Contenu du sommaire : Analyses politiques allemandes
Revue | Politix |
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Numéro | vol 14, no 55, 2001 |
Titre du numéro | Analyses politiques allemandes |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- Liste des auteurs - p. 7-9
- Editorial - p. 11-12
Dossier : Analyses politiques allemandes
- Niklas Luhmann et la gouvernance - Dietmar Braun, Yannis Papadopoulos p. 15-24 Niklas Luhmann et la gouvernance Dietmar Braun et Yannis Papadopoulos Le sociologue Niklas Luhmann a exercé une influence importante dans le domaine de l'analyse des politiques publiques en Allemagne, essentiellement à travers les débats et critiques que son approche a suscité sur les questions de pilotage (Steuerung). Après avoir présenté brièvement l'approche luhmanienne de la différenciation sociale en sous-systèmes autonomes, ce texte fait un état des lieux des controverses allemandes autour des conséquences de la complexité sur la gouvernance des sociétés contemporaines. Il conclut sur les limites empiriques de cette pensée sociologique volontairement radicale et provocatrice.Niklas Luhmann and gouvernance Dietmar Braun et Yannis Papadopoulos The legacy of the sociologist Niklas Luhmann's work still has an important influence on the public policy analysis in Germany, mainly on the debates and critics implicated by his approach in terms of tuning. After having shortly presented Luhmann's approach of social differentiation into different social sub-systems, this paper sums up some aspects about German controversies on the consequences of governance within contemporary complex societies. It concludes about some empirical limits of such a sociological theory, explicitly radical, and provocative as well.
- L'opinion publique - Niklas Luhmann p. 25-59 L'opinion publique Niklas Luhmann L'opinion publique pose trois problèmes : celui de son émergence historique, celui de sa fonction dans le système social et celui de son caractère supposé « public ». Ce sont ces trois problèmes que l'article examine de manière successive. Il montre comment, loin de se confondre avec une simple interaction entre coprésents, l'opinion publique est le produit direct de la complexification et de la différenciation des sociétés urbaines, mais aussi de la différenciation du pouvoir politique lui-même, partagé entre la souveraineté et la raison. « L'opinion publique » a été le moyen par lequel la raison publique pouvait l'emporter sur la souveraineté aveugle. Ce faisant, pourtant, elle s'est à son tour développée comme médium au sein du système social, elle est devenue une « observation de deuxième ordre ». Tout input qui s'efforce d'être nourri de vérité ou de valeur est interprété par « l'opinion publique », et cette interprétation fournit à son tour la matière d'une « opinion publique ». Rien n'autorise donc à dire que l'opinion publique est « rationnelle », ou s'oppose à la non-raison : elle est à chaque itération, dans un mouvement de création et de destruction, observation d'observateurs absents destinés à des observateurs absents. Ceci a pour conséquence une clôture « autopoïétique » du système sur lui-même, où l'opinion publique devient réalité construite construisante, autrement dit productrice de schémas, de scripts sur la réalité politique : script de la crise, script binaire de la norme et de la déviance, ou de la cause et de l'effet, etc. Cela a pour conséquence que la politique ne repose plus sur des vérités établies et éternelles, mais sur des « thèmes » qui sont validés par l'opinion publique comme « chose à discuter », choses toujours relatives, destinées à mourir et se reproduire, dans un mouvement qui nourrit l'autoconsolidation du système politique.Public opinion Niklas Luhmann The article shows how, far from only being an interaction between co-presents, public opinion is an immediate consequence of the increasing complexity and differentiation of urban societies, as well as of the internal differentiation of political power itself, which has been divided into sovereignty and reason. "Public opinion" has been the way through which public enlightenment had a chance to overcome blind sovereignty. Meanwhile, this self-constitution of public opinion generated public opinion as a medium within the social system : public opinion became more and more a "second range observation". That is to say that every single input which tries to be founded on a value or on truth claims is interpreted by "public opinion", and this specific interpretation offers then, itself, inputs for public opinion. This leads to the conclusion that nothing really allows one to pretend that public opinion is "rational" or that it is in opposition to "non reason". It is at every occurrence, in a never ending movement of creation and destruction, an observation of absent observers intended to address absent observers. The consequence of this second range observation is an "autopoietic" closure of the system. In this closed and hermetic system, public opinion tends to be a self-constructing constructed reality : it constructs schemes or scripts about political reality : among others, the script of "crisis", the binary script of norm and deviance, or of cause and consequence, etc. Thus, politics is not based on stable truth claims : under the explicit condition that public opinion validates them as "issues", they are not truths, but only "themes", which are produced in order to die and reproduce themselves, in a circular movement which more and more leads to a self-consolidation of the political system.
- Démocratie et secret du vote. La controverse entre scrutin public et vote secret dans les luttes électorales en Prusse - Hubertus Buchstein, Pierre-Antoine Schorderet p. 61-84 Démocratie et secret du vote. La controverse entre scrutin public et vote secret dans les luttes électorales en Prusse Hubertus Buchstein L'article est une contribution à la sociologie historique de l'acte de vote en Allemagne, objet peu courant outre-Rhin, en l'occurrence centré sur la question des luttes autour de la publicité et du secret des suffrages. La controverse du dernier tiers du XIXe siècle à la Chambre des députés de Prusse constitue le terrain majeur de l'argumentation. Car si de nombreux Etats allemands passèrent après 1849 au vote secret, et furent suivis par le Reich en 1871, la Prusse resta fidèle au scrutin public jusqu'en 1918. Le partage des opinions autour du secret ne recoupait pas, loin s'en faut, le partage entre libéraux, conservateurs et sociaux-démocrates. Plus surprenant encore, c'est par un apprentissage politique acquis lors des années de formation et de consolidation des bastions ouvriers que le SPD, initialement farouche soutien du vote secret, s'en découvrit ensuite l'adversaire. Pour les mêmes raisons tactiques, les libéraux, partisans du vote public, se mirent à préférer au tournant du siècle le scrutin secret. Ces débats et ces retournements, dont l'article examine les fondements normatifs et les dimensions stratégiques, sont, pour finir, mis en perspective avec les débats contemporains sur les théories modernes de la démocratie et de la publicité des opinions.Democracy and secret of voting. The controverses on public and secret votes during elections in Prussia Hubertus Buchstein The article is a historical sociology contribution about voting practices in Germany, which is an uncommon theme in the German political science. The paper deals with the 19th century struggles on publicity and secrecy of the vote. The controversy of the last third of the 19th century at the Deputy Chamber of Prussia offers the major field of the argumentation. If many German States after 1849 adopted the secret voting procedure, if the Reich as well decided such a procedure in 1871, the State of Prussia faithfully supported the secret vote until 1918. The article shows of political forces about secret voting procedures were not an immediate and clear consequence of partisan loyalty among liberal, conservative and social-democrat forces. The most interesting are the shifting supports toward the secrecy of vote. Because of the consolidation of the workers borroughs in the German cities around the end of the century, the SPD, initially strongly in favor of the introduction of the secret vote, found out how a constant pressure within the workers boroughs could help the SPD to afford good poils within workers borroughs. For the same reason, liberais were afraid of such dynamics of public vote (which they normally supported), but declared themselves in favor of the secret procedure. These strategie positions and their normative justifications are analysed in the last part of the paper in regard to contemporary democracy theory debates.
- La Steuerungstheorie. Une approche synthétique de l'action publique contemporaine - Olivier Giraud p. 85-93 La Steuerungstheorie. Une approche synthétique de l'action publique contemporaine Olivier Giraud Cet article est une introduction aux « théories de la régulation » développées récemment dans le champ allemand de la science politique, en écho notamment aux débats en sociologie systématique. L'auteur présente le programme de recherche développé dans le cadre de cette approche, insiste plus particulièrement sur son fondement théorique - l'institutionnalisme centré sur les acteurs -, avant d'apporter quelques illustrations de résultats de recherche et de mettre en évidence certaines de ses limites.Steuerungstheorie. An attempt of synthesis in contemporary policy research Olivier Giraud This article is an introduction into the "regulation theory" recently developed in the German speaking political science, echoing the systemic debate in sociology. The author presents the research agenda of this framework and gives, in some more details, an overview of its theoretical grounds - the actor centred institutionalism. The article goes on with the presentation of a few research results and mentions some limits of the approach as a conclusion.
- L'institutionnalisme centré sur les acteurs - Renate Mayntz , Fritz W. Scharpf p. 95-123 L'institutionnalisme centré sur les acteurs Renate Mayntz et Fritz W. Scharpf Cet article résume une approche caractéristique de la recherche menée à l'Institut Max Planck pour les sciences sociales de Cologne, sur les interactions entre politique gouvernementale et autoorganisation des secteurs industriels et des services. Selon cette approche, les résultats sont expliqués par les interactions entre acteurs individuels, personnes collectives et (le plus souvent) corps constitués, tous étant guidé par leurs orientations cognitive et normative. Dans ce contexte, les institutions jouent un rôle double. D'un côté, elles définissent les règles et les constellations d'acteurs dans lesquels les interactions se déroulent; d'un autre côté, elles configurent les orientations normatives et, dans un moindre mesure, les orientations cognitives des acteurs impliqués. En se combinant, ces effets institutionnels augmentent la prévisibilité réciproque pour les acteurs eux-mêmes et, dans le même temps, créent les préconditions ontologiques qui permettent une généralisation limitée en sciences sociales.The Actors Centred Instutionalism Renate Mayntz et Fritz W. Scharpf This article summarizes an approach that has been characteristic of research, carried out at the Max Planck Institute for the Study of Societies, Cologne, on the interaction between government policy and the self-organization of industrial and service sectors. According to this approach, outcomes are explained by the interactions of individual, collective and (primarily) corporate actors, all of them guided by their respective cognitive and normative orientations. In this context, institutions play a dual role. On the one hand, they define the rules and actor constellations within which interactions take place, and on the other hand they shape the normative and, to a lesser extent, the cognitive orientations of the actors involved. In combination, these institutional effects increase mutual predictability among the actors themselves and, by the same token, they create ontological preconditions which allow for limited generalization in the social sciences.
- La régulation comme « patchwork ». La coordination de la multiplicité des intérêts dans le processus décisionnel européen - Adrienne Héritier p. 125-147 La régulation comme « patchwork ». La coordination de la multiplicité des intérêts dans le processus décisionnel européen Adrienne Héritier La pratique politique européenne de régulation se déploie dans un contexte de multiplicité des intérêts et des traditions des Etats-membres. Ces traditions politiques différentes s'opposent dans l'arène européenne et doivent être mises en balance. Au cours de ce processus, certains modèles de coordination commune émergent qui, enchâssées dans les institutions européennes, sont typiques dans la pratique politique de régulation en Europe. Ces modèles comportent la « stratégie du premier pas » par les Etats-membres, la « résolution du problème » et la « coordination négative, négociation et compensation ». Le résultat de la dynamique de ces modèles de coordination dans la pratique politique de régulation est une régulation semblable à un « patchwork » au niveau européen. La diversité des modèles de coordination, leur cheminement typique et leur conséquences politiques sont illustrés par la discussion sur la législation européenne concernant la qualité de l'air.Regulatory Policy-Making as a "Patchwork". The Accommodation of Diversity in European Policy-Making and Its Outcomes Adrienne Héritier European regulatory policy-making unfolds in the context of diverse interests and traditions of member states. These diverse policy traditions clash in the European arena and have to be brought into balance. In the course of this process, some common co-ordination patterns emerge which embedded in European institutions, are typical of regulatory policy-making in Europe. These patterns include a "first mover" strategy by member states, "problem-solving", and "negative co-ordination, bargaining and compensation". The resuit of the dynamic of these co-ordination patterns in regulatory policy-making is a policy patchwork at the European level. The diverse co-ordination patterns and their typical paths and policy consequences are illustrated by discussion of European legislation in the field of clean air policy.
- Niklas Luhmann et la gouvernance - Dietmar Braun, Yannis Papadopoulos p. 15-24
Varia
- Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente controverse allemande autour de la théorie du processus de civilisation de Norbert Elias - Dominique Linhardt p. 151-181 Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente controverse allemande autour de la théorie du processus de civilisation de Norbert Elias Dominique Linhardt Après sa « redécouverte » dans les années 1970, après sa « canonisation » au cours de la décennie suivante, l'œuvre de Norbert Elias s'est vu soumise, depuis la fin des années 1980, à des critiques de plus en plus vives. En Allemagne, ces critiques ont conduit à une controverse qui s'est nouée autour de la réfutation de la théorie du processus de civilisation entreprise par Hans Peter Duerr. Au-delà des erreurs factuelles et des lacunes empiriques que l'anthropologue fait valoir dans les quatre volumes que compte son Mythe du processus de civilisation, il vise à dénoncer, sous l'apparente scientificité de la théorie du processus de civilisation, un « mythe politique » qui servirait de justification au sentiments de supériorité qu'ont affiché -et affichent encore aujourd'hui - les « occidentaux » à l'égard des cultures « non occidentales ». Le présent article se propose, au lieu de prendre position en faveur de l'une ou de l'autre des positions défendues, d'étudier la controverse comme un « révélateur » qui peut nous permettre de mieux comprendre les enjeux théoriques et normatifs du geste éliasien et la manière dont Elias fait tenir ensemble la prétention de formuler une « science de l'homme » en même temps que celle de contribuer à l'accomplissement d'une cité meilleure.The Civilizing process on trial. Notes on a recent german controversy about Norbert Elias' civilization theory Dominique Linhardt After its "re-discovery" in the 70's and its ensuing "canonisation" during the following decade, the work of Norbert Elias has been exposed since the late 80's to an increasing level of criticism. In Germany, these critiques lead to a controversy that focused on Hans Peter Duerr's refutation of the theory of the civilizing process. Beyond the "matter of facts" and the empirical lacks asserted by the anthropologist in the four volumes of his Myth of the civilizing process, the author aims to unveil, under the apparent scientific make-up of Elias' theory, its nature of a "political myth" that allowed - and, according to him, still allows - the false assertion of the superiority of the western world over the "others", the "non occidental" cultures. The paper suggests, instead of taking position in favour of the ones or the others, to make use of the study of the controversy for a better understanding of the theoretical and normative implications of the theory of the civilizing process by showing how Elias achieves articulating both: the claim to formulate a "science of the human" and the will to participate to the fulfilment of a better society.
- Le procès fait au Procès de civilisation. A propos d'une récente controverse allemande autour de la théorie du processus de civilisation de Norbert Elias - Dominique Linhardt p. 151-181
Lectures
- Kott S., Le communisme au quotidien. Les entreprises d'Etat dans la société est-allemande - Jay Rowell p. 185-188
- Papadopoulos Y., Démocratie directe - Marion Paoletti p. 188-194
- Revue des revues - Dominique Cardon, Tangui Coulouarn, Corinne Delmas, Delphine Dulong, François Foret, Brigitte Gaiti, Laurent Godmer, Christine Guionnet, Nicolas Kaciaf, Jean-Baptiste Legavre, Anne-France Taiclet, Benoît Verrier p. 195-215
- Résumés/Abstracts - p. 217-222