Contenu du sommaire : Expérience et critique du monde psy

Revue Politix Mir@bel
Numéro vol. 19, no 73, janvier 2006
Titre du numéro Expérience et critique du monde psy
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Dossier : Expérience et critique du monde psy

    - (Coordonnée par Nicolas Dodier et Vololona Rabeharisoa) accès libre
    • Les transformations croisées du mon "psy" et des discours du social - Nicolas Dodier, Vololona Rabeharisoa p. 9 accès libre avec résumé
      L'article étudie le jeu de relations qui s'est établi entre certains dispositifs emblématiques du monde psy, et les principaux discours du social (discours des forces, des victimes, et de la précarité sociale) auxquels ils se sont trouvés confrontés, discours qui sont à la fois la base à partir de laquelle des critiques sont adressées au monde psy, et le cadre à l'intérieur duquel les outils du monde psy se trouvent réappropriés par les acteurs qui lui sont extérieurs. Partant des trois dispositifs « classiques » qui organisent en France le monde psy jusque dans les années 1980 (l'asile, la psychanalyse, le secteur), l'article esquisse, en s'appuyant notamment, pour les présenter, sur les articles du numéro, les infléchissements qui ont conduit à l'émergence de nouveaux dispositifs au cœur des transformations récentes (la souffrance psychique, le traumatisme psychique, la psychiatrie des preuves).
    • Changement culturel et mobilisation des patients - Le champ de la contestation psychiatrique au Royaume-Uni, 1970-2000 - Nick Crossley p. 23 accès libre avec résumé
      Dans cet article, l'auteur compare les cultures de la protestation incarnées par quatre organisations du mouvement social qui, tout au long des trois dernières décennies, ont chacune revendiqué de représenter les « patients » psychiatriques au Royaume-Uni. Il s'agit de : The Mental Patients Union, Survivors Speak Out, Reclaim Bedlam et Mad Pride. Bien que deux de ces groupes semblent partager une même culture de la protestation, l'auteur identifie trois cultures distinctes incorporées par les différents groupes et qui représentent, selon lui, des cultures de la protestation plus larges et caractéristiques des trois décennies entre 1970 et 2000. Une fois ce constat établi, l'article analyse les raisons de ces différences et de ces changements culturels, en explorant aussi bien les caractéristiques du champ de la contestation psychiatrique que ses liens avec des groupes et des événements contestataires plus larges au Royaume-Uni.
    • Le spectre "psy" réordonné par des parents d'enfant autiste - L'étude d'un cercle de discussion électronique - Cécile Méadel p. 57 accès libre avec résumé
      Comment un collectif de parents d'enfant autiste construit-il sa relation à la psychiatrie ? L'article s'appuie sur les messages d'une liste de discussion électronique pour montrer comment et avec quels outils un collectif à distance tente d'imposer sa propre définition de l'autisme à un univers psychiatrique qu'il estime dans sa grande majorité inefficace, voire dangereux. On voit comment la liste se construit comme un instrument de transformation des relations entre les familles et les professionnels, en luttant contre la culpabilisation des parents, en explicitant les hypothèses étiologiques de l'autisme, et en faisant la promotion d'un modèle éducatif de prise en charge des enfants. Il s'agit donc moins de rompre avec la psychiatrie que d'en proposer une autre définition, débarrassée en particulier de ses approches psychanalytiques. Pour cela, la liste mène un triple combat : moral en luttant contre une approche jugée malfaisante, cognitive en soutenant les recherches organiques, et politique en s'opposant aux institutions psychiatriques.
    • Les politiques du patient en pratique - Psychanalyse et psychopharmacologie à l'hôpital - Sandra Jacqueline p. 83 accès libre avec résumé
      La question de l'autonomie allouée par les professionnels aux patients souffrant de troubles psychiques est, de nos jours, au cœur des débats concernant « l'usager » des services de santé mentale. En nous appuyant sur l'observation de pratiques concrètes de prise en charge, nous montrerons comment le statut du patient est envisagé dans deux services contrastés en milieu hospitalier : le premier d'obédience psychopharmacologique ; le deuxième d'orientation psychanalytique. Nous analyserons les divers moments de la prise en charge tels que la conduite des entretiens, le rapport à la prescription, l'information donnée au patient, les situations de refus de la part du patient, le recours à sa famille, pour montrer que l'autonomie s'inscrit dans un processus visant à construire un genre de personne propre à chaque orientation. Nous montrerons comment le statut du patient est étroitement lié à la façon dont les médecins inscrivent leurs pratiques de soin dans un mode de formation de la personne.
    • Quelle autonomie pour les "incapables" majeurs ? Déshospitalisation psychiatrique et mise sous tutelle - Benoît Eyraud p. 109 accès libre avec résumé
      La politique de déshospitalisation psychiatrique et la réforme du dispositif de protection des « incapables majeurs » ont été mises en œuvre parallèlement depuis quelques décennies. La complémentarité de ces politiques ne doit pas dissimuler leur usage hétérogène de la « valeur » autonomie, oscillant entre des conceptions « idéalisées » et « desidéalisées » de ce concept. Après avoir montré les limites mais aussi l'intérêt de telles conceptions pour analyser les politiques actuelles et leurs implications, une troisième conception « équilibrée » est proposée, puis éprouvée empiriquement à partir de l'analyse d'une situation de crise. Cette conception définit l'autonomie comme produit de l'interpellation et de la reconnaissance d'un sujet capable et d'une norme obligeante. Cette conception a pour objectif de mieux rendre compte des expériences et situations vécues par les majeurs protégés connaissant des troubles psychiatriques, de contribuer à une réflexion sur l'évaluation des capacités et incapacités des individus, et de contribuer aux réflexions visant à une sociologie de la liberté.
    • Souffrir par le social, gouverner par l'écoute - Une configuration sémantique de l'action publique - Didier Fassin p. 137 accès libre avec résumé
      Au cours des années 1990, un nouveau lexique s'est imposé en France dans les politiques sociales : les problèmes liés aux inégalités ont été rapportés à l'exclusion, les conséquences sur les individus ont été interprétées en termes de souffrance, des solutions ont été proposées autour de lieux d'écoute. Cette configuration sémantique compassionnelle prend son sens moins par rapport à une transformation objective du monde que par rapport à des sensibilités différentes nourries par le travail des sciences sociales et les réflexions de la haute administration. Dans ce contexte, les psychiatres apportent leur contribution à travers la reconnaissance de la souffrance psychique et les psychologues fournissent les ressources humaines nécessaires à sa prise en charge. Pour autant, psychiatrisation et psychologisation vont de pair avec une dynamique inverse de dépsychiatrisation et de dépsychologisation.
    • Enquête sur les usages sociaux du traumatisme à la suite de l'accident de l'usine AZF à Toulouse - Stéphane Latté, Richard Rechtman p. 159 accès libre avec résumé
      L'accident chimique de l'usine AZF à Toulouse, le 21 septembre 2001, a donné lieu à une formidable mobilisation autour du risque psychotraumatique. Initié dès les premières heures par le maire de la ville appelant les cliniciens à se porter au-devant des blessés psychiques, le registre traumatique a été mobilisé par l'ensemble des acteurs, sinistrés, cliniciens, autorités politiques et administratives, ouvriers, syndicats, et experts. Cette mobilisation soulève de nombreuses questions auxquelles cette enquête tente de répondre. Car la sollicitation inaugurale de la parole psychologique exerce des effets durables qui dépassent largement le temps de l'urgence. Elle met en circulation des registres légitimes d'expression de la plainte qui pèsent sur les façons dont on interprète l'explosion, sur la hiérarchisation des groupes candidats au statut de victimes ainsi que sur les modalités de la réparation financière des dommages. Mais surtout le cas toulousain illustre de façon exemplaire deux ordres de transformations qui affectent conjointement le champ psychiatrique et l'espace politique. L'extension du champ de la psychiatrie aux avatars de la normalité souffrante grâce à la reconfiguration de l'espace de la santé mentale, d'une part, et l'importation, dans le jeu politique, de nouveaux modes de gestion – du côté des pouvoirs publics – et d'expression – du côté des mouvements sociaux – de la plainte et des griefs, d'autre part. La scène toulousaine illustre de façon paradigmatique la rencontre entre des acteurs, des motifs, des intérêts sociaux et des aspirations territoriales, que tout oppose parfois, et qui vont néanmoins emprunter un même langage, celui du traumatisme et de sa légitimité sanitaire, pour exprimer l'authenticité de leurs attentes ou de leurs actions, selon les cas.
  • Varia

    • Lutter dans ou en dehors du parti ? L'évolution des stratégies des féministes du Parti socialiste (1971-1997) - Laure Bereni p. 187 accès libre avec résumé
      Cet article examine les dilemmes stratégiques auxquels ont été confrontées les militantes de la cause des femmes au Parti socialiste entre 1971 et 1997, en fonction de l'évolution des conditions de réception de leurs revendications par l'organisation. À cet égard, deux périodes peuvent être distinguées : jusqu'au milieu des années 1980, l'attitude relativement « ouverte » du PS à l'égard des revendications féministes – dans un contexte où celles-ci constituaient un enjeu majeur dans la stratégie d'ascension électorale du parti – a globalement incité les militantes socialistes de la cause des femmes à lutter à l'intérieur du cadre organisationnel et cognitif du parti. À partir du milieu des années 1980, les résistances croissantes manifestées par l'organisation les ont de plus en plus poussées à extérioriser leurs stratégies de protestation, à penser et à agir en dehors de leur parti, comme l'illustrent les trajectoires de certaines d'entre elles, engagées pour la « parité » dans le mouvement associatif féminin « apolitique » au cours des années 1990.
    • Une convergence problématique - Les stratégies de légitimation de la "discrimination positive" dans l'enseignement supérieur aux Etats-Unis et en France - Daniel Sabbagh p. 211 accès libre avec résumé
      Aux États-Unis, la « discrimination positive » (affirmative action) désigne un ensemble de mesures qui, dans le cadre de la répartition de certaines ressources rares, appliquent un traitement préférentiel aux membres de groupes ayant été soumis dans le passé à un régime juridique discriminatoire : les Noirs, les « Hispaniques », les femmes, les descendants des populations autochtones (Native Americans) et parfois les Asiatiques. En France, s'il existe également des politiques de discrimination positive, le principal critère opérationnel pour repérer les destinataires éventuels des programmes en question n'est pas la race – ni le sexe –, mais le lieu de résidence : les habitants d'une zone définie comme défavorisée sur un plan socio-économique seraient ainsi appelés à bénéficier indirectement des financements publics supplémentaires accordés à cette zone dans son ensemble. Toutefois, à l'automne 2001, le programme « Conventions Zep » mis en place par l'Institut d'études politiques de Paris, sans a priori remettre en cause le primat de la dimension territoriale de l'action publique à vocation compensatoire, a donné lieu à une controverse d'une ampleur inédite, qui fait en partie écho au débat américain sur la discrimination positive et donne à penser qu'il existe bien certaines similitudes entre les variantes états-unienne et française du dispositif – et les difficultés structurelles qu'elles soulèvent.
  • Notes de lecture

    accès libre