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Titre Un compromis monétaire favorable à l'Europe
Auteur Département des diagnostics de l'OFCE, Philippe Sigogne, Jacky Fayolle, Hélène Baudchon, Odile Chagny, Amel Falah, Olivier Passet, Christine Rifflart, Valérie Chauvin, Hervé Péléraux, Françoise Milewski, Carine Bouthevillain
Mir@bel Revue Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques)
Numéro no 61, 1997 Revue de l'OFCE n°61
Rubrique / Thématique
Chronique de conjoncture
Page 5-7
Résumé Une fenêtre s'ouvre aujourd'hui pour que les pays européens puissent s'échapper de la « prison » de la déflation, si leurs politiques économiques s'avèrent suffisamment accommodantes. L'appréciation récente du dollar n'est pas une simple bulle destinée à se dégonfler à brève échéance. Elle traduit fondamentalement la prise en compte par les opérateurs internationaux de la continuité des performances de croissance américaines et leur confiance accrue dans le caractère soutenable de la position extérieure américaine. Si les politiques monétaires, en Europe et au Japon, maintiennent suffisamment longtemps de bas taux d'intérêt à court terme, la correction des changes pourrait être menée à terme et le dollar se stabiliser, fin 1997, au voisinage de 1,9 DM et 130 yens. Avec la normalisation des changes intra-européens, c'est un changement d'environnement significatif pour les entreprises européennes. Dans les dernières années, en effet, la contrainte de monnaie forte a constitué, pour nombre d'entre elles, un vecteur privilégié des influences déflationnistes, en poussant à la guerre des prix et à l'abaissement prioritaire des charges d'exploitation et d'investissement. Il résultera de ce changement des gains de parts de marché substantiels pour les entreprises européennes, mais aussi et surtout des signaux de prix plus favorables, qui devraient lever l'inhibition à produire et investir. Les politiques budgétaires européennes auront aussi leur rôle à jouer jians la consolidation de cet environnement, en évitant un durcissement exagéré au voisinage des prochaines échéances institutionnelles. La croissance internationale, qui bénéficiera en 1997 et 1998 d'une accélération du commerce international, pourrait être ainsi mieux partagée au sein de l'OCDE. La croissance américaine, toujours forte, bénéficie des effets du fort courant d'investissements sur le potentiel productif, si bien que les tensions inflationnistes sur les marchés de biens restent limitées. Les autorités monétaires ont les moyens de maîtriser la vitesse de l'expansion, sans avoir à verser dans un durcissement d'une sévérité telle qu'il s'avérerait déstabilisant. Les conditions de liquidité de l'économie américaine se sont en effet progressivement resserrées depuis 1994 et rendent efficace une nouvelle action marginale de la Réserve fédérale. La croissance américaine, encore vive en 1997 (2,8 %), ralentirait sans drame en 1998 (2 %). Le Japon bénéficie désormais de la décrue du yen mais s'apprête à subir un assainissement budgétaire qui amputera lourdement les ressources des ménages et fragilisera davantage une demande privée déjà versatile. C'est donc le maintien d'une politique monétaire accommodante, qui, à travers son impact sur le taux de change, aura la charge principale de placer le Japon sur un sentier d'expansion honorable. La contribution du commerce extérieur jouera un rôle essentiel pour permettre au Japon d'atteindre une croissance supérieure à 3 % en 1998. Le regain d'exportations n'a encore eu jusqu'à présent qu'un effet d'entraînement limité sur l'économie allemande. La consommation des ménages allemands pâtit de l'ajustement des emplois et des restructurations en cours. Ces restructurations améliorent progressivement la rentabilité des entreprises mais la confirmation de la détente concurrentielle est décisive pour que leur incitation à investir soit enfin libérée. En 1997, le programme d'économies sociales exercera une ponction contraignante sur les ressources des ménages. Mais si l'effort actuel parvient à ramener le déficit public au voisinage du critère de Maastricht, la politique budgétaire pourrait relâcher la pression sur les ménages en 1998 et devenir modérément expansionniste : ce serait bénéfique à l'expansion sans constituer un danger pour la maîtrise acquise du déficit. Une impulsion pourrait ainsi être donnée à la consommation des ménages et la demande interne relaierait enfin la reprise des exportations. C'est dans ces conditions que L'Allemagne pourrait renouer, après une année 1997 encore modeste (2,2 %), avec une expansion significative en 1998 (3,5 %). La croissance décrite pour la France (2,5 % cette année, 3,1 % l'an prochain) s'appuie sur l'hypothèse d'un changement de configuration monétaire et financière : la montée du dollar, passée et prévue, permettrait de conforter le regain des exportations, grâce au redressement du commerce mondial et aux gains de parts de marché. En même temps, les profits à l'exportation pourraient se redresser ; leur compression passée, pour limiter les pertes de compétitivité, pesait sur les salaires, les emplois, les investissements etc. Le rééquilibrage anticipé dans cette prévision modifierait les comportements. D'autant que la montée du dollar s'accompagne d'un rééquilibrage à l'intérieur même du SME. La détente des taux d'intérêt se maintiendrait et permettrait aussi que le contexte d'incertitudes soit en partie levé. La dynamique d'une reprise par l'extérieur pourrait ainsi se concrétiser : la fin des comportements restrictifs de dépenses des entreprises impliquerait l'arrêt du déstockage, la stabilisation des effectifs puis la reprise des embauches et enfin le redémarrage de l'investissement. Ainsi, la demande intérieure s'accélérerait : demande intérieure totale dès 1997 (du fait des stocks), demande intérieure finale en 1998 grâce à l'investissement. La politique économique reste contrainte par la satisfaction des critères de Maastricht : investissement et consommation des administrations sont limités et le seront d'autant plus si des risques de creusement du déficit apparaissent. L'investissement productif sera l'élément dynamique de la demande intérieure, tout particulièrement en 1998. Mais la consommation a peu de chance de s'intensifier car elle a été dopée en 1996 par les mesures de soutien à l'automobile : la baisse du taux d'épargne a déjà eu lieu. La croissance sera compatible avec un nouveau ralentissement de l'inflation (malgré la hausse du prix de l'énergie importée), une nouvelle extension de l'excédent commercial (grâce à l'industrie) et elle permettrait une inflexion à la baisse du chômage. Les créations d'emplois s'accentueraient progressivement et atteindraient en 1998 un rythme proche de celui de 1988-89, bien que la croissance du PIB soit plus faible : le ralentissement des gains de productivité, avec le développement du temps partiel, et le contrecoup des faibles créations d'emplois de 1994 dans l'industrie permettraient une reprise franche à court terme. Le revenu des ménages en sera peu affecté ; mais le chômage pourrait cesser de croître et même diminuer en 1998, sous l'hypothèse d'une neutralité de la politique de l'emploi. Enfin, les critères de Maastricht seraient respectés, les dépenses étant modérées (et, au besoin, gelées) et les recettes accrues si nécessaire.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais A window is being opened to free Europeans countries from the pitfall of deflation, in case of suitable economic policies. The recent recovery of the dollar should not be viewed as a speculative move, being prone to a prompt reversal. It is probably more due to favourable expectations of foreign investors concerning the American growth performances and the further sustainability of the external position. Would European and Japanese monetary authorities keep short term interest rates unchanged for a while, exchange rates corrections could be durably achieved. The dollar would then reach 1 ,9 DM and 130 yens by the end of 1997. Intra-European exchange rates normalisation means a more favourable background for European firms. In the recent past, strong currencies have bound them to carry out a price war and lower trading as well as investment outlays. Now, one can expect some improvement of export market shares and, above all, a recovery of production and investment triggered by more attractive prices. A support from European fiscal policies is needed to consolidate this environment, particularly by avoiding an undue tightening during the pre electoral period. Sustained by a world trade upsurge in 1997 and 1998, international growth will be more balanced within the OECD countries. American growth stays firm. The impact of massive investments on supply have reduced inflationary risks. Now, monetary authorities can afford to manage-expansion with no sharp downturn. Liquidity conditions have been shrinking since 1994 and require just a further marginal action from the Federal Reserve. American growth, still firm in 1997 (2,8 %) will softly land in the following year (2 %). Japan is taking advantage of the slump of the yen but the coming budgetary reorganization will cut households' income and weaken private demand. In this context, it is the responsability of the monetary policy, by the way of the exchange rate adjustment, to settle a more dynamic pace of expansion. Net exports contribution might be essential to allow an economic growth above 3 % in 1998. Until now, German growth has only been fed by an export rebound. Private consumption is impeded by the employment downward adjustment and the industrial restructuring. Profitability of firms is improving but investment plans will go up only if price competitiveness is insured. In 1997, social saving plans will heavily pressure households' income. If actual adjustment succeeds to match the Maastricht critérium, fiscal policy might alleviate the burden on households in 1998 and become slightly expansionary. Economic growth would be stronger and would consolidate the fiscal achievements. Consumption might get a fresh impetus and domestic demand could relay the export upturn. Posting a moderate pace in 1997 (2,2 %), German growth should be more vigorous in 1998 (3,5 %). The present forecast of French growth (2,5 % this year, 3,1 % next year) is highly dependant on a shift in the monetary and financial environment : the recent and future rise of the dollar would ensure more exports, through a world-trade pick-up and market shares gains. Export profit margin would also turn up ; they were cut to make up for the loss in competitiveness so thus lying heavy weight on wages, employment, investment, etc... The expected rebalancing of the dollar would all the more unfreeze spending behaviour that it would reinforce the present rebalancing among the EMS currencies. Persistent low interest rates would allow uncertainty to be partly lifted. An export-led recovery would then materialize : as firms move away from their restrictive stance, it would imply the end of destocking, the resumption of hiring and then the pick-up of investment. Thus, domestic demand would accelerate : as soon as 1997 for the total domestic demand thanks to stock building, in 1998 for the final domestic demand thanks to investment. Economic policy will remain poised to match the Maastricht criteria : public consumption and investment are subdued and will be all the more so if risks of a wider deficit emerge. Productive investment would be the dynamic component of domestic demand, especially in 1998. But consumption has little ground for expansion, for it has been stimulated in 1996 by car subsidies : the drop in the saving rate has already occurred. Growth would be compatible with a further slowdown of inflation (despite the rise of imported energy prices), a growing trade surplus (thanks to industry) and would enable the unemployment rate to be curbed down. Job creations would progressively accelerate and reproduce in 1998 their 1988-89 pace, despite a lower GDP growth : the development of part-time jobs and the consequences of weak job creations in 1994 in the manufacturing industry would allow a neat resumption in the short term. Private income would be only slightly affected, but unemployment would stop growing and would even shrink assuming a neutral labour policy. Finally, the Maastricht criteria would be fulfilled, expenditures being capped and revenues raised if necessary.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1997_num_61_1_1453