Titre | Perspectives de l'économie française à l'horizon 1992 | |
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Auteur | Monique Fouet, Alain Fonteneau, Eric Bleuze | |
Revue |
Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) Titre à cette date : Observations et diagnostics économiques |
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Numéro | No 22, 1988 | |
Rubrique / Thématique | Perspectives et politiques à moyen et long terme |
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Page | 13-52 | |
Résumé | Les grandes lignes du scénario d'environnement international qui sous-tend cette projection sont les suivantes. Le prix du pétrole en dollar s'accroîtrait pour rejoindre son niveau d'équilibre à la fin de la décennie. La stratégie de rétablissement de la part du marché pétrolier mondial de ГОРЕР au détriment d'un niveau immédiatement élevé du prix continuerait en effet à être menée avec succès par l'Arabie Saoudite. En conséquence le prix du pétrole s'établirait à 31 dollars le baril en 1992, inférieur de 40 % en pouvoir d'achat à son point haut de 1982, mais la hausse serait de 12 % l'an de 1990 à 1992. Les Etats-Unis entreraient dès le courant de l'année 1988 dans une phase de récession. Celle-ci serait initiée, dans un contexte de politique monétaire modérément restrictive et de politique budgétaire neutre, par le comportement cyclique des éléments de la demande intérieure, que le redressement du commerce extérieur ne suffirait pas à compenser. La nécessaire restriction du budget fédéral qui interviendra à partir de 1989 rendrait plus lente qu'à l'accoutumée la phase de reprise qui s'amorcerait en 1990. La concurrence internationale sera donc acharnée sur un commerce mondial en progression lente. Bien que la dépréciation du dollar touche prochainement à sa fin, les produits américains resteront compétitifs, tandis que les exportateurs asiatiques chercheront des débouchés plus porteurs que le marché des Etats-Unis. Les pays européens seront donc soumis sur leurs propres marchés à de fortes pressions. Le contenu de la croissance française est conditionné par les hypothèses d'environnement international, mais peut-être encore plus par celles qui déterminent l'évolution du partage des revenus : si les mécanismes de formation des salaires sont comparables dans les six prochaines années à ceux qui ont prévalu au cours des années précédentes, en dépit des fluctuations de la politique à court-terme, le partage de la croissance sera à la fois défavorable aux salaires et à la consommation, et les profits serviront plus au désendettement des entreprises qu'à l'investissement. Au cours des années 1989-1992 la reprise de la demande étrangère, combinée à une quasi-stagnation du salaire réel, permettrait de dégager une contribution positive des échanges extérieurs à la croissance, alors que celle-ci a été fortement négative en 1986-1987. Certes le redressement des parts de marché ne compenseraient pas la forte dégradation observée ces dernières années, mais il permettrait au solde industriel de redevenir excédentaire en fin de période. La reprise de l'investissement amorcée dans l'industrie en 1984-1985, puis dans le secteur abrité depuis la fin de l'année 1985 se poursuivrait au cours des prochaines années. Elle résulterait surtout du niveau élevé des profits en 1987-1988, puis, à partir de 1989 d'un rythme de croissance du PIB (2,3 %) supérieur de 0, 7 point à celui observé depuis le second choc pétrolier (1,6 % de 1979 à 1986). De 1989 à 1992 la croissance de l'investissement productif atteindrait 5 % par an. Malgré une légère baisse du taux d'épargne la consommation des ménages croîtrait modérément (1,4 % par an de 1987 à 1992 en raison de la faible croissance du revenu disponible (1,1 % par an). La croissance française serait donc essentiellement tirée par les exportations et les investissements. Le taux de salaire nominal augmenterait au rythme de 3,8 % sur la période 1987-1992, ce qui, compte tenu d'une hausse annuelle des prix à la consommation de 3,5 %, conduirait à une quasi stabilité du salaire réel. L'amélioration des marges se prolongerait, ne se stabilisant qu'en fin de période du fait de la remontée du coût des consommations intermédiaires engendrée par la hausse des prix du pétrole. C'est d'ailleurs essentiellement les facteurs externes qui expliquent la remontée de l'inflation au début des années quatre-vingt-dix, la hausse des prix de production atteignant 3,8 % en 1991-1992, celle des prix de la consommation 4,8 %. Le ralentissement des gains de productivité constaté sur la période récente, en particulier dans le secteur tertiaire, aurait un caractère structurel. La productivité apparente du travail dans les branches marchandes progresserait donc à un rythme relativement modéré (1,8 % par an en moyenne sur la période 1988- 1992). Dans l'industrie la croissance serait toutefois nettement plus élevée (+ 3, 7 %). Comme la croissance serait plus rapide (+ 2,2 % de 1987 à 1992 contre + 1 % de 1980-1987), l'emploi des branches marchandes (hors agriculture et services financiers) recommencerait à croître (0,4 % par an). Cette amélioration de l'emploi est cependant fragile, elle serait entièrement annulée si la croissance de la productivité apparente du travail était de 2,2 % au lieu de 1,8 %. L'emploi total baisserait d'envi- ron 50 000 personnes en 1988, se stabiliserait en 1989 et augmenterait de 210 000 personnes entre 1989 et 1992. L'évolution du chômage à moyen terme est déterminée par trois facteurs : l'emploi total, la population active potentielle et la « politique de l'emploi » menée par les pouvoirs publics, qui vise à agir directement sur le marché du travail (pré-retraites, TUC, SIVP, mesures en faveur de l'emploi des jeunes, des chômeurs de longue durée, etc.). La croissance de la population active resterait soutenue à l'horizon de 1992 (+ 180 000 actifs potentiels en moyenne annuelle). Cette évolution serait toutefois modérée par le maintien d'une certaine « flexion des taux d'activité » due au « découragement » d'actifs potentiels en raison de la croissance du chômage. Enfin nous avons fait l'hypothèse que la dépense publique pour l'emploi serait augmentée de 2,5 milliards par an (francs 1987) permettant «d'éviter» 50 000 chômeurs de plus chaque année de 1989 à 1992. Dans ces conditions, le niveau du chômage atteindrait 3,2 millions à la fin de 1992, contre 3,5 millions si l'effort de politique d'emploi était simplement maintenu constant à son niveau de 1987. La faible croissance des revenus directs que comporte cette projection soulève, à moyen terme, deux difficultés majeures pour les finances publiques. D'une part elle engendre une croissance relativement faible de la TVA (+ 1,7 % par an en francs constants) ; d'autre part les cotisations sociales salariés et employeurs croissent nettement moins vite que le PIB (0,8 % contre 2,2 %), ce qui pose une délicat problème pour les finances sociales. Nous avons néanmoins admis que l'objectif du gouvernement actuel visant à atteindre l'équilibre budgétaire hors charges de la dette publique serait toujours privilégié. Pour atteindre cet objectif en 1990, deux conditions sont nécessaires : une progression des dépenses moins rapide que celle du PIB et l'arrêt de la politique de réduction des impôts directs menée de 1985 à 1988. L'évolution de l'économie française et les marges de manœ- vre de la politique économique sont étroitement dépendantes de l'environnement international. Afin d'illustrer ce point, nous avons construit un scénario dans lequel les hypothèses concernant l'environnement international sont plus favorables. Il apparaît alors une marge de manœuvre pour la politique économique, car le solde des paiements courants est largement excédentaire. Cet environnement plus favorable permet de desserrer la rigueur salariale et d'accroître les salaires de 2 % de plus par an, de 1989 à 1992. La croissance est alors plus portée par la consommation (qui augmente de 2 % au lieu de 1,4 %) et légèrement moins par les investissements. Les importations croissent plus fortement (4,8 % au lieu de 3,8 %). Le PIB marchand augmente de 2,4 % au lieu de 2,2 %, les pertes de compétitivité annulant une partie des effets favorables du meilleur environnement. La situation des entreprises s'améliore moins nettement. Par contre le déficit des administrations est plus faible. | |
Article en ligne | http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ofce_0751-6614_1988_num_22_1_1120 |