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Titre L'expérience soviétique en pays musulmans : les leçons du passé et l'Afghanistan
Auteur Chantai Lemercier-Quelquejay, Alexandre Bennigsen
Mir@bel Revue Politique étrangère
Numéro vol. 45, no. 4, 1980
Page 881-890
Résumé L'expérience soviétique en pays musulmans : les leçons du passé et l'Afghanistan par Alexandre Bennigsen et Chantal Lemercier-Quelquejay Les Soviétiques n'ont manifestement pas réussi à adapter à l'Afghanistan la stratégie qui avait si bien réussi en Asie centrale, auprès de populations peu différentes. L'ignorance des conditions réelles du pays, et, par suite, la sous-estimation de ses capacités de résistance sont la première explication des erreurs qu'ils ont commises en Afghanistan. En effet, ils ne sont pas parvenus à utiliser les rivalités ethniques et religieuses (risquant ainsi de provoquer l'explosion d'un véritable sentiment national afghan, né d'une résistance commune), ni à enrayer la symbiose entre la résistance urbaine et l'insurrection rurale par leur tactique d'isolement des villes. Les élites afghanes (notables pushtuns et intellectuels occidentalisés), tous les éléments modérés et libéraux susceptibles de constituer un soutien au régime actuel, scandalisés par la brutalité de la répression, ont rejoint la résistance ou ont émigré. Le clergé musulman est, lui aussi fortement hostile au nouveau régime. Il est paradoxal que l'armée, créée par les Soviétiques eux-mêmes et dont les cadres étaient acquis aux idées de la révolution marxiste ait été détruite et affectée à des tâches auxiliaires dès l'arrivée des Soviétiques. Ces derniers n'ont donc pas su (est-ce faute de temps ?) former des communistes afghans dignes de confiance, et, si les observateurs occidentaux insistent aujourd'hui sur la fin prochaine de la résistance afghane, l'on peut se demander si les Soviétiques, isolés, parviendront à assumer en totalité l'administration de ce pays, avec tout ce que cela comporte d'inconvénients majeurs.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais Soviet experience in Islamic countries: lessons from the past and the case of Afghanistan, by Alexandre Bennigsen and Chantal Lemercier-Quelquejay The Soviets have obviously not succeeded in adapting to Afghanistan the strategy which had worked so well in Central Asia among somewhat similar populations. The first explanation of the errors they have committed in Afghanistan are firstly ignorance of the real conditions of the country and secondly an under-estimation of its capacities for resisting. In fact, they have failed to take advantage of ethnical and religious rivalry (thereby risking to provoke an explosion of true Afghan national feeling, outcome of common resistance) and put a stop to the solidarity between urban resistance and rural uprisings, by their tactic of isolating towns. The Afghan elite (Pushtun leaders and Westernised intellectuals) and all moderate and liberal movements who could support the present regime, horrified by the brutal repression, have joined in the resistance or have emigrated. The Islamic clergy, also, is very hostile to the new regime. Paradoxally, the army created by the Soviets themselves and whose officers were won over to revolutionary Marxist doctrine, was destroyed and assigned to auxiliary tasks when the Soviets arrived. The latter therefore were unable to train trustworthy Afghan communists (perhaps through lack of time?) and if Western onlookers insist to-day on the end of Afghan resistance in the very near future, one can wonder whether the Soviets, in their isolation, will be capable of taking the full responsibility of that country, together with all the major inconveniences this entails.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/polit_0032-342x_1980_num_45_4_3005