Contenu du sommaire : Sociologie des bases de données

Revue Réseaux (communication - technologie - société) Mir@bel
Numéro vol. 31, no 178-179 2013
Titre du numéro Sociologie des bases de données
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Présentation - Patrice Flichy, Sylvain Parasie p. 9-19 accès libre
  • Dossier : Sociologie des bases de données

    • Ce que les bases de données font à la vie privée : L'émergence d'un problème public dans l'Amérique des années 1960 - Michel Atten p. 21-53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article s'intéresse au développement des bases de données aux États-Unis dans les années 1960, et à l'émergence d'un débat public concernant le respect de la vie privée et la protection des données personnelles. Il montre que dès les années 1960, les problèmes que pose le traitement de données, pour les individus ou les organisations, sont l'objet d'un vaste débat public avant même que les premières bases de données numériques et leur système de gestion ne soient véritablement construits. Des critiques issues de la société civile conduisent à mettre en cause le projet de fusion des données administratives porté par les décideurs politiques à cette époque. Cet article établit ainsi qu'à l'orée des années 1970, l'accumulation spectaculaire des informations dans des banques de données est déjà publiquement perçue comme une menace pour les individus et les entreprises.
      What databases do to private life
      This article examines the development of databases in the US in the 1960s, along with the emergence of a public debate on the protection of privacy and personal data. It shows that, from the 1960s and even before the first digital data and their management system really existed, these issues were a subject of widespread public debate with regard to both individuals and organizations. Criticism by civil society challenged government plans at the time to merge administrative data. This article shows that from the dawn of the 1970s, the spectacular accumulation of information in databases was already publicly perceived as a threat to individuals and firms.
    • Rendre visible l'information : Une analyse sociotechnique du traitement des données - Patrice Flichy p. 55-89 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le traitement des données cherche, en manipulant de très nombreux documents, à rendre visible de l'information. C'est ce travail de mise en visibilité que présente cet article, en se plaçant en plusieurs points du processus : l'élaboration de la perspective globale du système d'information ; les opérations de collecte, de classement et de traitement des données et enfin leurs usages. On s'interrogera aussi sur la façon dont le traitement de l'information est au cœur de différentes pratiques sociales. Enfin, des éléments de repérage des systèmes d'information seront présentés à travers la définition de trois axes qui structurent les pratiques des acteurs. Cette réflexion globale s'appuie sur de nombreux exemples.
      Making information visible
      This article shows how information is made visible through the processing of data contained in huge volumes of documents. It focuses on several phases in the process: the development of an all-encompassing view of the information system; operations of collection, classification and processing of data; and the use of data. The author also examines the role of data processing at the heart of various social practices. Finally, drawing on numerous examples, he presents elements of data systems' identifiers, as he defines three axes that structure practices in this field.
    • Une infrastructure élusive : Aménagements cyclables et troubles de la description dans OpenStreetMap - Jérôme Denis, David Pontille p. 91-125 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article examine la pratique de la cartographie participative en étudiant la fabrique d'une base de données géographique qui recense les aménagements cyclables. À travers l'exploration de liste de discussions d'OpenStreetMap, il propose un inventaire des troubles de la description que rencontrent les cartographes amateurs. En amont de la stabilisation des catégories, les doutes des contributeurs donnent à voir une infrastructure urbaine élusive, en contraste avec son caractère ordonné et structuré par des politiques publiques. Ces doutes se cristallisent autour de trois niveaux de résistance à la mise en base de données. Dans les discussions, les aménagements cyclables apparaissent hétérogènes et changeants ; déjà ordonnés dans des versions difficiles à articuler ; actualisés dans des pratiques d'usagers dont il est difficile de se détacher. En arrêtant le mouvement de l'analyse aux troubles de la description, cet article met en lumière un aspect particulier de l'expérience des contributeurs : l'enquête collective dans ses moments les plus ouverts. En parallèle d'une perspective qui privilégierait la dynamique de l'accord, le rôle des procédures dans les débats, ou encore la motivation des contributeurs, cette posture permet de documenter le temps du doute et l'épreuve que constitue, avant la mise en ordre, l'exploration en tant que telle.
      An elusive infrastructure
      This article investigates the practice of participative mapping by examining the creation of a geographic database on infrastructure for bicycles. Based on the exploration of OpenStreetMap discussions, the authors draw up an inventory of problems that amateur cartographers encounter with regard to description. Prior to the stabilization of categories, the contributors' doubts reveal an elusive urban infrastructure that contrasts with the system which is ordered and structured by policies. These doubts crystallize around three levels of resistance to the creation of a database: first, in discussions, infrastructure for bicycles seems to be heterogeneous and changing; second, it is already organized in versions that are difficult to link up to one another; and, third, it is actualized in users' practices that are difficult to break away from. By limiting the analysis to problems of description, this article highlights a particular aspect of the contributors' experience: collective inquiry at its most open. In parallel with a perspective that favours agreement, the role of procedures in debates, or the contributors' motivation, this approach serves to document the phase of doubt and trial characterizing exploration as such, before order is established.
    • Des machines à scandale : Éléments pour une sociologie morale des bases de données - Sylvain Parasie p. 127-161 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis plusieurs années, des journalistes et des militants mobilisent les bases de données comme une forme sociotechnique permettant de rendre visibles des phénomènes qui échappent au regard des citoyens : le travail des parlementaires, les crimes, la pollution environnementale, etc. De telles pratiques interrogent les sciences sociales, qui ont jusqu'ici majoritairement envisagé les bases de données sous l'angle de la société de surveillance. À partir d'une enquête réalisée aux États-Unis et en France, nous proposons de renverser le questionnement habituellement associé à cette forme sociotechnique en posant les éléments d'une sociologie morale des bases de données. L'argument que nous défendons dans cet article, c'est que certaines mobilisations actuelles des bases de données déplacent les façons établies d'associer les humains et les machines dans la production de nos indignations collectives.
      Scandal machines
      For several years, journalists and activists have used databases as a socio-technical tool to reveal phenomena that citizens are usually not informed about: parliamentarians' work, crimes, environmental pollution, etc. Such practices are of interest to the social sciences which, until now, have tended to examine databases largely as an aspect of the society of surveillance. Based on a survey carried out in the US and France, this article reverses the usual analysis of this socio-technical form by laying the foundations for a moral sociology of databases. It argues that certain current uses of databases shift established ways of associating humans with machines in the production of our collective indignation.
    • Voir pour savoir : Concevoir et partager des « vues » à travers une base de données biomédicales - Éric Dagiral, Ashveen Peerbaye p. 163-196 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite de la manière dont la technologie des bases de données relationnelles est mobilisée pour produire, agencer et distribuer à l'échelle européenne des connaissances et des informations au sujet d'un ensemble de maladies qualifiées de « rares ». Retraçant la genèse et l'évolution du dispositif sociotechnique sur une trentaine d'années, il en analyse les appuis matériels et symboliques. L'étude ethnographique met en lumière l'importance de la négociation, de la co-conception et du partage de « vues » sur les données, opérations essentielles qui conditionnent le travail d'une variété d'acteurs, participent à maintenir les coopérations, et assurent la mise en circulation de connaissances jugées fiables et pertinentes. Ce processus de construction de « vues » est interprété comme un investissement de forme dont la dynamique reflète des manières originales et évolutives de travailler, de connaître et de s'engager en faveur des maladies rares, tout autant qu'elle participe à les façonner. Plus généralement, cette contribution à une sociologie des bases de données souligne la fécondité d'une entrée par les vues pour appréhender l'intégration d'une multiplicité de perspectives portées par des mondes sociaux hétérogènes.
      See to know
      This article considers the way in which the technology of relational databases is used to produce, articulate and distribute knowledge and information on a set of diseases qualified as “rare”, on a European scale. Looking at the genesis and evolution of the socio-technical apparatus over three decades, it analyses its material and symbolic foundations. The authors' ethnographic study highlights the importance of negotiation, co-design and sharing of “views” on the data. All of these are essential operations which determine the work of a variety of actors. They also help to maintain cooperation and ensure that knowledge deemed to be reliable and relevant is put into circulation. This process of construction of “views” is interpreted as an investment of form, the dynamics of which reflects original and evolving ways of working, knowing and engaging with regard to rare diseases, in so far as it is involved in shaping them. More generally, this contribution to a sociology of databases highlights the fecundity of a view-based approach for understanding the integration of multiple perspectives held by diverse social worlds.
    • Utiliser une base de données en organisation : La recherche de l'instrument - Pascal Ughetto p. 197-222 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article traite des bases de données dans les organisations hiérarchisées sous l'angle de l'activité de travail qu'elles imposent et de leur valeur variable d'instrument pour l'accomplissement de l'activité de travail. Dans une grande entreprise ayant mis en place un dispositif d'accompagnement des mobilités d'agents tenus de changer de poste, une base de données des dossiers des individus accompagnés est développée. Les conseillers pour la mobilité qui doivent l'utiliser sont incités à y voir un outil utile à leur activité. En réalité, pour ce qui est de leur activité, ils ne prêtent pas valeur d'instrument à cette application qu'ils perçoivent comme poursuivant principalement un objectif de traçabilité. La coopération à l'égard de l'outil (le fait qu'ils renseignent les données demandées) se réalise sur la base de l'idée que cela a valeur d'instrument pour les services centraux.
      Using a database in an organization
      This article considers databases in hierarchically structured organizations, from the angle of the work that they involve and their variable value as a tool to accomplish the task at hand. In a large firm that set up a system for assisting agents in the changeover to a new job, a database was developed on the files of the individuals assisted. The advisers who were supposed to use it were encouraged to see it as a useful tool for their work. They however failed to perceive its value for this purpose and interpreted it instead as an instrument serving the objective of traceability. Cooperation with regard to the tool (the fact that the data requested were supplied) was underpinned by the idea that it had value for the central services of the firm.
    • Les médecins et le dossier santé informatisé communiquant : Analyse d'une expérimentation du dossier médical personnel (DMP) - Alexandre Mathieu-Fritz, Laurence Esterle p. 223-255 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le dossier santé Picardie (DSP) est une expérimentation régionale qui préfigure l'implantation du dossier médical personnel (DMP) au niveau national. Il s'agit d'une base de données reconstituant l'histoire médicale du patient sous forme de dossier informatisé communiquant. L'objectif principal du DSP est le même que celui du DMP, à savoir intégrer tout un ensemble de données médicales dans un dossier sécurisé accessible en ligne, afin d'améliorer la coordination et la communication entre les différents professionnels de santé – e.g. entre médecine de ville, en cabinet, et établissements de soins. Notre objectif est de présenter la stratégie de déploiement du dispositif adoptée par le maître d'ouvrage et de voir comment les médecins picards ont intégré à leurs pratiques des usages du DSP, c'est-à-dire comment, de façon concrète, les médecins l'ont créé et alimenté, et ont pris connaissance de son contenu. Nous avons également cherché à savoir si les usages du DSP ont pu contribuer à créer, modifier ou renforcer des modes de coordination entre médecins et avec d'autres professionnels de santé.
      Doctors and the electronic health record
      The dossier santé Picardie or DSP (Picardie health file) is a regional experiment prefiguring the introduction of the personal medical file (DMP – dossier medical personnel) nationwide. It consists of a database on the patient's medical history, in the form of a single computerized medical record. The main purpose of the DSP is the same as that of the DMP: to integrate a variety of medical data into a secure file accessible on line, with a view to improving coordination and communication between different health professions, e.g. between private practitioners and medical care institutions. This article presents the contracting authority's strategy adopted to introduce the system, and shows how doctors in Picardy have integrated the use of the DSP into their practices; in other words, concretely, how they have created, informed and become informed of its content. The authors also look at whether uses of the DSP have contributed to creating, modifying or reinforcing modes of coordination between doctors themselves and between them and other health professionals.
  • Notes de lecture