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Titre La carrière d'un "cadre de gauche" après 1968
Auteur Michel Villette
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro vol. 29, no. 1, 1979
Page 64-74
Résumé La carrière d'un cadre de gauche après 1968. Cet article étudie sur un cas limite le problème de la professionnalisation secondaire de jeunes qui se reconvertissent au métier de cadre moyen dans l'industrie après avoir reconnu l'impossibilité pour eux d'exercer des métiers libéraux ou universitaires plus conformes à leur vocation «d'intellectuel». L'analyse est centrée sur le cas d'un petit groupe de psychologues militants d'extrême-gauche en 1968 et devenus animateurs de formation dans une grande entreprise privée. La description de leur carrière et le commentaire détaillé d'une conversation à l'usine permettent de saisir, à la fois, les modalités subjectives de l'adaptation au métier, les techniques utilisées par la direction des relations humaines pour intégrer les nouveaux entrants et la contribution -sans doute involontaire- des jeunes «contestataires» au travail d'adaptation de l'encadrement au contexte politique de l'après mai 1968. Pour établir une continuité entre leur passé d'intellectuel et de militant et leur pratique professionnelle, les animateurs intègrent un vocabulaire et des thèmes politiques à leur idéologie professionnelle. L'embarras des autres membres de l'entreprise qui les classent tantôt comme «agents de la direction», tantôt comme «gauchistes» montre qu'ils contribuent objectivement à ambiguiser la situation. Or précisément, en cette période, la stratégie de la direction est orientée vers la dénégation des aspects «autoritaires» et «conservateurs» de l'encadrement et vers l'assimilation et la réinterprétation progressive des «idées de mai 1968». En affrontant avec passion les catégories les plus traditionnelles de l'encadrement subalterne, les animateurs sont sans doute les artisans les plus zélés de la politique de la direction générale. Pourtant, ils raisonnent en terme de «lutte des classes» et se disent «à l'avant-garde des forces populaires».
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais The Career of a Leftist Salaried Employee after 1968. Basing his article on the examination of an extreme case, the author studies the secondary professionalization of young people who turned to careers as lower-salaried staff in industry after having recognized that they would have found it impossible to enter the liberal professions or to obtain university posts, though these would have been more suited to their vocation of «intellectuals». The analysis is centred on the case of a small group of psycholo- gists who were militant members of the far left in 1968 and who subsequently found jobs as animateurs in various training programs of a large private company. The description of their career and the detailed commentary on a conversation held at the factory makes it possible to grasp, simultaneously, the subjective modes involved in their becoming adapted to their profession, the techniques utilized by the human relations executives to integrate the new arrivals, and the contribution that the young «rebels» make - no doubt unwillingly - to the work of modifying the adaptation of the other employees to the company structure, in a way that accords with the political context of the post-May 1968 period. In order to establish some continuity between their past as intellectuals and militants and their professional practice, the animateurs integrate a political vocabulary and political themes into their professional ideology. The perplexity of the other members of the firm, who sometimes label them as «agents of management» and sometimes as «leftists», shows that objectively, they contribute to making the situation more ambiguous. Now, in this period, managements strategy is oriented precisely toward masking the «authoritarian» and «conservative» aspects of the adaptation of employees to the firm and towards the assimilation and gradual reinterpretation of the «ideas of May 1968». In confronting, with passionate conviction, the most traditionally-minded of the people involved the insertion of minor employees, the animateurs are doubtless the most zealous artisans of the policy set by top management. And yet they reason in terms of «the class struggle» and call themselves part of «the avant-garde of the popular forces».
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1979_num_29_1_2649