Contenu du sommaire : Obéissance et autorité au Moyen Âge

Revue Revue des Sciences Philosophiques et Théologiques — RSPT Mir@bel
Numéro tome 107, no 3, juillet-septembre 2023
Titre du numéro Obéissance et autorité au Moyen Âge
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  • Obéissance et autorité au Moyen Âge

    • Présentation - Adriano Oliva, Marta Borgo p. 387-397 accès réservé
    • « Obbedite alle autorità costituite » : Sacralità del potere e possibilità della disobbedienza nella riflessione politica medievale - Stefano Simonetta p. 399-421 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le chapitre 13 de l'Épître aux Romains pose les bases sur lesquelles repose toute la conception du pouvoir dans la pensée politique médiévale. L'objectif de cet article est de reconstruire le processus de longue durée par lequel l'Occident latin a progressivement admis et théorisé la possibilité de désobéir aux autorités temporelles, bien que dans le cadre d'une théorie du pouvoir (à savoir la théorie paulino-augustinienne du pouvoir), qui semble ne laisser aucune place à la dissidence, conférant à chaque potestas une origine divine et une nature providentielle. L'auteur retrace les principales étapes de ce processus : de l'idée que pour obtenir l'obéissance inconditionnelle de ses sujets, il faut se montrer «  rex christianissimus » (protéger les personnes et les biens des ministres du Christ), à la difficile légitimation du tyrannicide chez Jean de Salisbury ; des pages de Thomas d'Aquin sur la déposition d'un souverain qui ne se soucie pas de la communis utilitas, à la reconnaissance explicite du pouvoir de destitution des seigneurs séculiers par certains théoriciens politiques des xive et xve siècles.
      Chapter 13 of The Epistle to the Romans lays the foundations on which the whole conception of power in medieval political thought is based. The aim of this paper is to reconstruct the long-term process through which the Latin West gradually came to admit and theorise the possibility of disobeying temporal authorities, albeit within a theoretical framework of power (namely the Pauline-Augustinian one), which would seem to leave no room for dissent, conferring on every potestas a divine origin and providential nature. The author traces the main stages of this process : from the idea that in order to obtain unconditional obedience from one's subjects, one must show oneself a «  rex christianissimus » (protecting both the persons and property of Christ's ministers), to the difficult legitimisation of tyrannicide in John of Salisbury ; from the pages of Thomas Aquinas on the deposition of a ruler who does not care about the communis utilitas, to the explicit recognition of the power to dismiss secular lords by some political theorists of the 14th and 15th centuries.
    • Résister à l'autorité illégitime : Le point de vue du droit canonique (xiie-xve siècles) - Corinne Leveleux-Teixeira p. 423-445 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La question de l'autorité illégitime et a fortiori de la résistance à cette autorité est toujours délicate à manier, à la fois en termes de définition de l'autorité, d'appréciation du critère d'illégitimité et de mise en œuvre d'un éventuel droit de résistance. Les difficultés d'approche sont encore plus grandes s'agissant d'une période comme le Moyen-Âge, au cours de laquelle la conception, la structuration et les effets de l'autorité ont considérablement évolué. En se centrant sur les xiiie- xve siècles, l'article se propose d'examiner d'une part les critères de qualification de l'autorité publique comme illégitime et d'autre part les voies ouvertes pour lui résister, en fait comme en droit.
      The question of illegitimate authority and a fortiori resistance to this authority is always delicate to handle, both in terms of the definition of authority, the assessment of the criterion of illegitimacy and the exercise of a possible right of resistance. The difficulties of approach are even greater when it comes to a period like the Middle Ages, during which the conception, structuring and effects of authority evolved considerably. Focusing on the 13th-15th centuries, the article proposes to examine, on the one hand, the criteria for qualifying public authority as illegitimate and, on the other hand, the avenues open to resist it, in fact as well as in law.
    • Liberté de l'obéissance selon Thomas d'Aquin : Somme de théologie, IIa IIae, q. 104 - Camille de Belloy p. 447-474 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Thomas d'Aquin situe l'obéissance parmi les vertus annexes de la justice, comme étant contenue sous chacune des vertus dites de déférence (religion, piété filiale, respect), mais il en dégage aussi la spécificité : vertu des êtres doués de volonté et d'intelligence, donc de liberté, elle se distingue de toute soumission de contrainte, et c'est par un choix intelligent et libre que l'être obéissant est amené à renoncer à sa volonté propre. Toutefois, ce n'est pas ce renoncement qui fournit à Thomas le critère pour reconnaître l'obéissance authentique. Son seul critère de discernement est l'objet spécifique sur lequel porte l'obéissance, à savoir le précepte, émané d'une autorité légitime et que l'on vise à accomplir. Cette notion du précepte délimite strictement le domaine sur lequel une autorité exerce sa supériorité et, par là, protège l'obéissance du subordonné par un « droit » contre toute extension abusive de ce domaine de supériorité. Saint Thomas livre ainsi de précieux repères pour une juste conception et pratique de l'obéissance aussi bien qu'un rempart contre ses défigurations possibles. Il offre même une pensée de la résistance, qui n'est pas désobéissance mais jugement pratique orienté par les exigences de la charité, fin ultime de toute obéissance. La lecture ici proposée de la question 104 de la Secunda Secundae de la Somme de théologie, consacrée à la vertu d'obéissance, s'enrichit, en amont, des prolongements décisifs que Thomas en a donnés dans son traité de la vie religieuse, mais elle est aussi éclairée, en aval, par les fermes déterminations sur l'obéissance politique qu'il avait énoncées dans son traité des lois.
      Thomas Aquinas situates obedience among the virtues annexed to justice, as being contained under each of the so-called virtues of deference (religion, filial piety, respect), but he also brings out its specificity : a virtue of beings endowed with will and intelligence, and therefore freedom, it is distinguished by the absence of any submission by constraint, and it is by intelligent and free choice that the obedient being is led to renounce his own will. However, this renunciation is not the provider of Thomas' criterion for recognizing genuine obedience. Its only criterion of discernment is the specific object on which obedience bears, namely the precept, emanating from a legitimate authority and which one aims to accomplish. This notion of precept strictly delimits the domain over which an authority exercises its superiority and, thereby, protects the obedience of the subordinate by means of a « right » against any abusive extension of this domain of superiority. Saint Thomas thus delivers precious benchmarks for a correct conception and practice of obedience as well as a rampart against its possible disfigurements. He even offers a thought of resistance, which is not disobedience but practical judgment oriented by the demands of charity, the ultimate end of all obedience. The reading proposed here of question 104 of the Secunda Secundae of the Summa theologiae, devoted to the virtue of obedience, has been enriched, beforehand, by the decisive extensions that Thomas has given it in his treatise on religious life, but it is also illuminated, afterwards, by the firm determinations on political obedience that he put forward in his treatise on law.
    • Obéissance et raison selon Thomas d'Aquin - Tobias Hoffmann p. 475-492 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Selon Thomas d'Aquin, l'obéissance consiste à suivre les ordres d'un supérieur. La personne obéissante agit donc selon la raison d'un autre. Cet article étudie les fondements et les conditions d'une obéissance raisonnable. Il est montré que, pour Thomas, le caractère raisonnable de l'obéissance se fonde d'un côté sur un ordre objectif entre les personnes qui sont investies d'une autorité légitime et leurs subordonnés. À cet égard, il sera éclairci par rapport à qui et sous quelles conditions l'obéissance est soit nécessaire, soit non nécessaire, soit illégitime, d'après Thomas. D'un autre côté, l'obéissance raisonnable exige que la personne obéissante discerne la légitimité de l'autorité du supérieur et de l'ordre donné et qu'il le mette en pratique en utilisant sa propre prudence, plutôt que de s'appuyer entièrement sur la prudence du supérieur. Selon Thomas, cela est nécessaire aussi pour les religieux qui font un vœu d'obéissance. Ils renoncent à leur propre volonté en suivant les ordres des supérieurs, mais ils ne renoncent pas à leur intelligence par laquelle ils les évaluent et les mettent en pratique.
      According to Thomas Aquinas, obedience consists in following the orders of a superior. The obedient person thus acts according to the reason of another. This article examines the foundation and the conditions of reasonable obedience. It shows that, for Aquinas, such obedience is grounded on the one hand on an objective order between the persons who hold a legitimate authority and their subordinates. In this regard, the article clarifies with respect to whom and under which conditions obedience is either necessary, not necessary, or illegitimate. On the other hand, reasonable obedience requires that obedient persons discern the legitimacy of the superior's authority and of the order given and that they put it into practice by using their own prudence, rather than relying entirely on the prudence of the superior. According to Aquinas, this is also necessary for the religious, who make a vow of obedience. They renounce their own will in following the orders of their superiors, but they do not renounce their intelligence by which they evaluate them and put them into practice.
    • Libres d'obéir : La question sur l'obéissance (Somme théologique, IIa IIae, Q. 104) dans quelques commentaires de la scolastique tardive (Vitoria, Molina et Pedro Luis) - Lidia Lanza p. 493-524 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      La question 104 de la IIa IIae n'est qu'une de celles de la Summa theologiae où Thomas d'Aquin réfléchit sur l'obéissance, en théorisant sa nécessité à tous les niveaux de la réalité et en établissant sa portée et ses limites. Lorsque la réflexion de Thomas est appliquée à un contexte doctrinal et historique différent à divers égards, cette réflexion ouvre à l'inclusion d'éléments nouveaux, déclenchant ainsi une nouvelle discussion sur les relations complexes entre les autorités à obéir et le sujet qui obéit, en les considérant dans leurs multiples aspects problématiques. C'est ce qu'on peut constater dans les commentaires de la Summa theologiae de Francisco de Vitoria, Luis de Molina et Pedro Luis. La nécessité d'éprouver ou d'adapter la théorie thomasienne de l'obéissance à une réalité qui doit faire face, avant tout, au protestantisme, conduit ces auteurs à focaliser leur attention sur des cas où le sujet qui doit obéir se trouve dans des situations d'impasse. La résolution des cas d'impasse les plus difficiles – par exemple le doute impliquant l'ordre du prélat – passe également par la récupération d'un élément clé de la réflexion proposée par Thomas dans la q. 104 : la caractérisation de l'obéissance comme vertu spécifique.
      Question 104 of the IIa IIae is one among several questions in the Summa theologiae where Thomas Aquinas reflects on obedience, establishing its necessity at all levels of reality and theorising about its scope and limits. Once Aquinas' reflection is applied to a different doctrinal and historical context, it is broadened so as to include new elements, thereby triggering a new discussion of the complex relationships between the authorities to be obeyed and the obeying subject, considering those relationships in their multiple problematic aspects. This can be seen in the commentaries on the Summa theologiae by Francisco de Vitoria, Luis de Molina and Pedro Luis. The need to test or adapt the Thomistic theory of obedience to a context in which, above all, Protestantism must be tackled, leads these authors to focus on cases where the subject who must obey finds himself at an impasse. The solution to the most difficult cases of impasse – for example doubts involving the order of a prelate – requires also the retrieval of a key element of Aquinas' view advanced in q. 104 : the characterization of obedience as a specific virtue.
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