un « même cadre de vie historico-culturel ». En partant des institutions politiques concrètes et de leurs cohortes plutôt que des événements repérés comme tels par les médias ou les discours dominants, ce dossier explore la socialisation générationnelle de populations parfois peu visibles. Il invite à étudier derrière les prétendus « conflits de génération » le travail proprement politique (de représentation, d'unification, de mobilisation) qui façonne les appartenances et les différends générationnels.
    • Les transformations générationnelles de la politisation dans les collectivités territoriales - Émilie Biland p. 17-37 accès libre avec résumé
      Cette contribution étudie les rapports au politique (entendus principalement comme les relations entretenues avec les élus locaux) des cadres des collectivités territoriales au regard de leur mode de recrutement, de leur statut d'emploi et de leur déroulement de carrière. Ces trois indicateurs de la position professionnelle varient fortement selon la génération d'appartenance. Les transformations de l'emploi public local qui affectent les jeunes générations - élévation de la qualification initiale, raréfaction de la mobilité liée à l'ancienneté, banalisation de la mobilité géographique et de la contractualisation - contribuent à la redéfinition des relations entre élus locaux et cadres territoriaux, dans le sens d'une moindre dépendance personnelle, mais d'un étiquetage partisan maintenu. Ce faisant, cet article revisite la thèse de la politisation de l'encadrement territorial en spécifiant ses formes au regard des trajectoires et des pratiques professionnelles, ainsi qu'en intégrant l'existence de tensions générationnelles.
    • « Tout change à partir de ce soir » ? : Le changement générationnel dans l'activité tactique du groupe professionnel des buralistes - Caroline Frau p. 39-57 accès libre avec résumé
      Si le lien entre changement générationnel et modification du répertoire d'action au sein des organisations politiques est souvent soulevé, les médiations causales entre ces deux types de transformations sont plus rarement étudiées. À partir des notions de situation de génération, d'ensemble générationnel et d'unité générationnelle développées par Karl Mannheim, cet article propose de saisir comment le changement de situation générationnelle du groupe professionnel des buralistes est utilisé de manière stratégique dans la lutte pour l'accès au pouvoir au sein de l'organisation représentative. Travailler ensemble les logiques structurelles et les logiques de situation permet alors de comprendre que le recours à la manifestation comme nouvelle pièce du répertoire d'action est un acte symbolique de monstration de ce qui est défini comme la nouvelle génération.
    • L'engagement des enseignants du secondaire à l'épreuve des générations : Entre reproduction et recomposition des formes d'action - Aurélie Llobet p. 59-80 accès libre avec résumé
      Sur la base d'une enquête ethnographique, cet article analyse l'évolution de l'engagement des professeurs de l'enseignement secondaire public à l'aune des transformations du métier et de l'institution scolaire. En confrontant les conditions de socialisation professionnelle et les parcours biographiques, il met en lumière trois générations. Plus qu'une opposition entre « vieux » et « jeunes » professeurs accentuant le schème de la dépolitisation, cette analyse montre que les manières de s'investir dans le métier évoluent au cours des carrières professionnelles et remodèlent le sens de l'engagement dans le métier. Malgré une distanciation par rapport aux organisations syndicales, les professeurs font converger pratiques professionnelles et politiques, et reproduisent ainsi le potentiel protestataire des enseignants du secondaire.
    • Âgencement militant ou entre-soi générationnel ? : Militer dans des organisations de défense des retraités - Alexandre Lambelet p. 81-95 accès libre avec résumé
      À travers l'étude de carrières de retraités militants dans des organisations de défense de retraités, cet article montre que cet engagement, moins que le produit d'une volonté de défendre une cause particulière (celle des retraités), est le produit d'une double logique : l'exclusion de ces individus d'autres lieux du militantisme du fait de leur âge et leur volonté de se retrouver avec des militants appartenant à la même génération. Cette analyse questionne alors à nouveaux frais la notion d'offre militante en montrant la nécessité de la repenser en l'articulant à des groupes spécifiques, c'est-à-dire en la rapportant aux rapports de domination ? en l'occurrence les âgencements ? qui structurent la société.
    • Du projet politique au projet syndical : Le Syndicat des avocats de France (1973-1981) - Jean-Philippe Tonneau p. 97-114 accès libre avec résumé
      La « gauche judiciaire » initiée dans les années 1970 est bien souvent perçue a priori, car non analysée, comme l'oeuvre de jeunes militants de l'extrême gauche qui, tout en débutant le deuil de leurs idéaux de jeunesse, pénètrent le monde professionnel. La création du Syndicat des avocats de France (SAF) en 1973 par des avocats communistes membres des cellules du Palais de Paris et de région parisienne oblige à rompre avec cette vision uniforme. Cet article s'intéresse aux deux premières générations du SAF : les fondateurs communistes et les avocats issus de l'extrême gauche adhérant dans la seconde moitié des années 1970. Après avoir mis en évidence les tensions entre ces générations d'avocats-militants aux affiliations et/ou orientations partisanes diverses, l'article montre comment la coexistence quotidienne dans la profession et dans le syndicat en phase d'établissement contribue à atténuer les tensions intergénérationnelles. Il met ce faisant en relief le poids des sociabilités et des contraintes professionnelles quotidiennes comme de la politique institutionnelle dans la dynamique des relations intergénérationnelles au sein d'un syndicat.
    • Quand une génération en cache une autre : Différenciations générationnelles et mobilisations réformatrices dans la Province dominicaine de France autour de Mai 68 - Yann Raison du Cleuziou p. 115-138 accès libre avec résumé
      La crise que traverse le clergé catholique dans les années 1960-1970 a été interprétée comme la conséquence de la différenciation générationnelle des modes de socialisation à l'institution sacerdotale. Cet article revient sur cette interprétation et propose de penser le conflit de génération non seulement comme le produit d'une lutte d'habitus générationnels mais également comme une arène spécifique de lutte construite par des acteurs qui se réclament explicitement d'intérêts générationnels. En effet, une génération n'est pas que le produit d'un mode de socialisation spécifique, elle est également un groupe social construit à travers les discours et les pratiques d'acteurs qui se saisissent de cette catégorie d'identification à des fins mobilisatrices. À partir de l'exemple de la Province dominicaine de France, cet article montre comment se différencient les habitus des religieux au fil des années 1950-1960, puis comment l'Ordre va être mis en crise au nom des « jeunes » par une génération de dominicains qui accèdent aux positions dominantes et voient dans la contestation de mai 1968 une occasion d'imposer les réformes qu'ils souhaitent.
  • Varia

    • Les sens de l'humour : Enquête sur les rapports ordinaires au politique - Ariane Zambiras p. 139-160 accès libre avec résumé
      L'approche ethnographique permet de saisir les discussions politiques informelles dont l'importance, pour l'étude de la politisation, a été soulignée. L'enquête présentée ici montre que l'humour est une modalité privilégiée de politisation des discussions informelles, en particulier dans un contexte public, car il permet d'atténuer les « logiques de conflictualisation » propres au processus de politisation. Introduire le politique sous forme de plaisanterie permet de proposer pour validation aux autres membres du groupe un contenu implicite, sans pour autant prendre le risque de clivage en cas de désaccord. L'échec de l'événement humoristique est une épreuve pour les participants à la discussion, mais celle-ci est moins profonde qu'un désaccord pleinement formulé lors d'une discussion de fond faisant apparaître des clivages insurmontables. Porter attention aux événements humoristiques permet de contribuer au renouvellement des modes d'approche de la politisation, et de comprendre comment celle-ci opère en dépit des risques de clivage qu'elle fait encourir à la communauté.
    • Limites du modèle délibératif : composer avec différents formats de participation - Audrey Richard-Ferroudji p. 161-181 accès libre avec résumé
      En France la politique de l'eau exige une participation des usagers à sa gestion et une concertation entre les différentes personnes concernées. Les critiques adressées aux dispositifs mis en oeuvre pour remplir ces exigences montrent les limites d'une conception uniquement fondée sur le modèle délibératif et invitent à porter un regard attentif aux situations participatives. En nous appuyant sur la théorie des régimes d'engagement, nous proposons une grille de lecture de la manière dont les participants sont engagés et s'engagent dans les dispositifs selon différentes figures de participation : porteur d'enjeux, sujet politique et moral, personne enracinée ou être curieux. Cette approche est mobilisée pour décrire trois formats typiques de participation à la gestion de l'eau, en nous appuyant sur le cas du bassin de l'Orb. Cet article développe une critique interne des dispositifs pour penser leur ajustement. Il invite à penser l'articulation de différents formats de participation pour composer un dispositif approprié et qui reconnaisse les différences entre participants selon plusieurs dimensions.
  • Notes de lecture