Contenu du sommaire : Revue de l'OFCE n°84

Revue Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) Mir@bel
Numéro no 84, janvier 2003
Titre du numéro Revue de l'OFCE n°84
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Deux siècles de croissance économique : l'Europe à la poursuite des Etats-Unis. - Robert J. Gordon p. 9-45 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Bien que partant d'un niveau similaire de productivité et de PIB par tête au milieu du XIXe siècle, l'Europe s'est régulièrement éloignée de la frontière américaine, jusqu'à ce que sa productivité et son PIB par tête ne soit plus que la moitié du niveau américain en 1950. Le vigoureux rattrapage engagé par la suite a certes abouti à une quasi-convergence de la productivité européenne, mais celle du PIB par tête reste incomplète, le niveau de vie européen ne correspondant qu'aux trois quarts du niveau américain. L'analyse de deux siècles de croissance économique comparée entre l'Europe et les États-Unis peut donc se résumer en une question : comment l'Europe peut-elle être aujourd'hui si productive tout en étant si pauvre, et ce même lorsque l'on raisonne en termes de bien-être ?En appliquant à l'Europe une grille de lecture calibrée sur les avantages dont ont bénéficié les États-Unis depuis leur début, il est possible de proposer une nouvelle interprétation du processus de convergence de l'Europe. Cette liste d'avantages est longue et deux critères sont croisés : les avantages tirés de l'union politique des États-Unis et ceux qui en sont indépendants, les avantages réversibles de ceux qui ne le sont pas. Par exemple, l'abondance en ressources naturelles a été pour les États-Unis un avantage énorme, issu de l'unité politique, mais qui s'est résorbé avec la mondialisation commerciale et un certain gaspillage. En revanche, les États-Unis ont toujours pu compter sur leur marché intérieur unique et la mobilité de la main d'œuvre, conséquences directes de l'unité politique ; sur leur leadership dans les techniques de production et de commercialisation de masse, conséquence de l'unicité du marché intérieur et de l'existence de grands espaces ; ainsi que sur l'efficacité de la collaboration entre les universités, le gouvernement et l'industrie. Le dynamisme exercé par la découverte d'un nouveau continent, l'ascension autonome du « système manufacturier américain », l'interventionnisme du gouvernement sont autant de facteurs qui ont également joué en faveur des États-Unis, mais qui ont disparu avec le temps, l'intensification de la concurrence et les changements de doctrines (État providence contre rôle minimaliste du gouvernement, protectionnisme contre libre-échangisme).Une des principales conclusions est que, mêmes d'hypothétiques États Unis d'Europe, constitués dès 1870, n'auraient pu faire aussi bien que les États-Unis. Les incitations à la substitution du capital au travail étaient plus fortes aux États-Unis. L'Europe ne pouvait simplement dupliquer, même avec quarante ans de décalage, les succès américains, en particulier l'exploitation des grandes inventions de la fin du XIXe siècle (électricité et moteur à combustion). Une certaine érosion des avantages américains, combinée à la forte baisse du volume de travail au cours des quarante dernières années, explique le dynamisme des gains de productivité européens sur cette période (supérieurs d'ailleurs à ceux des États-Unis) et le rattrapage du niveau américain de productivité. Que cette forte baisse des heures travaillées résulte de congés payés plus longs, d'un taux de chômage plus élevé et d'un taux de participation plus faible explique le tassement de la convergence du PIB par tête européen. Plus récemment, que l'Europe n'ait pas fait l'expérience, comme les États-Unis, d'un sursaut de sa productivité grâce à la diffusion des technologies de l'information et de la communication, n'est pas synonyme d'un nouvel échec. La contribution de ces TIC a vraisemblablement était exagérée aux États-Unis. L'Europe doit trouver sa propre voie, et, qui sait, à l'horizon de dix ans, ce seront peut-être les États-Unis qui chercheront à percer les secrets de « l'avantage européen ».
    While Europe's level of productivity has almost converged to the United States'one, its per-capita income has leveled off at about three quarters of America's. How could Europe be so productive yet so poor? The simple answer is that hours per person in Europe have fallen drastically in the past forty years, reflecting long vacations, high unemployment, and low labor force participation. A historical analysis traces Europe's falling behind after 1870 to American political unity, fostering large-scale material-intensive manufacturing and a set of marketing innovations, and, after 1913, to the early American exploitation of the great inventions of electricity and the internal combustion engine, while Europe was distracted by wars. After 1950, Europe's catch up was achieved both by exploiting the great inventions forty years later, and also by the gradual erosion of early American advantages.
  • Vieillissement et richesse des nations. - Jacques Le Cacheux p. 47-91 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
    Cet article examine l'impact du vieillissement sur l'accumulation patrimoniale et la croissance économique, l'objectif étant d'analyser la diffusion des effets du vieillissement dans l'économie au niveau des comportements individuels, au niveau des finances publiques ainsi qu'en termes d'équilibre général. La démarche retenue est analytique. Nous montrons que pour certaines règles institutionnelles de régime de retraite, notamment à cotisations retraite inchangées, le vieillissement est toujours un facteur de développement : l'allongement de la durée d'inactivité incitant à une épargne plus abondante, il en résulte que le vieillissement des générations actuelles est aussi favorable aux générations futures. Seule une élévation majeure du poids du système par répartition peut conduire à une contraction du patrimoine et à une réduction de la croissance. Nous discutons également du bénéfice moral du vieillissement, des conséquences possibles sur la croissance ainsi que des règles de partage équitable et de l'incidence sur l'offre de travail.
    We examine the consequences of aging on wealth accumulation and growth in a simple overlapping-generations model. We show that, for some given sets of pension rules, aging is always beneficial for growth and development: lengthening the retirement period provides an incentive for saving more, which is always favorable to future generations. Only in the case of a marked increase in the weight of the pay-as-you-go pension system is wealth accumulation reduced and growth lower. We also discuss the utility gains associated to aging, its incidence on labor supply and the fairness of pension rules.
  • Chronique de la mondialisation

    • Tous unis contre le protectionnisme des pays du Nord ? - Guillaume Daudin p. 95-130 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Le débat actuel sur la mondialisation oppose les sceptiques — notamment les ONG — et les enthousiastes — notamment les grandes organisations internationales issues de Bretton-Woods. Un rapport récent de l'OXFAM — une ONG habituellement sceptique —, les réactions qu'il a suscité parmi les enthousiastes et de nombreuses interventions des sceptiques comme des enthousiastes montrent que ces deux camps se réconcilient lorsqu'il s'agit de condamner le protectionnisme des pays du Nord : les sceptiques dénoncent l'obstacle mis au développement des pays du Sud ; les enthousiastes y voient une entorse néfaste au libre-échange.On s'interroge ici sur la profondeur de cette réconciliation. Les outils habituels d'analyse des effets des restrictions commerciales utilisés par les enthousiastes — et repris dans les arguments des sceptiques — sont des modèles d'équilibre général calculables appliqués à l'analyse du commerce international. Ils montrent en fait que les gains de l'ouverture des marchés des pays du Nord seraient faibles et reviendraient en termes absolus en priorité aux pays du Nord : ils ne permettent pas de condamner le protectionnisme des pays du Nord au nom des intérêts des pays du Sud. Ces modèles ne permettent donc pas d'étendre l'accord entre enthousiastes et sceptiques sur un résultat à un accord sur une analyse complète du rôle du commerce international. Cela est d'ailleurs confirmé par la méfiance de certains enthousiastes envers leur rapprochement avec les sceptiques.Le problème vient peut-être de ce que ces modèles ne sont pas adaptés à l'analyse des problèmes de développement des pays du Sud. Cependant, les développements théoriques qui montrent que le protectionnisme des pays du Nord gêne le développement des pays du Sud reposent sur des mécanismes qui impliquent que la libéralisation n'est peut-être pas la meilleure solution pour assurer le développement des pays du Sud, contrairement aux recommandations des enthousiastes de suivre les règles de l'OMC. Ces outils ne permettent pas d'étendre l'accord entre sceptiques et enthousiastes. Cela est confirmé par l'examen des positions des sceptiques radicaux et même de certaines positions des sceptiques modérés.L'accord entre sceptiques et enthousiastes pour condamner le protectionnisme des pays du Nord ne s'étend donc pas à une analyse théorique du commerce international. Il n'est pas possible de condamner du protectionnisme des pays du Nord au nom de son effet sur les pays du Sud sans justifier le protectionnisme des pays du Sud.
      Even if the debate on globalization pits sceptics and enthusiasts against one another, they seem to agree at least on exposing the protectionism of developed countries. This is illustrated by a recent report by OXFAM on trade, the way some enthusiasts have reacted to it, and miscellaneous interventions both by enthusiasts and sceptics. Could that point a possibility of reconciliation? On the one hand, the usual tools used by enthusiasts to analyse the effects of liberalization actually show that the gains from further liberalization by developed countries would be limited and would accrue mainly to themselves. On the other hand, the models that would show that liberalization by developed countries could be crucial for poor countries' development also show that it might not be in the best interest of poor countries to liberalize. So no reconciliation seems in sight.
    • Johannesburg 2002 - Bruno Ventelou p. 131 à 141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article fait une brève description de la notion de « développement durable » et de ses exploitations en un outil d'expert. Il tente ensuite d'évaluer dans quelle mesure cet outil peut être utilisé dans un processus de négociation internationale pour justifier des contraintes d'émission de gaz à effet de serre et instaurer un marché des droits à polluer. Une explication de l'échec du Sommet de Johannesburg est proposée : plus qu'une défaillance de l'outil, c'est sa traduction en une contrainte de marché qui apparaît difficile. La construction d'un marché de permis à polluer nécessite un accord politique préalable sur la légitimité des contraintes qui, pour le moment et faute d'une véritable démocratie internationale, fait défaut.
      The article begins with a brief description of the notion of “sustainable growth”, applied by the experts as a tool for environmental decisions. Then, an explanation of the fiasco of the Johannesburg Summit is given : rather than blaming the tool for expertise, the failure is imputed to the difficulty encountered in creating an international market based on it. The construction of a market of rights-to-pollute requires a Political agreement on the legitimacy of market constraints, which is not realised, and maybe, not possible in the –quasi missing– present system of world democracy.
  • Questions européennes

    • Réformer le Pacte de stabilité : l'Etat du débat - Catherine Mathieu et Henri Sterdyniak p. 145-179 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'article présente l'état du débat sur les réformes du Pacte de stabilité, dont les défauts sont apparus nettement lors du ralentissement économique de 2001-2002. La première partie rappelle les modalités actuelles du contrôle des politiques budgétaires dans la zone euro : la limite des déficits publics à 3 % du PIB, les programmes de stabilité, les Grandes orientations des politiques économiques. La deuxième en analyse les défauts : l'arbitraire des critères de finances publiques et l'absence d'une réelle coordination des politiques économiques. La troisième discute les propositions récentes de la Commission qui visent à renforcer l'influence communautaire sur les politiques budgétaires nationales. La quatrième partie discute diverses propositions : fédéralisme budgétaire, adoption d'une règle d'or des finances publiques (équilibre du solde public structurel hors investissements publics), mise en place de comités de politique budgétaire, contrôle des dettes plus que des déficits. La cinquième partie présente une nouvelle proposition de réforme : les politiques budgétaires nationales auraient la charge de gérer l'arbitrage entre inflation et production, sous une contrainte d'inflation de moyen terme ; la politique monétaire aurait un objectif de taux d'intérêt.
      Reforming the SGP has become a highly debated issue in Europe. This paper starts with recalling the fiscal policy framework in the euro area : the 3 % of GDP limit for public deficits, stability programmes, the broad economic policy guidelines. The weaknesses of the existing procedures are addressed: the arbitrary nature of the criteria, the lack of economic policy co-ordination. We discuss the propositions recently made by the Commission to strengthen its influence on national fiscal policies. We then deal with several other propositions : budgetary federalism, golden rule of public finances, budgetary policy committees, public debt rather than deficits surveillance. Finally, we present our proposal : national budgetary policies would be responsible for managing the inflation-production trade off, under a medium term inflation objective, while monetary policy would target interest rates.
    • L'Europe ne sonne jamais la retraite. - Alexis Dantec p. 181-222 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les intervenants européens dans le domaine de la retraite sont très nombreux et actifs, regroupés derrière la Commission d'une part, la Cour de Justice des Communautés Européennes (CJCE) d'autre part. La première a amélioré la coordination entre les régimes de base dans le cadre plus large de l'amélioration de la mobilité de la main-d'œuvre. La Commission a essayé, au même motif, mais également au nom de la libre circulation des capitaux, de coordonner les régimes complémentaires. La CJCE intervient, elle, au titre des principes d'égalité de rémunération entre hommes et femmes et de libre concurrence. D'autres entités supra-nationales interviennent également sous forme de lobbying et d'expertise.Parallèlement à des processus particuliers (DG V et DG XV) aboutissant à des directives émoussées, la Commission mène une action de plus grande envergure, s'appuyant sur une batterie de rapports et avis d'experts, et qui porte sur l'ensemble de la protection sociale. Les objectifs d'augmentation progressive de la capitalisation et de l'âge de départ en retraite, comme celui d'une contributivité plus forte, sont maintenant affichés sans le prétexte de la libre circulation. La langueur avec laquelle les États membres reçoivent ces contributions est contredite chaque jour par les arrêts de la CJCE. En re-qualifiant un régime de base en régime complémentaire, en obligeant des fonds de pension anglais à instaurer la retraite à soixante ans, en incluant les régimes complémentaires français dans le domaine d'application des régimes professionnels, en soumettant les régimes facultatifs à la concurrence, ou encore en permettant aux hommes fonctionnaires français de bénéficier des mêmes avantages que leurs homologues féminins, la CJCE instaure un nouveau risque auquel doivent faire face les caisses de retraire, le risque jurisprudentiel. Plus fondamentalement, ses arrêts ne sont en aucun cas coordonnés avec les objectifs de la Commission, ni soumis au contrepoids des États membres.
      European authorities are very numerous and active. The European Commission improved the coordination between the national retirement systems in the name of the capital and worker mobility. But it has also begun a larger action on the global social systems. Increase the capitalization funding or the age of the retirement are two showed off objectives without the excuse of the single market. The European Court of Justice has concurrently two reasons to break in the pension debate. Two articles of the UE treaties have allowed the European Court of Justice to interfere with the national decisions : first, the principle of equal compensation for males and females ; second, the principle of free competition.
    • Délinquance et rébellion en France et en Europe. - Henri Mendras p. 223-241 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Des enquêtes récentes apportent des données nouvelles sur la criminalité et la violence émeutière qui permettent de vérifier les statistiques de la police et de faire des comparaisons avec différents pays européens. Dans notre société, qui se veut non violente, une contre-société violente est en train de s'institutionnaliser dans des quartiers de grandes métropoles. Il ne faut pas confondre la criminalité « acquisitive », qui a eu tendance à diminuer dans les années récentes, et la violence « expressive » des jeunes en rébellion contre l'ordre social. Malheureusement, la politique et les médias, jouant de ce thème à contre temps, risquent d'amplifier le phénomène au lieu de le brider.
      Recent victimization surveys give new data on criminality in different European countries. The statistics show that the evolution of criminality in France is following the same trend as the other European countries and the level of criminality is close to the average of Europe. France is characterized by an increasing of violence among young people living in suburbs, which is a new form of rebellion and should be distinguished from ordinary « acquisitive » criminality.
    • Chômage structurel et capacités de production. - Joël Maurice et Dominique Taddéi p. 243-283 accès libre
    • Fiche de Lecture - Jérôme Creel p. 285-296 accès libre
    • Chronologie 2002 - Sylvie Le Golvan p. 297-309 accès libre