Contenu du sommaire : Engagements au travail et capitalisme transnational

Revue Cultures & conflits Mir@bel
Numéro no 130, été 2023
Titre du numéro Engagements au travail et capitalisme transnational
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  • Dossier

    • Engagements au travail et capitalisme transnational : Introduction - Pierre Rouxel, Karel Yon p. 7-21 accès libre
    • « Nous sommes Rio Tinto » : Engagement et encadrement de la main-d'œuvre dans une mine « durable » - Doris Buu-Sao p. 23-41 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      À l'heure des discours sur les besoins en métaux de la transition énergétique, les entreprises minières prétendent être d'incontournables alliées de la lutte contre le changement climatique. Elles se présentent comme des entreprises soucieuses de la préservation des écosystèmes, de la prévention des risques professionnels et du développement économique des territoires d'implantation. La mine andalouse de Rio Tinto, qui a recommencé à produire du cuivre en 2015, est emblématique de ce tournant. Au-delà des discours de façade sur la « mine durable », l'ethnographie de la mine de Rio Tinto donne à voir les transformations à l'œuvre, notamment concernant la fragmentation et l'individualisation des conditions de travail, parallèlement à l'affaiblissement des structures syndicales. Dans ce contexte, l'article analyse comment l'encadrement des formes d'engagement au travail qui accompagne les promesses de « mine durable » alimente des logiques de (dé)mobilisation oscillant entre l'allégeance et la résistance.
      Mining companies are seizing on the rhetoric about the need for metals in the energy transition to claim that they are key allies in the fight against climate change. They present themselves as enterprises concerned with the preservation of ecosystems, the prevention of safety hazards and the economic development of the regions in which they operate. The Rio Tinto mine in Andalusia, which resumed copper production in 2015 is emblematic of this shift. Beyond the rhetoric of “sustainable mining”, the ethnography of the Rio Tinto mine reveals the transformations underway, in particular the fragmentation and individualisation of working conditions, and the weakening of trade union structures. In this context, the article analyses how the management of commitment to work that accompanies the promises of “sustainable mining” fuels logics of (dis)mobilisation that oscillate between allegiance and resistance.
    • Ce qu'une multinationale « citoyenne » fait aux citoyens : La managérialisation d'engagements salariés au Mexique - Pierre Rouxel, Karel Yon p. 43-68 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans quelle mesure les entreprises contribuent-elles à façonner les formes légitimes de la participation politique et sociale ? Jusqu'ici peu explorée, cette question se pose aujourd'hui avec acuité. L'essor d'un capitalisme « éthique » et les efforts des entreprises pour susciter des engagements de la part de leurs salariés, dans l'orbite des politiques de « responsabilité sociale et environnementale » (RSE), viennent en effet percuter les formes classiques de citoyenneté salariale, assises sur le syndicalisme et la représentation collective du personnel. À partir d'une enquête par observations et entretiens menée sur une multinationale de la distribution sportive au Mexique, cet article met en lumière un processus de managérialisation des pratiques civiques. Plutôt que de célébrer la diversité des modes d'engagement des salariés, le management de l'entreprise procède à leur gestion différenciée et hiérarchisée : tandis que les pratiques relevant de la RSE sont valorisées et présentées comme permettant l'accomplissement de la mission citoyenne de l'entreprise, la mise en place d'une représentation collective du personnel reste largement illusoire, en dépit des encouragements induits par la réforme des relations de travail engagée par le gouvernement mexicain.
      To what extent do corporations shape legitimate forms of political and social participation? This is a question that has been little explored in the past but has now become more prevalent. Indeed, the rise of ‘ethical' capitalism and the efforts of companies to encourage their employees to make commitments, in the orbit of ‘corporate social responsibility' (CSR) policies, are impacting on traditional forms of industrial citizenship, namely trade unionism and collective representation. Based on observations and interviews conducted at a transnational sports retailer in Mexico, this article highlights a process of managerialization of civic practices. Rather than celebrating the diversity of ways in which employees are involved, the company manages them in a differentiated and hierarchical way: while CSR practices are promoted and presented as enabling the corporation to fulfil its civic mission, the implementation of collective employee representation remains largely illusory, despite the institutional changes provided by the Mexican government's reform of labour relations.
    • Ryanair en Belgique. À la conquête de la citoyenneté industrielle - Bruno Bauraind, Jean Vandewattyne p. 69-88 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Dans un contexte a priori hostile au syndicalisme et à la négociation collective, cette contribution cherche à comprendre comment les syndicalistes et certains travailleurs de Ryanair en Belgique sont parvenus à encastrer la compagnie irlandaise dans le système des relations collectives de travail belge. À partir d'une présence longue sur le terrain (2011-2022) et d'entretiens répétés avec les acteurs, nos résultats montrent que l'entreprise multinationale néolibérale, dont Ryanair est l'archétype, n'exclut pas de facto la possibilité d'une forme de citoyenneté industrielle collective, autonome et conflictuelle. Au contraire, certaines propriétés du modèle productif de la compagnie aérienne, fondé sur les bas salaires et l'antisyndicalisme, ont été mobilisés et instrumentalisés par les salariés et les syndicalistes pour implanter une représentation syndicale au sein de la filiale belge. Plus largement, cette adaptation stratégique du syndicalisme à la configuration néolibérale de l'entreprise permet de nourrir le débat sur le renouveau ou la recomposition du syndicalisme en Europe de l'Ouest.
      In a context a priori hostile to trade unionism and collective bargaining, this contribution seeks to understand how trade unionists and some workers in Belgium have managed to embed the Irish airline Ryanair in the Belgian collective labour relations system. Based on long-term presence in the field (2011-2022) and repeated interviews with actors, our findings show that the neoliberal transnational corporation, of which Ryanair is the archetype, does not de facto exclude the possibility of a collective, autonomous and conflictual industrial citizenship. Conversely, some features of the airline's low-wage, anti-union production model have been mobilised and instrumentalised by employees and trade unionists to establish union representation within the Belgian subsidiary. More broadly, this strategic adaptation of trade unionism to the neoliberal configuration of the corporation contributes to debates on the renewal or recomposition of trade unionism in Western Europe.
    • Les recompositions d'une forme de « citoyenneté docker » : La lutte contre la circulation des armes d'un collectif de travailleurs du port de Gênes - Julien O'Miel p. 89-115 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Depuis les années 1990, les terminaux portuaires sont privatisés et le statut protecteur des dockers est remis en cause. Tout semble donc concourir à des processus de dépolitisation du travail. Pourtant, le cas du collectif autonome des travailleurs portuaires de Gênes, engagé dans une lutte contre la circulation des armes, donne à voir la persistance dans l'espace portuaire génois de mobilisations politiques radicales. À partir de ce cas, cet article interroge les recompositions d'une forme de « citoyenneté docker ». Ce collectif inscrit dans les luttes locales étudiantes et antifascistes entre en conflit avec le syndicat majoritaire pour intégrer un syndicat basiste visant à réintroduire de la conflictualité au port. Leur perspective radicale les amène suite à la publicisation de la circulation d'armes dans le port, à la constituer en cause. Prenant conscience de la force que leur octroie leur position au sein du capitalisme logistique en termes de filtrage de la marchandise indigne, ils s'insèrent dans l'espace européen des luttes antimilitaristes.
      Since the 1990s, port terminals have been privatized and the protective status of dockers has been called into question. Everything seems to contribute to the depoliticization of work. However, the case of the autonomous collective of port workers in Genoa, engaged in a struggle against the circulation of weapons, shows the persistence of radical political mobilizations in the Genoese port space. From this case, this article questions the recomposition of a form of “docker citizenship”. This collective, inscribed in local student and anti-fascist struggles, entered into conflict with the majority union to integrate a union aiming to reintroduce conflictuality in the port. Their radical perspective leads them, following the publicization of the circulation of weapons in the port, to question it. Becoming aware of the strength that their position within logistics capitalism grants them in terms of filtering unworthy merchandise, they insert themselves into the European space of antimilitarist struggles.
    • Amazon et Mercado Libre, regards croisés sur le travail logistique : Propos recueillis par Pierre Rouxel et Karel Yon - Tamara L. Lee, Maite Tapia, Maurizio Atzeni, Pierre Rouxel, Karel Yon p. 117-127 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Maite Tapia et Tamara L. Lee ont coordonné une enquête sur les relations de travail au sein de plusieurs entrepôts logistiques d'Amazon aux États-Unis. Avec Bridget Kenny, Maurizio Atzeni a enquêté sur un entrepôt de Mercado Libre, l'équivalent latino-américain d'Amazon, dans le Grand Buenos Aires. Ces enquêtes témoignent de l'importance d'une analyse localisée des firmes transnationales, et des formes d'engagement au travail que chaque configuration rend possibles. Cet entretien croisé met en lumière le rapport différencié de ces entreprises au syndicalisme, l'inégale automatisation du travail logistique, ainsi que la façon dont les contextes locaux et les propriétés sociales des travailleurs informent les relations de travail.
      Maite Tapia and Tamara L. Lee coordinated an investigation into labour relations at several Amazon warehouses in the USA. With Bridget Kenny, Maurizio Atzeni investigated a warehouse of Mercado Libre, Amazon's Latin American equivalent, in the Greater Buenos Aires. These investigations demonstrate the importance of a localized analysis of transnational firms, and of the forms of engagement at work that each configuration makes possible. Our interviews with the authors highlight the differentiated relationship of these companies to trade unionism, the uneven automation of logistical work, and the way in which local contexts and the social properties of workers inform labour relations.
  • Chronique bibliographique

  • Regards sur l'entre-deux