Contenu du sommaire : L'anti-genre en Afrique

Revue Politique africaine Mir@bel
Numéro no 168, 2022/4
Titre du numéro L'anti-genre en Afrique
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier. L'anti-genre en Afrique

    • Introduction au thème. Penser l'anti-genre en Afrique - Patrick Awondo, Emmanuelle Bouilly, Marième N'Diaye p. 5-24 accès libre
    • Contester le genre et la colonialité : Une analyse des mobilisations conservatrices en Afrique du Sud, au Kenya et au Ghana - Satang Nabaneh, Kuukuwa Andam, Kerigo Odada, Åsa Eriksson, Marion Stevens p. 25-51 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au cours de la dernière décennie, a émergé un mouvement hétéroclite œuvrant à réduire les progrès réalisés en matière de santé, de droits sexuels et reproductifs et d'égalité des sexes dans les pays africains. Composé en partie d'organisations occidentales ultraconservatrices ayant des liens transnationaux étroits, il conçoit des campagnes, désigne des portes-paroles locaux, met en place des bureaux satellites, et fournit financements et formations. Les objectifs de ce mouvement sont généralement la révocation du droit à l'avortement, des droits des LGBTQI et d'une éducation sexuelle complète, ayant des conséquences négatives considérables sur les communautés queer, les femmes et les jeunes. Cet article explore les expressions contemporaines que prennent au Ghana, en Afrique du Sud et au Kenya cette résistance globale et interconnectée. À partir d'une analyse critique des discours décoloniaux mobilisés par des figures conservatrices africaines influencées par les débats politiques en circulation depuis les années 1990, il explique pourquoi la notion d'« idéologie du genre » n'est pas un principe structurant essentiel des luttes contre les droits sexuels et reproductifs dans les trois contextes nationaux étudiés.
      The past decade has seen the emergence of a motley group of movements seeking to chip away at the gains made in sexual and reproductive health and rights and gender equality in African countries. Partly made up of ultra-conservative western organisations with strong transnational links, they create campaigns, appoint local spokespersons, set up satellite offices, and provide funding and training. Their focus is generally the revocation of the right to abortion, LGBTQI rights, and complete sexual education, at a high cost to queer communities, women, and youth. This article explores contemporary expressions of this globally interlinked resistance in Ghana, South Africa, and Kenya. It offers a critical analysis of the decolonial discourses used by African conservative actors influenced by the political debates that have been in circulation since the 1990s. It explains why the notion of “gender ideology” is not a central organizing tenet for struggles against sexual and reproductive rights in the three national contexts studied.
    • L'anti-genre au service d'une identité africaine « authentique ». Genre, sexualité et engagement panafricaniste en France - Ysé Auque-Pallez p. 53-74 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Cet article porte sur des associations panafricanistes afrocentriques basées en France qui, dans la veine des nationalismes sexuels, placent la question des rapports hommes/femmes et de la sexualité au cœur de leur projet politique consistant à décoloniser l'identité du « peuple noir ». Analysant la généalogie de ces idées et de ces discours, cet article montre que la matrice idéologique principale de la position anti-genre de ces militant·e·s est l'afrocentrisme. Mais il souligne aussi combien ils s'inspirent paradoxalement d'idées contraires à leurs objectifs, issues des féminismes, du christianisme et de l'idéologie coloniale, et contribuent ainsi à transformer l'idéologie afrocentriste.
      This article focuses on the Afrocentric pan-Africanist associations based in France, which, in line with sexual nationalisms, place the question of male/female relations and sexuality at the heart of their political project to decolonize the identity of the “black people”. By analysing the genealogy of these ideas and discourses, this article shows that the main ideological matrix of these activists' anti-gender position is Afrocentrism. It also underlines how paradoxically they are inspired by ideas that conflict with their objectives such as feminism, Christianity, and colonial ideology, and thus contribute to the Afrocentrism transformation.
    • An Overwhelming Consensus? How Moral Panics about Sexual and Gender Diversity Help Reshape Local Traditions in Ghana - Kwaku Adomako p. 75-94 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En juin 2021, le parlement ghanéen a présenté un projet de loi criminalisant les personnes LGBT+ et leurs défenseur·e·s. Les partisans du texte œuvrent à créer un mouvement assimilant l'appartenance à la nation à la culture hétérosexuelle. Peuples, identités, expressions et désirs locaux échappant à l'hétéronormativité sont considérés comme des menaces étrangères et existentielles pour la nation. L'article montre comment la volonté de réprimer ces catégories sociales les rend visibles tout en suscitant un débat public. La mobilisation d'idéologies religieuses à prédominance chrétienne, historiquement diffusées par la colonisation, sert la cause d'une prétendue protection des « traditions » et des « valeurs » ghanéennes. Les partisans de la loi tentent de s'assurer le monopole de la vérité à travers la création de nouveaux discours sur ces minorités et sur les « valeurs familiales ghanéennes ».
      In June 2021, the Ghanaian parliament introduced a bill to criminalise LGBT* people and their advocates. The bill's supporters are working to create a movement that equates belonging to the nation with heterosexual culture. Local peoples, identities, expressions and desires that fall outside heteronormativity are thus seen as alien and existential threats to the nation. This paper shows how the desire to repress these social categories makes them visible through the public debates that actors provoke. The stated impetus to moblise is the anti-colonial pursuit to protect “Ghanaian family values”. Yet, these are evidently shaped by Christian ideologies, historically disseminated through colonisation. The bill's supporters attempt to secure a monopoly on truth in debates by producing new discourses on targeted minorities, while (re)defining “tradition,” “culture” and “values”.
    • The (Geo)politics of Gender and Sexuality Diversity in a Multipolar World: Reading African Anti-Genderisms beyond the Transatlantic - Haley McEwen p. 95-113 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les analyses critiques des discours et des lois anti-LGBTQI+ en Afrique ont mis en évidence la manière dont les relations de pouvoir entre États africains et occidentaux ont façonné et continuent de façonner le genre et la diversité sexuelle sur le continent. Si ces analyses ont permis une conceptualisation critique des politiques anti-LGBTQI+ en contextes africains, elles ont aussi tendance à négliger l'examen des relations entre les États africains et d'autres États non occidentaux, et la manière dont ces relations peuvent également jouer un rôle dans l'élaboration des politiques anti-LGBTQI+ sur le continent. Cet article propose une étude exploratoire des discours et des relations de pouvoir qui se développent à mesure que les États africains s'affirment politiquement sur la scène internationale en mobilisant des discours contre-hégémoniques anti-genre. Ces derniers ne répondent pas uniquement aux homo- et aux hétéronationalismes occidentaux mais construisent également une frontière et des alliances géopolitiques qui résonnent avec la rhétorique provenant d'Europe centrale et orientale.
      Critical analyses of anti-LGBTIQ+ discourses and legislation in African contexts have foregrounded the ways in which transnational power relations with western governments have and continue to shape the dynamics of gender and sexual diversity on the continent. While these studies have been important for critically conceptualising anti-LGBTIQ+ politics in African contexts, they have also tended to foreclose any consideration of the relationships between African governments and non-western states, and of how these relations may also play a role in shaping anti-LGBTIQ+ policies on the continent. This article offers an exploratory discussion of the discourses and political power relations that are unfolding as African states assert their international political agency by deploying counter-hegemonic “anti-gender” narratives that not only respond to western homo- and hetero-nationalisms, but also assert geopolitical boundary- and alliance-building practices that resonate with the rhetoric emerging from Central and Eastern Europe.
    • Étudier l'anti-genre en Afrique : un phénomène social orphelin d'un concept, vraiment ? - Patrick Awondo, Rose Ndengue, Fatou Sow, Emmanuelle Bouilly, Marième N'Diaye p. 115-133 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Chercheur·e·s et militant·e·s appartenant à des disciplines et à des générations différentes, Rose Ndengue, Fatou Sow et Patrick Awondo discutent du caractère heuristique (ou non) du concept d'anti-genre en Afrique, principalement francophone, conformément à leur aire géographique d'expertise. Elles et il témoignent d'une situation paradoxale. Si l'Afrique n'est pas en marge des dynamiques mondiales de crispations identitaires et de mouvements conservateurs engagés contre les femmes, le féminisme, « la théorie du genre » ou encore l'homosexualité, la notion d'anti-genre n'est que peu investie par les militant·e·s et les universitaires africain·e·s. L'anti-genre est un phénomène social à la fois prégnant et public, diffus et dissimulé, dont la conceptualisation engage une réflexion plus large sur la production de savoirs militants, experts et académiques à partir du continent africain, et sur la nécessité de penser les méthodes pertinentes pour investiguer de tels objets.
      Researchers and activists from different disciplines and generations, Rose Ndengue, Fatou Sow and Patrick Awondo discuss the heuristic (or non-heuristic) dimension of the concept of anti-gender in their geographical area of expertise – mainly French-speaking Africa. The authors reveal a paradox. While Africa does not laying on the margins of the global dynamics of the identity-related tensions and the conservative movements against women, feminism, “gender theory”, and homosexuality, African activists and academics seldom use the concept of anti-gender. Anti-gender is a social phenomenon that is both public and pervasive and hidden and diffuse, and its conceptualisation involves broader reflection on the production of activist, expert and academic knowledge from Africa and on the need to think about relevant methods for investigating these realities.
  • Recherches

    • S'engager en contexte hostile. La visibilité homosexuelle entre choix et contraintes au Sénégal - Christophe Broqua, Gabrièle Laborde-Balen p. 135-155 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis la fin des années 2000, la situation des homosexuels n'a cessé de se dégrader au Sénégal, où les arrestations et les emprisonnements se sont multipliés. Il y existe pourtant des associations de minorités sexuelles qui œuvrent principalement dans le domaine de la lutte contre le sida. Cet article retrace les parcours des deux principaux militants homosexuels (masculins) du pays. L'un et l'autre ont été victimes de violences qui ont tout d'abord renforcé leur détermination militante. Durant une période, ils ont revendiqué la dépénalisation de l'homosexualité mais se sont heurtés à une hostilité généralisée, dont celle d'une organisation islamique qui a fait de la lutte contre cette orientation sexuelle l'un de ses principaux combats. Au-delà des adversaires religieux, la situation des militants est fragilisée par l'absence de soutien public de la part de leurs partenaires locaux dans la lutte contre le sida, dont l'objectif se limite à l'accomplissement le moins visible possible d'actions ciblées en direction des homosexuels masculins.
      Since the end of the 2000s, the situation of gay men has continued to deteriorate in Senegal, where arrests and imprisonments have increased. However, organisations of sexual minorities exist that work mainly in the area of the fight against AIDS. This article traces the careers of two of the country's leading gay activists. Both were victims of violence that first of all strengthened their activist determination. For a period, they demanded the decriminalisation of homosexuality, but were met with widespread hostility, including from an Islamic organization that has made the fight against this sexual orientation one of its main battles. Aside from their religious adversaries, the activists' situation is weakened by the lack of public support from their local partners in the fight against AIDS, the purpose of which is limited to carrying out the least visible actions targeted at gay men.
  • Lectures