Contenu du sommaire : Médecine

Revue Annales. Histoire, Sciences Sociales Mir@bel
Numéro vol. 65, no 1, janvier 2010
Titre du numéro Médecine
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Médecine - p. 5-7 accès libre
  • Les savoirs médicaux : textes, circulations, controverses

    • Un flacon en point de mire : La science des urines, un enjeu culturel dans la société médiévale (XIIIe-XVe siècles) - Laurence Moulinier p. 11-37 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La science des urines, fondée sur l'examen de ce fluide corporel qui débouchait sur un « jugement », s'est peu à peu constituée comme une branche dominante de la sémiologie médicale, au point de symboliser à elle seule la culture médicale savante occidentale à partir de la fin du XIIe siècle. Dans le même temps, le corps médical s'est lui-même structuré et des divisions sont venues délimiter les attributions respectives de différents groupes de praticiens. Or l'uroscopie en tant que doctrine savante et pratique réservée a progressivement débordé son cadre d'origine et suscité émulation, voire appropriation indue, au sein du corps médical et même hors de ce monde. Le présent article s'intéresse donc à la science des urines considérée non du point de vue de l'histoire des théories médicales, mais comme objet de diffusion et de vulgarisation et comme révélateur de luttes ou empiètements entre différents groupes. Outre la question des limites mouvantes du savoir médical et de la pratique, cette enquête sur la science des urines comme enjeu culturel croise celle de la professionnalisation de la médecine, de la variété de ses acteurs comme de la diversité des modes de transmission du savoir, et notamment du partage des eaux entre latin et langues vernaculaires.
      A flask at center-stage : The science of urines as a cultural issue in medieval Western society The science of urines, based on the examination of this physical fluid which resulted in a ‘judgment', became little by little a dominant branch of medical semiology, to the point of symbolizing the western learned medical culture by the end of the 12th century. At the same time, the formation of the medical profession divided the respective competence of various groups of practitioners. However, uroscopy as an exclusive doctrine gradually spread beyond its original frame and created competition, even illicit appropriation, within and without the medical profession. This article explores the science of urines not as a medical theory, but as a cultural object at large and a marker of conflicts between various social groups. Beside the question of the unstable limits of medical knowledge and practice, this survey of the science of urines as a cultural issue sheds light on the professionalization of medicine, the variety of actors involved as well as the diversity of the modes of transmission of knowledge, in particular the division between Latin and vernacular languages.
    • Le rêve dans l'Allemagne du XVIe siècle : Appropriations médicales et recouvrements confessionnels - Claire Gantet p. 39-62 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Longtemps, la médecine du XVIe siècle fut présentée comme l'histoire d'un progrès au terme duquel les autorités antiques et le savoir purement livresque furent délaissés au profit d'idées formulées d'abord à Padoue et à Bologne, de l'anatomie de Vésale, de l'observation et de la dissection. L'exemple des débats relatifs au rêve dans l'Allemagne moderne montrent au rebours la complexité des champs institutionnels, culturels et intellectuels investis par la médecine ainsi que ses recouvrements partiels par la théologie.
      Dreams in 16th-century Germany Medical appropriations and religions overlap Sixteenth-century medicine has long been regarded as a story of progress, at the end of which Ancient authorities and purely bookish knowledge were abandoned in favour of ideas, first formulated in Padua and Bologna, of Vesal's anatomy, of observation and dissection. The example of the debates on dreams in early modern Germany, on the contrary, shows the complexity of the institutional, cultural and intellectual fields occupied by medicine and its partial overlapping with theology.
    • Une maladie indéfinissable ? : L'hystérie, de la métaphore au récit, au XVIIIe siècle - Sabine Arnaud p. 63-85 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dès le XVIIe siècle, les médecins affirment la difficulté de rendre compte des affections hystériques. Cet article étudie deux types de pratiques scripturaires développées pour rendre compte de ces troubles, l'usage de métaphores et l'insertion de narrations. Dans un premier temps abondent les métaphores (Protée, caméléon, hydre) et il s'agit de suivre la transformation de leurs usages entre 1570 et 1820. À partir du XVIIIe siècle sont privilégiés les récits de cas de patients, inscrivant la compréhension de la maladie à partir de la reconstitution de son évolution dans le temps. À travers l'étude de ces deux types d'énonciation, il s'agit d'analyser comment des enjeux politiques et épistémologiques habitent les textes, en déplacent les accents, favorisent le renvoi à certains imaginaires, et construisent une catégorie médicale : l'hystérie. Au-delà même de la théorisation de l'hystérie, c'est la transformation du savoir médical et de la perception du rôle de la médecine qui apparaît avec l'étude de ce corpus.
      An undefinable disease ? Hysteria from metaphor to narrative in the 18th century From the 17th century onward, doctors insisted on the difficulty of accounting for the enormous scope of hysteric affections. This article studies two strategies doctors developed to illustrate hysteric troubles : metaphors and narratives of individual patients' cases. An initial period saw an abundance of metaphors (Proteus, Chameleon, Hydra) and the article follows the transformation of their uses between 1570 and 1820. From the 18th century on, narratives of patients' cases were favored, inscribing the comprehension of the malady in terms of a reconstruction of its evolution over time. Through the study of two types of enunciation, this article analyzes how political and epistemological stakes informed these texts and led to the construction of a medical category. Beyond the theorization of hysteria, the study of this corpus illustrates the transformation of medical knowledge and the changes in doctors' perceptions of their role.
  • Le pouvoir de soigner : innovation, expérimentation, expertise

    • Une marchandise scientifique ? : Savoirs, industrie et régulation du médicament dans l'Allemagne des années trente - Jean-Paul Gaudillière p. 89-120 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article revient sur la double identité du médicament comme marchandise et comme objet de science durant l'entre-deux-guerres, moment où l'industrialisation de la pharmacie était un enjeu de fortes controverses. Il aborde les activités des firmes, des chercheurs et des médecins par les divers registres de savoirs mobilisés pour faire des agents thérapeutiques. L'article propose l'analyse des deux formes de régulation (professionnelle et industrielle) alors dominantes ; c'est-à-dire de deux systèmes de pratiques pour régler la caractérisation, la production, la circulation, les usages de ces produits au-delà des seules actions formelles de l'État. Pour les caractériser, le texte part de l'histoire de deux firmes allemandes, Madaus et Schering, investies dans l'industrialisation des préparations issues du vivant dont le positionnement scientifique et les marchés étaient radicalement différents. Il explore les trajectoires des extraits de plantes (Madaus) et des hormones sexuelles (Schering) avec une attention particulière pour les dispositifs de standardisation.
      A scientific commodity ? Knowledge, industry, and pharmaceutical regulation in 1930s Germany This paper explores the double nature of pharmaceuticals as commodities and scientific objects, focusing on the various forms of corporations, scientists and physicians have mobilized to make drugs during the 1920s and 1930s, when the industrialization of pharmacy was a highly controversial issue. The paper offers an analysis of the two main professional and industrial approaches to regulation in that period. In order to characterize these systems of practices organizing the invention, the production, the circulation, and the uses of pharmaceuticals, this article details the contrasted history of two German firms, Madaus and Schering, both invested in the industrialized manufacture of biological preparations made out of living matter, but with radically different scientific and marketing strategies. It thus follows the trajectories of plant extracts (Madaus) and sex hormones (Schering) with a special attention paid to standardization practices.
    • Le médecin qui voulut être roi : Médecine coloniale et utopie au Cameroun - Guillaume Lachenal p. 121-156 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article mène une réflexion sur l'usage des métaphores expérimentales, et en particulier de la notion de « laboratoire », dans le domaine de l'histoire de la médecine et des études coloniales. Il s'appuie sur l'étude d'une expérimentation politique entreprise pendant la Seconde Guerre mondiale : l'attribution exclusive aux médecins coloniaux d'une région entière du Cameroun, le Haut-Nyong, pour y soumettre complètement l'administration aux impératifs de la santé publique. Cette utopie sanitaire rappelle que les colonies ont pu être un « champ d'expériences » biopolitiques. Mais l'expérience du Haut-Nyong révèle surtout, en tournant rapidement au désastre, le rôle constitutif de l'échec et de la démesure dans les logiques et les pratiques du gouvernement colonial. L'article propose ainsi des pistes pour une approche pragmatique des ambitions expérimentales des médecins coloniaux, et pour reconsidérer la question historiographique de l'écart entre « projet » et « réalité ».
      The doctor who would be king Colonial medicine and utopia in Cameroon This article discusses the use of experimental metaphors, and especially of the notion of ‘laboratory', by scholars in the history of medicine and colonial studies. It is based on the empirical study of a political experimentation conducted during World War II : the exclusive attribution of an entire region of Cameroon, the Haut-Nyong, to colonial doctors, with the goal of experimenting a form of colonial administration integrally conceived in the name of public health. This sanitary utopia reminds us that colonies did serve as sites of biopolitical experiments. But more importantly, the Haut-Nyong experiment, as it rapidly turned into a disaster, reveals that failure and hubris played a constitutive role in the logic and practices of colonial government. The article thus proposes a pragmatic approach to the study of the experimental ambitions of colonial doctors, as well as theoretical and empirical ways to reconsider the historiographical question of the gap between ‘project' and ‘reality'.
    • Les médecins, le tabagisme et le Welfare State : Le gouvernement britannique face au cancer (1947-1957) - Luc Berlivet p. 157-190 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article analyse la réception par l'élite médicale, le gouvernement et l'industrie britanniques des premières publications, à partir de 1950, liant tabagisme et cancer du poumon. Proprement inattendue, l'association mise au jour par les chercheurs du Medical Research Council posa des difficultés économiques et politiques au projet de Welfare State en cours d'actualisation. Elle mit également à l'épreuve la « machinerie consultative », dispositif complexe de comités scientifiques institué au sein du ministère de la Santé dans une perspective de rationalisation de la politique gouvernementale. Les obstacles à la mise en œuvre de l'idéal d'objectivité sur lequel reposait sa légitimité, dans un contexte d'incertitude scientifique inédit, font l'objet d'une étude détaillée. Enfin, l'analyse des relations d'interdépendance entre chercheurs, responsables gouvernementaux, et industriels du tabac vient éclairer la dynamique scientifico-politique qui finit par contraindre le Cabinet britannique à reconnaître le caractère causal du lien entre tabagisme et cancer du poumon.
      Physicians, smoking, and the Welfare State : The British government and cancer (1947-1956) The article details the reactions of the British medical elite, government and the tobacco industry to the first studies, published in 1950, linking smoking to lung cancer. Highly unexpected, this relationship, identified by scientists at the Medical Research Council, financially and politically threatened the plans for a Welfare state that had just started being implemented. The alleged link between smoking and lung cancer also put to the test the complex scheme of scientific committees established within the Ministry of Health as a means of rationalizing the government's policy in this field. The difficulties experienced by experts in their efforts to measure up to the ideal of objectivity that provided the legitimacy for the ‘advisory machinery' are analyzed. Finally, a detailed study of the interactions between scientists, policy makers and industrialists sheds light on the scientific and political dynamics that forced the British government to acknowledge that the link between smoking and lung cancer was a causal one.
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