Contenu du sommaire : Démographie et héritages soviétiques
Revue | Revue d'études comparatives Est-Ouest |
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Numéro | vol 26, no 4, décembre 1995 |
Titre du numéro | Démographie et héritages soviétiques |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Démographie et héritages soviétiques
- Coordonnateurs : Alain Blum et Catherine Gousseff- Introduction : La question des héritages : l'apport de la démographie... - Alain Blum et Catherine Gousseff p. 5
Les institutions et les hommes : mortalité et protection sociale
- La mortalité en Russie: une crise sanitaire en deux temps - France Mesle et Vladimir Shkolnikov p. 9 Dans les quinze dernières années, l'espérance de vie en Russie a été soumise à de très larges fluctuations. La forte augmentation observée en 1985-86 a été suivie d'une baisse d'ampleur équivalente jusqu'en 1992. En 1993, la détérioration s'est amplifiée. Ces différents mouvements tiennent essentiellement aux variations de la mortalité aux âges actifs. Ils sont étroitement liés, d'une part, aux mesures anti-alcooliques prises par Gorbatchev en 1985 et, d'autre part, à la dégradation des conditions socio-économiques des années récentes. Cette évolution s'inscrit toutefois dans une tendance à long terme défavorable. En Russie, comme dans d'autres pays d'Europe de l'Est, la situation sanitaire se dégrade depuis le milieu des années soixante, faute pour ces pays d'avoir su contrôler la montée des maladies cardio-vasculaires et des cancers. La crise récente peut apparaître dans ce contexte comme le prolongement de la tendance des trois dernières décennies.Mortality in Russia : a public health crisis in two stages. Over the past fifteen years, there have been very wide fluctuations in life-expectancy figures in Russia. The marked increase noted in 1985-86 was followed by an equivalent drop, up until 1992. In 1993, the rates showed a further deterioration. These fluctuations stem basically from variations in mortality rates among the active population. They are closely linked, on the one hand, with Gorbachev's anti-alcoholism measures of 1985, and on the other with the worsening socio-economic conditions of recent years. However, this pattern of development is part of a long-term negative trend. In Russia, as in other Eastern European countries, there has been a deterioration in public health conditions since the middle sixties, despite the fact that these countries have succeeded in checking the rise in cardio-vascular illnesses and cancer. In this context, the recent crisis may be interpreted as the continuation of the trend of the last three decades.
- Le système de protection sociale russe : héritages et transformations - Cécile Lefèvre p. 25 Cet article tente d'analyser, par un éclairage historique, quelles sont les continuités et les discontinuités caractéristiques de l'évolution du système de protection sociale russe, en s 'interrogeant sur la manière dont les formes institutionnelles passées influencent les réalisations et projets en matière de protection et de politique sociales en cette période de transition. La première partie est consacrée à l'examen de la notion d'héritage institutionnel dans l'étude de la protection sociale russe. Après une analyse des institutions stricto sensu (organismes, fonds et ministères sociaux) de la protection sociale et de leur évolution, on conclut à la nécessité d'un élargissement du champ de cette notion. Le système de protection sociale russe comporte au moins trois pôles : les organismes sus-cités, les entreprises et les collectivités locales. Par héritage institutionnel, nous entendrons l'héritage des interactions entre ces trois pôles et leurs transformations. Dans une seconde partie, il s'agira alors de mettre en évidence et d'analyser le rôle social des entreprises, caractéristique structurelle bien qu'évolutive du système de protection sociale russe. Un mouvement de transfert de ce rôle social des entreprises vers les collectivités locales s'amorce cependant. C'est pourquoi, en dernière partie, une analyse en longue période évoquera le mouvement actuel de dévolution des compétences sociales des entreprises, mais surtout du Centre, vers les pouvoirs locaux, en pro- posant des analogies heuristiques avec la décentralisation des politiques sociales à l'époque des "zemstva", à la fin du XIXe siècle.The Russian social security system : legacies from the past, and current changes. The purpose of this article is to examine, in the light of history, the constant and variable elements in the development of the Russian social security system, by looking at the way in which past institutional forms influence the implementation of objectives related to welfare and social security, during this transitional period. In this study of the Russian social security system, the first part is concerned with the idea of the system's institutional heritage. After an analysis of these (strictly defined) welfare institutions and their development (bodies, funds, ministries), the conclusion is reached that there is a need to broaden the scope of this concept. The Russian social security system operates from at least three focal points : the afore-mentioned bodies, enterprises and local communities. By institutional heritage is meant inherited interaction among these three centres and their modified forms. Thus, in a second part, the aim will be to emphasize and to analyse the social function of the enterprise, a structural albeit evolutionary caracteristic of the Russian social security system. However, there are signs of the beginning of a shift away from the social role of the enterprise towards local communities. For this reason, in the final part of the analysis, a long-term appraisal will take account of the present trend towards devolution of social responsibilities of enterprises, and above all of the Centre, on the local authorities, by suggesting heuristic analogies with the decentralization of social programmes at the time of "zemstva", at the close of the XlXth century.
- Une lecture démographique de la frontière Est-Ouest - Morgane Labbé p. 55 L'analyse des effets du politique sur les populations est utile pour comprendre les évolutions démographiques récentes des pays de l'Europe orientale. C'est pour la mortalité que l'Europe de l'Ouest et l'Europe de l'Est présentent les plus grandes différences. Celles-ci relèvent des systèmes de santé car l'aggravation de la mortalité adulte fut commune à toute l'Europe. La surmortalité des pays de l'Est peut alors s'expliquer par les problèmes de mise en place d'une politique préventive, car celle-ci consiste à promouvoir un nouveau type de rapport entre l'individu et l'institution. Sous cet angle institutionnel, on peut alors comprendre que la coupure entre l'Est et l'Ouest ne s'observe pas pour des caractères familiaux tels que le mariage, le divorce ou la fécondité, alors que les législations étaient très différentes.A demographic interpretation of the East-West frontier. Analysis of the effects of politics on populations helps towards an understanding of recent demographic developments in the countries of Eastern Europe. The greatest differences between Western Europe and Eastern Europe are to be found in their mortality rates. These differences arise from the public health systems, for the worsening of adult mortality was common to the whole of Europe. The higher mortality in East European countries can thus be explained by the problems of setting up a preventive policy, since this calls for the encouragement of a new kind of relationship between the individual and the institution. From this institutional perspective, it can be seen that the divide between East and West does not operate in family contexts, such as marriage, divorce or fertility, when the legal conditions were very different.
- La mortalité en Russie: une crise sanitaire en deux temps - France Mesle et Vladimir Shkolnikov p. 9
Le mouvement des hommes : l'héritage colonial
- Colonialisme russe-soviétique et colonialismes occidentaux : une brève comparaison - Marc Ferro p. 75 Il suffit d'observer que M. Chevardnadze règne en Géorgie, que certains leaders de la révolte tchétchène sont d'origine russe, que la plupart des dirigeants de républiques exsoviétiques sont des apparatchiks de l'époque Gorbatchev, pour en déduire que pareil phénomène n'a pas d'équivalent ailleurs. Cela témoigne bien de la spécificité de ce qu'a pu être la colonisation russe et soviétique confrontée à celle des autres puissances coloniales ou impérialistes. Et, comme le montre l'auteur, cela annonce également la spécificité de son processus de décolonisation.Soviet-Russian colonialism and forms of Western colonialism : a brief comparison. One has only to note that Mr. Chevardnadze is in power in Georgia, that certain leaders of the Chechen revolt are of Russian origin, that the majority of those in charge of former Soviet republics are apparatchiks of the Gorbachev era, to come to the conclusion that this is a phenomenon the like of which is not to be found anywhere else. This amply demonstrates what must have been the specific nature of Russian and Soviet colonization, faced with that of other colonial or imperialist powers. And, as the author shpws, it also foreshadows the nature of the process of decolonization.
- Les migrations dans la Russie post-soviétique : reflet du passé et miroir des changements en cours - Anatoli Vichnevski p. 101
- Minorités exogènes ou Russes de l'intérieur en Asie centrale - Catherine Poujol p. 125 La « diaspora russe » coloniale et post-coloniale, qui réside encore dans les républiques d'Asie centrale ex-soviétique au nombre de plusieurs millions, constitue un héritage douloureux pour ces jeunes États de facture soviétique dont l'affirmation identitaire passe par la mise en évidence d'une responsabilité historique de la Russie à leur égard. Pourtant, le problème des russophones vivant dans cet « Étranger proche » - expression initialement lancée par les diplomates russes pour désigner les autres pays de la CEI - est devenu un enjeu politique aussi bien pour F« ancienne métropole», dont la politique extérieure doit prendre en compte la création de nouvelles frontières, que pour les nouvelles républiques qui tentent de les fixer sur place et tâchent de contenir la pression inter-ethnique.Exogenous minorities or indigenous Russians in Central Asia. The colonial and post-colonial "Russian diaspora" which is still living in the former Soviet republics of Central Asia, to the number of several millions, represents a painful inheritance for these new Soviet-created states, whose identity is affirmed by underscoring Russia's historical responsibility for them. However, the problem of these "near abroad" (the expression was originally coined by Russian diplomats to describe the other countries of the CEI) Russophones has become a political stake, as much for the "former homeland", whose external policy must take into account the setting-up of new frontiers, as for the new republics who are trying to establish them firmly and endeavouring to contain inter-ethnic pressures.
- Colonialisme russe-soviétique et colonialismes occidentaux : une brève comparaison - Marc Ferro p. 75