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Titre La condition de félicité ? 1
Auteur Erving Goffman
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro vol. 64, no. 1, 1986
Page 63-78
Résumé La Condition de Félicité. Tout être humain normalement constitué (et socialisé) est capable de comprendre que «Arrête de changer de sujet !» est une réponse adéquate à «Qu'est-ce que tu as pensé du film hier soir ?» — en fait à n'importe quelle question. C'est que, derrière et au-delà des paroles, nous savons remonter vers ce qu'elles présupposent et impliquent. Mais là où l'esprit va le plus souvent sans effort (et même les erreurs et les incompréhensions sont encore une manifestation de cette capacité), l'analyse achoppe : puisque tout fragment de discours peut a priori présupposer et impliquer toutes choses au monde, comment découvrir les principes en vertu desquels telle énonciation se trouve en l'espèce suivie de telle autre mutuellement sentie ou non comme en étant la suite heureuse, au sens d'Austin. Point aveugle de tous les travaux sur les présuppositions, les implicatures, les conditions de félicité et autres maximes conversationnelles. La tâche est sans doute impossible. Mais peut-être peut-on énoncer au moins la Condition qui fait que chacun se sent tenu de faire de ses propres paroles une suite possible à celles d'autrui, ou bien de ne ménager aucun effort pour percevoir en quoi les paroles d'autrui sont une suite possible aux siennes propres — n'y renonçant que quand la folie, ultime sanction, est patente.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais The Condition of «Felicity». Every normally constituted (and socialized) human being is capable of understanding that «Stop changing the subject ! » can be an adequate answer to «What did you think of the film last night ?» — and indeed to any question. We are able to go behind and beyond the words to what they presuppose and imply. But where the mind generally moves effortlessly (and even errors and misunderstandings still demonstrate this principle), analysis stumbles. Since any speech fragment can a priori presuppose and imply anything in the world, how can one discover the principles whereby an utterance tends in fact to be followed by another which is mutually felt or not as being its «happy outcome», in Austin's sense ? This is the blind spot of all research on presuppositions, implications, conditions of felicity and other conversational maxims. The task is probably an impossible task. But one can at least state the Condition whereby each person feels required to make his own words a possible follow-up to other people's words, or to spare no effort to see other people's words as a possible follow-up to his own, giving up only when rnadness, the ultimate sanction, is patent.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_1986_num_64_1_2338