Contenu du sommaire : Les nouvelles formes de domination dans le travail (2)

Revue Actes de la recherche en sciences sociales Mir@bel
Numéro no 115, décembre 1996
Titre du numéro Les nouvelles formes de domination dans le travail (2)
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Les nouvelles formes de domination dans le travail (2)

    • Journal de grève. - Paul Barets.
    • Exigences de qualité et nouvelles formes d'aliénation. - Sami Dassa et Dominique Maillard. accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Exigences de qualité et nouvelles formes d'aliénation. Pour répondre aux nouvelles exigences de qualité des produits, les industries de l'agro-alimentaire ont été amenées à promouvoir des politiques comportementales et organisationnelles visant à réduire la contamination des aliments en cours de production. A l'expérience, les industriels se sont heurtés à la difficulté d'obtenir de leurs personnels des changements durables en termes d'hygiène, de propreté et de qualité. Les formations spécifiques mises en oeuvre n'ont pas obtenu les résultats escomptés. C'est pour tenter d'analyser ces difficultés que des entreprises de ce secteur ont adressé une demande de recherche sociologique. L'article est une réflexion sur cette recherche et en particulier une analyse a posteriori des présupposés de la demande. La recherche montre que les dérives s'expliquent moins en termes comportementaux qu'en termes organisationnels. Autant les politiques, les concepts opératoires et les règles officielles peuvent être maîtrisées par l'organisation, autant les pratiques comportementales réelles demeurent irréductibles. Des changements durables ne sont concevables que dans le cadre d'une concordance entre les habitus et les structures objectives.
      Quality standards and new forms of alienation. In response to new product quality standards, agri-business has begun to promote behavioral and organizational policies intended to reduce the contamination of food during production. In practice, industrialists have found it difficult to obtain durable change on the part of employees regarding hygiene and quality, and special training has failed to produce the hoped-for results. In their desire to analyse these difficulties, several of these firms called in sociologists. The present article is a reflection on this research and in particular an a posteriori analysis of the presuppositions behind the request. The findings show that discrepancies are better explained in terms of organization than of behavior. While policies, operative concepts and official rules can be controlled by organization, real behavioral practices die hard. The only framework capable of producing durable change would be one in which objective structures coincicle with habitus.
    • Embauché dans une usine. - Lionel Duroy accès libre
    • L'emploi féminin à l'ombre du chômage. - Margaret Maruani. accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'emploi féminin à l'ombre du chômage. Vingt ans de chômage et de rationnement du travail n'ont pas entamé la poursuite du mouvement de féminisation du salariat. La continuité de la vie professionnelle des femmes semble désormais inscrite dans les comportements d'activité à la manière d'une norme sociale dominante. Pour autant, ces mutations majeures n'ont pas cassé les mécanismes de production des inégalités de sexe. A côté des formes anciennes d'inégalité professionnelle -écarts de salaire, différences de carrières, ségrégations horizontales et verticales - de nouvelles modalités de disparités ont vu le jour : la création de noyaux durs de sur-chômage et de sous-emploi féminins solidement installés - et largement tolérés.
      Unemployment clouds outlook for women's jobs. Twenty years of unemployment and work rationing have not slowed the feminization of the labor force. The continuity of women's working lives seems to have become an activity behavior in the manner of a dominant social norm. And yet these major changes have not undone the mecha- nisms responsible for producing sexual inequalities. Alongside the old forms of professional inequality - differences in salary and career paths, horizontal and vertical segregation - new types of disparity have emerged : the creation of hard cores of high female unemployment and underemployment, firmly entrenched and. widely tolerated.
    • Précarité dans l'enseignement supérieur. - Charles Soulié. accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Précarité dans l'enseignement supérieur. Le lancement dans les années 80 du plan Université 2000 et d'une politique ambitieuse de recrutement de jeunes chercheurs au travers du système des allocations de recherche/monitorat a contribué à augmenter fortement le nombre de thèses produites, comme celui des prétendants à un poste universitaire. Le nombre de postes ouverts n'ayant pas crû dans les mêmes proportions, le chômage et la précarité touchent un nombre croissant de jeunes docteurs dont on a pourtant antérieurement financé la thèse. L'article s'intéresse plus particulièrement aux périodes de sortie de thèses, ou de fin de contrats, en tant qu'elles constituent souvent des moments de crise pour ces chercheurs qui découvrent alors le décalage existant entre leur position et leurs aspirations.
      Higher education and job insecurity. The "University 2000" plan was launched in the 1980s, accompanied by the active recruiting of young researchers by means of a system of research/teaching-assistant stipends. This ambitious policy contributed to the strong rise in the number of theses produced as well as the number of candidates for university jobs. As the number openings has not grown in the same proportions, unemployment and job insecurity have become the lot of growing numbers of young PhD's whose thesis had nevertheless been financed by the State. The present article concerns more particularly the end of the thesis or the research contract insofar as these times often throw researchers into crisis when they discover the gap between their expectations and their actual situation.
    • La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique. - Loïc J.D. Wacquant. accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La généralisation de l'insécurité salariale en Amérique. Durant la décennie passée, les licenciements de masse sont devenus un instrument privilégié de gestion financière à court terme des entreprises américaines de sorte que les classes moyennes et managériales étatsuniennes ont fait l'amère découverte de l'insécurité de l'emploi en plein regain de croissance. A partir d'une vaste enquête du New York Times publiée sous forme de reportages puis d'un livre à succès, cet article décrit la mise en place de la thématique du "downsizing", vocable nouveau issu de l'industrie automobile qui désigne et masque à la fois la remise en cause du pacte social paternaliste qui protégeait jusqu'à récemment les employés des grandes firmes ainsi que les dispositifs bureaucratiques et symboliques sur lesquels s'appuit la normalisation forcée de la précarité salariale. Car le retour de la prospérité aux Etats-Unis s'est bâti sur une dégradation spectaculaire des termes et des conditions d'emploi : durant les quinze dernières années, trois Américains sur quatre ont connu ou frôlé le licenciement ; 41 % des personnels « dégraissés » n'étaient pas couverts par l'assurance-chômage et les deux tiers de ceux qui ont retrouvé du travail ont dû accepter un poste moins rémunéré. Aujourd'hui 82 % des Américains se déclarent prêts, pour sauvegarder leur emploi, à allonger leurs horaires, 71 % accepteraient d'amputer leurs congés, 53 % de réduire leurs avantages sociaux et 44% leur salaire. L'absence d'action collective face à la prolifération des débauchages commandés par les maneuvres boursières s'explique pour partie par la prégnance de l'ethos de l'individualisme méritocratique qui veut que chaque salarié soit seul responsable de son destin. Mais l'anxiété des classes moyennes étatsuniennes exprime bien plus qu'une simple « démocratisation » de l'insécurité socioéconomique. Elle traduit une crise structurale du mode de reproduction sociale qui touche avec une force particulière les occupants des zones intermédiaires de l'espace social. Faute d'un langage capable de donner une signification collective à la poussière des déboires et des désillusions individuels, la frustration suscitée par le dérèglement des stratégies de reproduction des classes moyennes américaines se retourne d'un côté contre l'Etat et de l'autre contre les catégories « déméritantes » ou soupçonnées de bénéficier d'avantages indus, Noirs, femmes, et pauvres jetés en pâture au pays afin d'exorciser la peur montante de la chute sociale.
      The downside of America. As American corporations came to utilize mass layoffs as a prime instrument of short-term financial management over the past decade, the US middle classes have made the bitter discovery of insecurity in the midst of renewed economic growth. Drawing on an extensive study by the New York Times published as a series of reports and later as a best-selling book, this article recounts the rise of the thematics of "downsizing", a new terni originating in the automobile industry which simultaneously designates and obfuscates the overturning of the paternalistic social contract that used to protect the employees of large firms as well as the bureaucratic and symbolic devices which effect the forced normalization of wage-labor precariousness. The return to prosperity in the United States has indeed been built on a spectacular deterioration of the terms and conditions of employment : in the past fifteen years, three Americans in four have personnally experienced or been indirectly affected by a layoff ; 41 % of the "downsized" were not covered by unemployment insurance and two thirds of those who have found jobs since have had to settle for positions that pay less. Today 82 % of Americans are willing to increase their work hours to hold on to their job, 71 % would accept to cut their vacation, 53 % to trim their benefits, and 44 % to reduce their wages. The absence of collective action in response to the proliferation of layoffs triggered by stock market maneuvers can be explained in part by the pervasive influence of the ethos of meritocratic individualism according to which every wage earner is ultimately responsible for his or her own destiny. However the anxiety of the American middle classes is not merely an expression of the « democratization » of socioeconomic insecurity. It betrays a structural crisis of the mode of social reproduction that particulaiiy impacts the occupants of the intermediary zones of social space. For lack of a language capable of endowing scattered experiences of disappointment and disabusement with collective meaning, the frustration generated by the disruption of the strategies of reproduction of the American middle classes lias been diverted, on the one side, onto the State and, on the other, onto the categories deemed « undeserving » or unduly protected, blacks, women, and the poor, whose castigation serves to exorcise the growing fear of downward mobility.
    • Deux regards sur le travail ouvrier. A propos de Roy et Burawoy, 1945-1975. - Pierre Fournier. accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Deux regards sur le travail ouvrier. Par le renversement de la question qui fait passer de « pourquoi les ouvriers refusent-ils de produire plus ? » à « pourquoi acceptent-ils de produire autant? », les contributions de Roy et de Burawoy, fondées sur deux enquêtes menées à trente ans d'intervalle sur un même terrain industriel, débordent les raisonnements de l'en- cadrement pour lequel l'intérêt économique serait le seul ressort légitime de l'action individuelle au travail. La limitation de la production se révèle une pratique collective multiforme qui cache des moments de travail d'une grande intensité où les ouvriers s'inventent des jeux auxquels se prendre pour rendre supportable leur condition et des garde-fous que les ouvriers mettent en place contre eux-mêmes en fixant des niveaux de production à ne pas dépasser pour ne pas se laisser emporter par ces jeux qui ont des effets de cohésion sur le groupe ouvrier. Si Roy et Burawoy ont pu révéler ces modes de régulation sociale du collectif de travail et ces systèmes de classement originaux en son sein, qui conduisent à l'évaluation et à la distribution des prestiges sociaux entre les travailleurs de l'atelier, c'est par le choix qu'ils ont fait de l'observation participante comme méthode d'enquête. Celle-ci réclame, comme les autres méthodes, un retour réflexif sur les conditions de sa mise en œuvre, ne serait-ce que pour évaluer les limites que ses modalités précises (selon par exemple qu'elle est déclinée à l'insu des enquêtes comme le fait Roy ou, comme Burawoy, à découvert) imposent à la qualité des informations recueillies. Les analyses du travail ouvrier, tirées de l'observation sont directement fondées sur des constats empiriques singuliers, matérialisés par les notes de terrain de Roy, que Burawoy utilise comme matériau secondaire, en plus de ses propres notes, dans un souci comparatiste.
      Two views of factory labor. Turning the question «why do workers refuse to produce more » around to read « why are they willing to produce so much », the contributions by Roy and Burawoy, based on two surveys conducted in the same industry thirty years apart, go beyond the managerial reasoning in which economic interest is regarded as the only legitimate motive for individual action in the workplace. Limiting production is shown to be a multiform practice which conceals moments of intense effort wherein, to make their condition liveable, workers invent games in which they become caught up, as well as protective mechanisms which set maximum production levels lest they get carried away by these, games which have a cohesive effect on the work group. The reason Roy and Burawoy were able to uncover these social modes of regulating worker groups and their original systems of classification, which lead to assessing and distributing social prestige among the members of the shop, was that they chose to conduct their study as participant observers. Like other methods, this too requires reflection on the conditions of its implementation, if only in order to gauge the limitations its specific modalities (e.g. depending on whether it is conducted unbeknown to the subjects, as Roy did, or openly, as Burawoy chose to do) impose on the quality of the information gathered. The analyses of the work in question, drawn from their observations, are based directly on singular empirical observations materialized by Roy's field notes, which Burawoy uses, as a secondaiy source, in addition to his own notes, in a comparatist perspective.
    • Le drame social du travail. - Everett Hughes. accès libre
    • A l'ombre du marché. Histoire récente de la réforme du Welfare. - Michael B. Katz. accès libre