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Titre Violence sociale et ritualisation de la mort et du deuil en Colombie
Auteur Anne-Marie Losonczy
Mir@bel Revue Autrepart
Numéro no 26, 2003 Sociétés dans la guerre
Rubrique / Thématique
Sociétés dans la guerre
Page 187
Résumé Aujourd'hui, en Colombie, la violence en est arrivée au point de ne plus permettre d'identifier acteurs, raisons, circonstances: un état de guerre générale, de terreur, abolit tout repère éthique, politique, mais aussi territorial et identitaire, et impose à la société l'horizon de la mort violente. Tandis que beaucoup de familles ne peuvent faire le deuil de leurs proches, dont les corps ont été mutilés, dispersés, rendus anonymes, les cimetières urbains connaissent un investissement populaire et voient l'émergence de cultes rendus soit à des inconnus, sanctifiés, soit à des personnalités réputées parfois pour leur violence même, figures de recours pour un travail de deuil inaccompli. Les échanges entre morts et vivants sont particulièrement denses à Medellin, où les tombes des sicarios, jeunes tueurs à gages, assassins mais aussi victimes désignées, sont le lieu de rituels populaires de grande ampleur, débauches festives, occasion de narrations qui puisent dans une mémoire collective de la société coloniale créole, et manière pour les proches d'animer le défunt d'une personnalité neuve tandis que celui-ci leur offre le reflet anticipé de leur propre fin. Dans un contexte de violence absolue, socialisation, mémoire collective, deuil d'autrui et de soi s'articulent autour de la mort brutale comme valeur ultime.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Today in Colombia, there is so much violence that it is impossible to identify participants, reasons or circumstances: there is a state of total war and of terror which has wiped out all indications of morality, of political adherence, of territory, of identity and which makes violent death a permanent part of daily life. With so many bodies mutilated and dismembered to render them unidentifiable, many families are unable to mourn their lost relatives. At the same time, a new phenomenon is emerging in city cemeteries: through the holding of services for unknown corpses elected to sainthood or for personalities famous for their violence, people are able to find a mourning closure. These ceremonies linking the dead and the living have become particularly predominant in Medellin. Here the tombs of the sicarios, young killers (assassins designated to be the next victims), have become the focus for huge popular rituals, festive debaucheries during which stories from the collective past of the Creole colonial population are told and new identities are created for the dead by their nearest, aware that they may soon die in a similar way. In a context of total violence, socialisation, collective memory, mourning for others and for oneself have become inexorably linked to violent death as the ultimate and unique certainty.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=AUTR_026_0187