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Revue Revue historique Mir@bel
Numéro no 708, octobre 2023
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  • Être citoyenne dans la République nobiliaire de Pologne au temps des Lumières - Dorota Wiśniewska p. 579-601 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'article caractérise la citoyenneté des femmes nobles dans la République nobiliaire de Pologne dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Il décrit les rapports des femmes des élites avec l'État, leurs sentiments d'appartenance à la nation et leur attachement aux lieux, où elles vivent. Il met en lumière la perception qu'ont les hommes de l'engagement des femmes dans la vie publique et de leur citoyenneté, ainsi que les similarités et les particularités du contexte polono-lituanien par rapport à l'Occident. Centré sur la correspondance féminine, l'article montre que les femmes nobles en Pologne-Lituanie non seulement se voient officiellement accorder le statut de citoyennes, mais aussi elles se sentent inclues à la nation politique et manifestent leur patriotisme. Elles agissent pour le bien commun qu'elles considèrent en accord avec les intérêts privés et familiaux. Le régime républicain, l'influence des Lumières et les circonstances particulières liées aux partages facilitent leur inclusion, mais elles ne contestent pas leur position sociale. Elles sont bien conscientes de leur subordination face aux hommes, mais vu que leurs familles et l'Église leur inculquent la vision patriarcale du monde dès le plus jeune âge, il ne vient pas à l'esprit des femmes de s'y opposer. Et car la « révolution polonaise » (1788-1792) est menée par la noblesse, la question de l'octroi de la citoyenneté à toutes les femmes ne se pose pas dans le débat public.
    The article characterises the citizenship of noblewomen in the Polish-Lithuanian Commonwealth of the second half of the 18th century. It describes the relationship of elite women with the state, their feelings of belonging to the nation and their attachment to the places they lived in. It highlights men's perceptions of women's involvement in public life and citizenship, as well as the similarities and specificities of the Polish-Lithuanian context in comparison with the West. Focusing on female correspondence, the article shows that noblewomen in Poland-Lithuania were not only officially granted the status of citizens, but also felt included in the political nation and manifested their patriotism. They acted for the common good, which they considered to be in line with private and family interests. The republican regime, the influence of the Enlightenment, and specific circumstances resulting from the partitions facilitated their inclusion, but they did not contest their social position. They were well aware of their subordination to men, but since their families and the Church had inculcated the patriarchal worldview in them from an early age, it did not occur to women to oppose it. And as the ‘Polish Revolution' (1788-1792) was led by the nobility, the question of granting citizenship to all women did not arise in the public debate.
  • La « Françafrique » : usages d'un mythe contemporain dans le débat politique français (1994-2021) - Kevin Alleno p. 603-631 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    L'expression « Françafrique » est un instrument militant forgé par le président de l'association Survie, François-Xavier Verschave, pour stigmatiser les dérives de la politique africaine de la France. Elle renvoie à un imaginaire colonial qui s'est imposé comme la principale représentation de la politique africaine de la France. Il s'est largement diffusé au sein de la société au point de constituer une grille de lecture des relations franco-africaines pour les médias et de se diffuser largement au sein de la culture populaire. Avec ce succès, on peut même parler de mythe au sens où ce concept apparaît au moment même où émergent de profondes mutations dans les relations franco-africaines. Si bien qu'il existe bien un décalage entre la représentation véhiculée par l'imaginaire de la « Françafrique » et la réalité de la politique africaine de la France aujourd'hui. Sans que cela ne signifie que ces rapports soient guéris totalement des maux dénoncés par les militants associatifs, journalistes et politiques qui mobilisent cette expression. L'étude des usages de la « Françafrique » dans le débat politique français atteste ainsi de l'efficacité de ce mythe dans la mesure où les acteurs mêmes qui sont stigmatisés par cette formule l'utilisent. Ces usages participent également à renforcer la force de cette représentation de la politique africaine et permet de comprendre comment il produit des effets, ensuite, sur la diplomatie française en Afrique.
    As conceptualized by former President of French association Survie, François-Xavier Verschave, “Françafrique” articulates all the debates about the French action in Africa today. This concept, which is a soft power tool for Survie, spread a negative image of the French policy in Africa. The broad dissemination of this concept made it sort of myth. There is a mismatch indeed between the representation of the French action in Africa conveyed by this concept and the reality of today. This article, by studying how the word « françafrique » is used in the french political debate, proves how efficiency this myth is. Indeed, it shows that french politicians used easily the word « françafrique » even though when they are stigmatized by it and, thus, strengthen the myth. Thereby, this study helps to understand how the « françafrique » stigma impacts the french diplomacy in Africa.
  • La main justicière des rois de France à la fin du Moyen Âge - Élisabeth Schmit p. 633-660 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    La main de justice, second sceptre des rois de France, apparaît au XIIIe siècle comme instrument du sacre des rois capétiens. Au même titre que l'ensemble des regalia, elle est aussitôt reprise dans les représentations royales, et ce dans la diversité de leurs supports. Ce n'est pourtant pas à ce seul titre que la main de justice participe de l'affirmation de la souveraineté royale à la fin du Moyen Âge, puisque la main de justice – ou « main du roi » – renvoie aussi à une procédure dont l'usage s'affine tout au long du XIVe siècle, celle du séquestre judiciaire. Si l'évolution de cette procédure a bien été étudiée par les historiens du droit, cette étude s'attache plus précisément à comprendre le sens de l'apparition et de l'utilisation conjointe de la main comme sceptre et de la main comme procédure dans l'exercice concret de la justice royale, à partir des archives médiévales du parlement de Paris.
    The Hand of Justice, the second scepter of the kings of France, appeared in the 13th century as an instrument of the coronation of the Capetian kings. Like all the regalia, it was immediately used in royal representations. However, this was not the only way in which the hand of justice contributed to the assertion of royal sovereignty at the end of the Middle Ages, since the hand of justice – or “hand of the king” – also referred to a procedure whose use was refined throughout the 14th century, that of judicial sequestration. While the development of this procedure has been well studied by legal historians, this study focuses more specifically on understanding the significance of the emergence and use of both the hands, as a sceptre and as a procedure, in the practical exercise of royal justice, based on the medieval archives of the parlement of Paris.
  • La poignée de main de l'étameur (Paris, 30 janvier 1887) Une histoire des relations sino-occidentales à hauteur d'interaction - Clément Fabre p. 661-706 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
    Le 30 janvier 1887, avenue Victor Hugo à Paris, le général Chen Jitong, attaché militaire de la légation chinoise en France, refuse la main que lui tend l'étameur Ferdinand Laporte, qui l'injurie alors. Le procès qui s'ensuit pour injures publiques met au jour, derrière cette affaire anecdotique, un mauvais tour alors répandu à Paris, résumé par le chroniqueur judiciaire qui, sous le pseudonyme d'Argus, rend compte de l'affaire dans les colonnes du Figaro : « Il paraît que c'est une espèce de sport, parmi les loustics des faubourgs extérieurs, d'accoster les Chinois dans la rue et de leur tendre la main en les tutoyant avec une aimable familiarité. » Faire l'histoire de cette plaisanterie devenue incompréhensible impose d'entremêler trois histoires de mains. Celle, déjà, des imaginaires qui se greffent à partir du XVIIIe siècle sur le décalage des gestes de politesse chinois et occidentaux et constituent les salutations chinoises en antipodes mêmes de la poignée de main occidentale et égalitariste. Celle, ensuite, de l'attention continuelle que doivent prêter à leurs mains, dans la Chine du XIXe siècle, diplomates et missionnaires pour les plier aux règles des bienséances chinoises et éviter le type de faux pas que recherche, précisément, Ferdinand Laporte. Celle, enfin, de la progressive familiarisation avec la structure des interactions sino-occidentales de franges entières de la population chinoise qui, tel Chen Jitong, apprennent entre autres, au fil du XIXe siècle, à maîtriser la poignée de main. Ces trois histoires entremêlées jettent un éclairage original sur le statut à conférer aux interactions ordinaires dans l'histoire des relations sino-occidentales, et sur les différentes temporalités qui viennent se nouer dans une banale poignée de main.
    On January 30th 1887, on the Avenue Victor Hugo in Paris, General Chen Jitong, military attaché of the Chinese legation in France, refused the handshake extended to him by Ferdinand Laporte, who then insulted him. The trial for public insults that followed brought to light that this was actually a common prank in Paris at the time. A prank summarized by the court reporter who, under the pseudonym Argus, reported on the case for Le Figaro: “It seems to be a kind of sport, among the lousy people of the outer suburbs, to accost Chinese people in the street and extend their hands to them with a friendly familiarity.” Writing the history of this prank, rather unintelligible by modern standards, requires to intertwine three distinct “hand histories”. Firstly, the history of the imaginations that became progressively affixed to the discrepancy between Chinese and Western polite gestures from the eighteenth century onwards, establishing Chinese greetings as the very antipodes of the Western, egalitarian handshake. Secondly, the continual attention that diplomats and missionaries had to pay to their hands in nineteenth century China in order to bend them to the rules of Chinese etiquette and avoid the kind of blunder that Ferdinand Laporte was precisely looking for. Finally, the history of the gradual familiarization with the structure of Sino-Western interactions of entire sections of the Chinese population who, like Chen Jitong, learned, among other things, to master the handshake over the course of the nineteenth century. These three intertwined stories shed original light on the status of ordinary interactions in the history of Sino-Western relations and on the different temporalities embedded in a banal handshake.
  • Mélanges

    • Retour sur l'affaire Bladier. Le crime, la confession, la céphalophorie - Philippe Boutry p. 707-724 accès réservé avec résumé avec résumé en anglais
      Le livre publié par Philippe Artières en 2020 sous le titre Un séminariste assassin. L'Affaire Bladier, 1905 retrace et analyse avec une rare acuité un meurtre atroce commis dans le Cantal l'année de la séparation des Églises et de l'État : le 1er septembre 1905, au village de Raulhac Jean-Marie Bladier, dix-sept ans, élève du petit séminaire de Saint-Flour, tue à coup de couteau Jean Raulnay, treize ans, lui coupe la tête qu'il élève vers le ciel ; puis il se livre aux gendarmes. Il est examiné à Lyon par le docteur Alexandre Lacassagne qui lui fait rédiger son autobiographie et reconnaît son irresponsabilité pénale. À l'occasion d'une relecture, on entend ici revenir sur quatre thèmes majeurs de l'analyse historique du cas Bladier : l'histoire rurale ; l'histoire de l'éducation ; l'histoire du sacrement de confession ; et la symbolique de la céphalophorie.
      The book published by Philippe Artières in 2020, A seminarian murderer. The Bladier Affair, 1905 analyzes with rare acuity an atrocious murder committed in mountains of central France in the year of the separation of Church and State: September 1, 1905, in the village of Raulhac, Jean-Marie Bladier, seventeen years old, pupil of the minor seminary of Saint-Flour, kills with a knife Jean Raulnay, thirteen years old, cuts off his head which he raises towards the sky; then he gives himself up to the police. He was examined in Lyon by Doctor Alexandre Lacassagne who had him write his autobiography and acknowledged him irresponsible. On the occasion of a rereading, we intend here to return to four major themes of the historical analysis of the Bladier case: rural history; the history of education; the history of the sacrament of confession; and the symbolism of cephalophoria.
  • Comptes rendus

  • Ouvrages analysés dans les comptes rendus de la présente livraison - p. 755 accès libre