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Titre Le mythe de la base
Auteur Charles Suaud
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro vol. 52, no. 1, 1984
Rubrique / Thématique
Le travail politique
Page 56-79
Résumé Le mythe de la «base». Contre la croyance selon laquelle une consultation populaire est un mouvement à sens unique qui part d'une base préexistante pour remonter vers des instances centralisées, l'observation des Etats Généraux du développement agricole (EGDA) lancés en mai 1982 à l'initiative du gouvernement socialiste, conduit à s'interroger sur la notion même de base dont on fait l'hypothèse qu'elle n'a pas d'existence autonome par rapport aux conditions sociales dans lesquelles la consultation se réalise. Les EGDA demandent à être décrits comme un double mouvement qui d'abord va de haut en bas, puis de bas en haut. Dans le mouvement descendant sont imposées des problématiques et des procédures de concertation qui, relayées par les organisations régionales, départementales et locales, toucheront un public d'agriculteurs sélectionnés suivant leur affinité avec le projet sous-tendant les EGDA et suivant leur rapport aux organisations chargées du développement agricole, objet même de la consultation. Dans le processus ascendant, la synthèse des contributions écrites des agriculteurs prend la forme d'un travail par lequel des groupes d'agents, situés à des niveaux de plus en plus haut dans la hiérarchie des organisations de développement, s'approprient puis reconstruisent la parole des paysans, dans le respect des conditions propres à produire l'illusion de la fidélité à l'expression de la «base». On pose ainsi la question plus générale de la critique des textes issus de concertations populaires qui, finalement, en disent plus long sur les appareils d'encadrement que sur ce que les individus consultés pensent et font réellement.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais The Myth of the «base». Contrary to the belief that a popular consultation is a one-way movement running from the expression of a pre-existing base of «grass-roots» opinion towards centralized agencies, observation of the Etats Generaux du developpement agricole (set up by the Socialist government in May 1982) leads one to question the very notion of the base : the hypothesis is put forward that this has no autonomous existence outside the social conditions in which the consultation takes place. The EGDA have to be described as a two-fold movement which goes first downwards and then upwards. In the downward phase, problematics and procedures for consultation are imposed ; these are passed down by the regional, departmental and local organizations and reach an audience of farmers selected in accordance with their affinity with the project underlying the EGDA and their relationship to the organizations responsible for agricultural development, which is precisely the subject of the consultation. The second phase, that of the upward movement of synthesis of the written contributions by the farmers, is then described. This may be analysed as a process in which groups of agents, at increasingly high levels in the hierarchy of development organizations, appropriate and then reconstruct the language of the peasants, while respecting the conditions producing the illusion of fidelity to the expression of «grass-roots opinion». This leads to the more general question of the evaluation of texts arising from popular consultations, which ultimately say more about the organizational structures than about what the individuals consulted really think and do.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1984_num_52_1_3332