Contenu du sommaire : Écrits de rues

Cet article s'ancre dans une réflexion sur les discours politiques en France et pose une interrogation principale : dans quelle mesure dire son amour pour la nation lors d'une déclaration de candidature à l'élection présidentielle peut-il être considéré comme un acte performatif ? L'analyse se concentre sur la performativité de la parole politique et sur le « je » déclarant, acteur de la déclaration. Connue et attendue, la déclaration de candidature est un passage obligé du rituel républicain qui témoigne de l'importance de se dire face au peuple. Il s'agit ici d'entendre la déclaration comme une performance de l'amour et non plus uniquement comme la présentation d'un programme politique.

Qu'entend-t-on par événement d'écriture ? L'analyse montre que, sous une apparente simplicité, l'expression mêle la notion d'événement – largement débattue par les historiens depuis Fernand Braudel (1985) – à celle de « literacy event » (Heath, 1983) forgée par des chercheurs proches des ethnologues de la communication. Or, les courants théoriques qui ont dominé cette double genèse, le structuralisme et le fonctionnalisme, ont soit rejeté l'événement en général hors du champ de leur recherche, soit l'ont ignoré au profit de l'étude d'activités d'écriture routinières vues comme des petits événements quotidiens. Si bien que les faits d'écriture qui nous intéressent, les actes singuliers, exceptionnels, héroïques, observés notamment dans l'espace public appellent à changer de paradigmes et à construire une notion d'événement d'écriture à la croisée d'une anthropologie pragmatique et d'une théorie des actes d'écriture.

Cet article examine un nouveau type de médiation de l'écriture rebelle dans l'espace public urbain liée aux événements qui se réunissent sous le nom d'« Occupy ». Les trois conditions de cette « médiation carnavalesque », sur, dans et à travers l'espace d'occupation, permettent d'analyser les pratiques d'écriture publique pendant les événements d'Occupy Gezi (Istanbul, 2013) et de Nuit Debout (Paris, 2016). Cet article propose un premier regard sur la médiation carnavalesque et son écriture « sauvage » en événement comme une forme à la fois individuelle et collective, archaïque et actuelle, harmonique et cacophonique.

Cet article traite de l'écriture street artiviste en Égypte, de ses apparitions en environnements urbain et socio-numérique, et de son implication dans l'événement révolutionnaire entre 2010 et 2013. L'analyse proposée suit le parcours de cette écriture subversive nouvelle en Égypte et son intégration hétéronome au cœur de la révolution pour s'arroger une autonomie et faire événement. Illustrant un événement, l'écriture urbaine et ses reprises en ligne s'octroient une part de légitimité et créent de nouvelles modalités d'action intégrant le répertoire collectif. Partant d'une approche sémiotique, inscrite dans une perspective pragmatiste, l'article tente de fournir des explications quant à l'événementialisation du street artivisme portée par un public politique qui y trouve un matériau symbolique pour configurer son récit mais aussi pour créer de nouveaux récits révolutionnaires.

Annulée en 2015 suite aux attentats survenus le 13 novembre à Paris, la Fête des Lumières est transformée par la ville de Lyon en un hommage aux victimes. Cet article porte sur un corpus de messages publiés le 8 décembre 2015 sur Twitter, et en particulier sur les photographies qui les accompagnent. Forte d'une méthodologie hybride, alliant les sciences de l'informatique et les sciences de l'information et de la communication, cette étude met en lumière les opérations de médiation qui permettent à l'événement qui a lieu d'être documenté par le public. Les publications sur le réseau social opèrent une multitude d'écritures qui transcrivent à plusieurs reprises l'hommage célébré ce soir-là. Autant de passages et de médiatisations qui enrichissent le message et façonnent son existence particulière en société.

Philippe Artières est un historien français, directeur de recherche au CNRS au sein de l'Institut interdisciplinaire d'anthropologie du contemporain (IIAC) à l'École des hautes études en sciences sociales et président du centre Michel Foucault. Spécialiste des écritures ordinaires du xixe et xxe siècle, ses recherches portent notamment sur la surveillance des écrits dans l'espace public. Ses nombreuses implications pour le cinquantième anniversaire de Mai 68 constituent un point de départ opportun pour interroger le rapport entre écriture et événement. L'entretien se concentre sur son parcours de recherche, son intérêt pour les écritures éphémères et surtout celles délaissées, oubliées voire rejetées, ainsi que sur la question de l'attention sociale portée à ces écrits.

À l'intérieur des grandes étapes de la chaîne de production d'un film de fiction, les différentes phases qui consistent pour le monteur son à recueillir les intentions de réalisation, bien que déterminantes pour l'ensemble de ses processus décisionnels, sont généralement décrites comme épineuses. En effet, nombre de monteurs disent devoir composer avec des metteurs en scène qui éprouvent parfois toutes les difficultés à communiquer leurs directives. Dans cet article, il s'agira de comprendre les facteurs qui peuvent concourir à de telles difficultés avant d'envisager comment ces dernières parviennent, selon les cas, à être contournées.