Contenu du sommaire : Sociétés dans la guerre

Revue Autrepart Mir@bel
Numéro no 26, 2003
Titre du numéro Sociétés dans la guerre
Texte intégral en ligne Accessible sur l'internet
  • Sociétés dans la guerre

    - Éditeur scientifique : Yves Goudineau
    • La non-actualité de la guerre - Yves Goudineau p. 7 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'irruption des guerres, annoncées de longue date ou soudaines, leur déroulement, l'explication des causes, le compte des forces en présence, leurs conclusions, définitives ou provisoires, font l'objet de déclarations, d'enquêtes, d'analyses médiatisées. Puis, plus ou moins vite, laissant la place à d'autres, elles disparaissent de l'actualité du monde, semblent se refermer sur un espace et un temps propres, et sont laissées aux recherches des historiens. Pourtant, la fin d'un conflit, guerre internationale ou guerre civile, pour peu qu'elle puisse être clairement établie, amène rarement le retour à un ordre antérieur. Le plus souvent, les situations de guerre, ou du moins leurs effets, se pérennisent : prolongements de la violence sous d'autres formes, mouvements de population, recompositions sociales, constructions identitaires nouvelles, mutations culturelles... Quand même la guerre n'est plus actuelle au regard d'un certain ordre international, les sociétés continuent de la vivre dans leur être social, dans leurs corps, dans leur mémoire.
      War and its aftermath
      The outbreak of war (whether expected or sudden), the way it is carried out, the reasons for its development, the strength of opposing forces, its outcome (whether final or temporary): war has been analysed and researched from every viewpoint possible. Once over, war disappears from the headlines, at varying degrees of rapidity, and makes way for the next conflict, relegated into a time and space capsule and left for historians to study. And yet, the end of an international war or a civil rebellion – in as far as such a distinction can be made – rarely results in a return to the status quo. In most cases, the aftermath of war tends to create a new, more long-lasting situation: continued violence in other forms, population movements, social recomposition, construction of new identities, cultural change... Even when war is no longer a pressing issue on the international scene, war-induced conditions remain an essential element of daily life for the country and its inhabitants, leaving indelible scars on social development and on individual memories.
    • Dette de paix, parole de guerre en Mélanésie (Maré, îles Loyauté, Nouvelle-Calédonie) - Charles Illouz p. 17 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'organisation sociale et territoriale des chefferies de Maré est historiquement établie sur des alliances militaires. L'île fut longtemps secouée par des guerres acharnées qui aboutirent au renversement des anciennes chefferies vers le début du XIXe siècle. Elles se poursuivirent dans le contexte colonial d'évangélisation jusqu'au tout début du XXe siècle. Les conditions sociales d'une telle inclination guerrière sont créées par la muette reconnaissance d'une dette qui unit, au cœur de la parenté, un cadet obligé à son aîné. La paix dure tant que la dette n'est pas contestée. « La tenue en respect » des cadets relève alors de magies meurtrières que des dignitaires, seuls qualifiés ce faisant pour prendre la parole, maîtrisent. La guerre donne alors l'occasion aux cadets valeureux et méprisant la mort d'accéder au statut de « grand guerrier ». Libérés de la foi inquiète qui réduit un cadet au silence, ils récusent la dette qui pèse sur eux, pour jouir à leur tour d'une parole souveraine.
      In Maré, social and territorial organisation of local chiefdoms is based on military alliances. After a long period of terrible wars, the ancient chiefdoms were overthrown at the beginning of the 19th century but war continued throughout the period of colonial evangelisation until the early 20th century. The social conditions generated by perpetual warmongering led to the emergence of a tacit debt which places the young men in a position of subservience to older men of the family. As long as the debt is not challenged, peace will be upheld. To ensure that the debt is respected by the next generation, the older men take advantage of their “right to speak” and have recourse to violent magic. War, however, offers the youths an opportunity not only to demonstrate their valour in the face of death but also to attain the status of “great warrior”. Freed from the fear which reduces them to silence, young men cancel the debt which cripples their lives and at last obtain the right to speak.
    • La guerre coloniale du Bani-Volta, 1915-1916 (Burkina-Faso, Mali) - Patrick Royer p. 35 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      En 1915, les habitants d'une vaste région, qui s'étend du fleuve Bani (Mali) à la boucle de la Volta (Burkina-Faso), déclarèrent la guerre au pouvoir colonial et s'engagèrent à ne déposer les armes qu'après le départ définitif des Européens. Malgré une disparité militaire apparemment insurmontable, les chefs de guerre promettaient la victoire en recourant à des arguments de différents ordres, parmi lesquels la protection de puissances tutélaires et l'allègement de la présence coloniale dès le début de la première guerre mondiale. Depuis la conquête de la région, presque vingt ans auparavant, la population avait adopté une attitude de consentement apparent qui n'était qu'une réponse temporaire à une nouvelle donne politique. Bien qu'inévitablement influencés par la vision coloniale, les chefs de guerre s'appuyaient sur une stratégie de réactivation d'alliances précoloniales. La tradition orale relate une guerre entre deux adversaires indépendants et non une rébellion contre une autorité suprême, une vue d'ailleurs partagée par quelques administrateurs coloniaux de l'époque. Les interprétations divergentes des belligérants sur la nature du conflit posent le problème de la guerre coloniale qui a pour postulat un rapport d'inégalité nié par les combattants anticoloniaux.
      In 1915, the inhabitants of the vast region stretching from the Bani river (Mali) to the Volta river (Burkina-Faso) declared war on the colonial administration and vowed never to surrender arms until the last European had left the country. From the beginning of the First World War, the war-chiefs promised victory, despite the obvious military disadvantage, and called, inter alia, for protectorates guaranteed by the Great Powers and for a lighter colonial regime. During the twenty years since the region had been conquered, the population had adopted a policy of apparent acceptance which in fact was merely a temporary response to a new political situation. Although obviously influenced by colonial tradition, the war chiefs decided on a strategy of reviving pre-colonial alliances. Oral tradition tells of a war between two equal and independent adversaries, rather than of a rebellion against a superior authority: a view shared by several contemporary colonial administrators. The belligerents' inability to agree on – and indeed the anti-colonial forces' denial of – the unequal nature of the conflict renders the task of interpreting colonial war all the more difficult.
    • Soudan et Somalie : de la fabrication ethnique par la guerre - Marc-Antoine Pérouse de Montclos p. 53 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La guerre tend à précipiter les différenciations ethniques dans le sang. Elle conjugue deux phénomènes le regroupement dans des enclaves militaires ou des camps de déplacés, d'une part, et la dispersion à l'étranger ou, à tout le moins, hors du terroir natal, d'autre part. Du Soudan à la Somalie, les deux cas d'étude retenus le montrent bien. Au Soudan, un pouvoir autoritaire a tenté de diviser pour mieux régner et mater la rébellion du Sud, attisant les dissensions internes aux guérillas. En Somalie, l'effondrement de l'État a vu l'aide humanitaire prendre le relais. Tandis que les identités claniques se forgeaient au scalpel, les procédures d'attribution du statut de réfugié ont contribué à préciser les sentiments d'appartenance à des « minorités vulnérables ».
      War – with its bloodshed – tends to accentuate ethnic distinctions. We see the development of two situations: regrouping of population in military enclaves or refugee camps on the one hand, and exodus abroad or, at the very least, outside the native lands on the other. Case studies carried out in the Sudan and Somalia illustrate these responses to war. In the Sudan, an authoritarian regime attempted to divide and conquer in order to crush the Southern rebellion, by stimulating internal dissensions among the guerrilla forces. In Somalia, the government's collapse led to the intervention of humanitarian agencies. Whereas tribal identities used to be defined with great precision, the procedures for attributing refugee status have tended to encourage refugees to claim links with clans among the “vulnerable minorities”.
    • Identification dans l'exil. Les réfugiés du camp de Maheba (Zambie) - Michel Agier p. 73 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les guerres génèrent les espaces aménagés qui leur conviennent: camps, refuges humanitaires, centres de transit, zones de sécurité. Ce sont des ébauches d'agglomérations, parfois de villes, toujours maintenues dans l'inachèvement, mais installées souvent dans la longue durée. Parallèlement, la priorité au « retour » des réfugiés, comme droit, ou à leur renvoi « chez eux », comme obligation, est présentée comme seule solution à long terme pour la réintégration des réfugiés. La mise en débat de la conception originelle de l'identité, sous-jacente à toutes ces prises de position, part du cas des réfugiés angolais sur un site du HCR en Zambie. Comprendre l'incertitude et la disparité des réponses des réfugiés face au retour après l'accord de paix d'avril 2002 en Angola, nécessite une enquête sur l'identification dans les espaces de l'exil. Celle-ci fait apparaître l'existence d'un ordre social dans les camps, ordre dont la formation dépend tout à la fois de l'état de guerre, de l'action humanitaire, et des relations sociales qui se nouent entre tous les acteurs en présence sur cet espace confiné mais ancien et vivant.
      During wars, spaces are created to deal with new situations: camps, humanitarian refugee centres, transit centres, security zones. Created as temporary way stations, they gradually evolve from vague groups of housing into quasi-towns, gradually taking on a more permanent existence. At the same time, refugee centres are required to “respect the right” of refugees to return home, or “fulfil their obligation” to send them back. These are presented as the only long-term solution for the reintegration of refugees. This article questions the original concept of identity, which underlies such policy positions, drawing on a study of an HCR site for Angolan refugees in Zambia. In response to the opportunity to return home following signature of the Angola peace treaty in April 2002, refugees reacted in a number of different ways and expressed a range of concerns which need to be taken into account. This article analyses their identification with a temporary home in exile and war-generated social structures, by the presence of humanitarian aid, and by social relationships developed in the camps – a living space, with a past, in spite of its inherent limitations.
    • De la lutte armée à la nation palestinienne. Vers une relecture des rapports entre l'OLP et les réfugiés - Jalal Al Husseini, Mohamed Kamel Doraï p. 91 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      La question des réfugiés palestiniens se trouve au cœur du conflit israélo-arabe depuis plus de cinquante ans. Les guerres qui ont déchiré le Moyen-Orient dans la seconde moitié du XXe siècle, puis la lutte armée développée par la Résistance palestinienne à la fin des années soixante ont exercé une influence déterminante sur la structuration du mouvement national palestinien, et entraîné une redéfinition profonde de la société palestinienne. Face à la persistance du conflit, les camps de réfugiés deviennent des espaces mémoires, supports symboliques de la Palestine perdue. En 1969, l'Organisation de libération de la Palestine prend en main les camps de réfugiés du Liban. La figure des fedayin se substitue alors progressivement à celle des réfugiés tributaires de l'assistance internationale, et tente, à travers son emprise croissante sur les camps, de formuler un projet de société fondé sur la prise en main par les Palestiniens de leur destin.
      The question of Palestinian refugees has been at the heart of the Israeli-Arab conflict for more than 50 years. The wars which have torn the Middle East during the second half of the 20th century and the armed struggle of the Palestinian resistance at the end of the 1960s have had a strong influence on the structure of the Palestinian national movement leading to an important redefinition of Palestinian society. With no end in sight for the conflict, refugee camps take on new significance as memorials for the loss of Palestine. In 1969, the Palestine Liberation Organisation took over the running of Lebanese refugee camps. Since then, the image of the refugee surviving thanks to international aid has gradually been replaced by that of the fedayin. Thanks to their growing importance in the camps, the fedayin have created a concept of society based on the Palestinians' desire to control their destiny.
    • Imidugudu et aide humanitaire : l'influence incertaine des ONGau Rwanda après la guerre - Emery Brusset p. 107 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      L'impact social des organismes d'aide humanitaire dans une situation de sortie de crise est de renforcer, d'accélérer, de distancer. Au Rwanda, entre 1995 et 1999, cela s'est traduit par une insertion dans les structures et les clivages du pays, en les perpétuant, et sans les affecter de façon fondamentale. Les structures de concertation et de copilotage se sont surtout constituées en opposition à la pratique des collines et sont restées éphémères. Les clivages sociaux ont été prolongés, plus que changés, car les structures de distribution du pouvoir n'ont pas été remises en cause. À partir d'une politique nationale de villagisation assez artificielle, faisant coïncider humanitarisme et développement, les ONG ont promu des projets qui n'ont ni pu en atténuer les possibles effets nocifs (violations des libertés, perte de viabilité économique), ni pu en assurer le succès à long terme.
      Once a crisis is over, the social impact of humanitarian aid agencies tends to encourage reinforcement, acceleration and distance. Between 1995 and 1999, the presence of NGOs influenced, and even exacerbated, problems and divisions in Rwandan political structures without achieving any real improvements. In particular, procedures for consultation and for joint leadership of the nation were established without reference to prior practices in the hill country and have had little impact. The social fissures have endured, rather than evolved, because the existing power structures have not been called into question. In line with the national policy of villagisation, which combines humanitarian principles and development priorities, NGOs have promoted projects which were unable to attenuate potential negative effects (violation of human rights, loss of economic feasibility), nor guarantee long term success.
    • La maladie chronique, manifestation d'un mode de vie dans la guerre - Yara Makdessi-Raynaud p. 123 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Durant les périodes de guerre endémique, l'état de santé des populations tend progressivement à se dégrader. L'article traite un aspect précis de l'état de santé, à savoir le développement des maladies de type chronique et leur lien avec l'état de guerre. L'analyse porte sur la ville de Beyrouth qui a connu une décennie et demie de violences entre 1975 et 1990. Une augmentation des différentes maladies chroniques durant la seconde moitié de la guerre (1983-1992) est constatée dans toutes les générations, et des correspondances se dessinent entre cette évolution et les événements de la guerre. Les discours des personnes rencontrées sur le terrain décrivent la maladie comme une réponse à la situation de violences et de crise sociale et économique. Une réflexion sur la maladie dans la guerre est ici engagée avec pour axes directeurs le vécu dans la guerre et ses effets sur l'individu, et la signification de la maladie chronique dans ce contexte particulier.
      During periods of endemic war, a nation's health tends to deteriorate gradually. This article discusses a specific aspect of public health: the development of chronic illnesses and their link with the state of war, based on a study of war-torn Beirut between 1975 and 1990. During the second half of the war (1983-1992), there was a marked increase in the instance of various chronic illnesses in all age groups and this can be linked to events during the war. Reports from people working in the field describe illness as a response to violence and to social and economic crisis. Illness in war can be examined using various approaches, including an analysis of daily life in a war-torn environment, the impact of war on the individual, and the significance of chronic illness in extreme circumstances.
    • Drogues et conflits : éléments pour une modélisation - Alain Labrousse p. 141 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Les relations entre drogues et conflits ont leur racine dans l'histoire. Mais c'est durant la guerre froide qu'elles prennent une acuité particulière. Après la chute du mur de Berlin, elles se démocratisent et se retrouvent dans la plupart des conflits locaux, ce qui permet de les modéliser. La spécificité de ces relations repose sur des modalités propres au trafic de drogue, en particulier « l'escalade des profits » qui permet aux groupes armés de se greffer au niveau d'articulation des différentes étapes de la production, de la transformation des drogues ainsi qu'à celui du franchissements des différents obstacles sur les routes qui mènent des zones de production aux marchés de consommation. Les exemples de la guérilla colombienne et des talibans afghans ou d'autres suggèrent que lorsque des groupes qui se battent dans les zones de production utilisent l'alibi de la défense des producteurs pour s'insérer dans le système des drogues, ils interviennent en général au niveau du trafic au risque de se criminaliser. Risque auquel n'échappent pas non plus les forces de répression.
      The relationship between drugs and war is well established throughout history, but its importance became particularly significant during the Cold War. Since the fall of the Berlin Wall, drugs have become more popular and have increasingly influenced wars in localised areas. Because of this development, it is now possible to modelise this relationship. Its specificity arises from the modalities of drug trafficking, and in particular the “upward profit spiral” whereby armed groups become involved at every level of the drug industry cycle, whether at the drug refinement phase or by removing obstacles along drug supply routes between production areas and consumer markets. A study of conflicts involving Colombian guerrillas, the Afghan Taliban and other insurgents suggests that armed groups in production areas take advantage of their ability to defend drug producers to move into the drug distribution system and that they tend to become involved in drug trafficking rather than farming. In so doing, they run the risk of becoming as “mere” criminals, a fate they share with the forces of law and order.
    • Coca et violence : le témoignage du Alto Huallaga au Pérou - Franco Valencia Chamba, Jorge Rios Alvadero, Jean-François Tourrand, M. G. Piketty p. 157 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Après la Colombie et avant la Bolivie, le piémont andin péruvien a été façonné par l'alliance entre le narcotrafic et le terrorisme. L'histoire du Alto Huallaga montre comment l'agriculture familiale a basculé à la fin des années soixante-dix dans une production massive de coca, et comment s'est constituée une filière organisant les migrations de paysans depuis la Sierra et de la Costa vers l'Amazonie, pour y être planteurs de coca, et exportant vers le premier monde le produit fini. Cela fut aussi favorisé par la transformation de la guérilla du Sentier lumineux en mouvement terroriste à la solde du narcotrafic et par la forte implication dans le système mafieux de leaders politiques comme du système bancaire national et international. Puis, dans les années quatre-vingt-dix, l'État s'est lancé dans une guerre impitoyable contre le narcotrafic, détruisant plus de 80 % des surfaces de coca. La violence des affrontements a été telle qu'aujourd'hui chaque famille compte des morts, tandis que l'espace est en grande partie déforesté et les terres très dégradées. Pourtant, rien n'est joué, et d'autres cultures illicites ne demandent qu'à remplacer la coca, utilisant des filières similaires.
      After Colombia and before Bolivia, the Andean foothills in Peru have been taken over by an alliance of drug traffickers and terrorists. The situation in Alto Huallaga since the late 1970s demonstrates the way that family farms moved into mass production of coca and the creation of a network bringing farmers from the Sierra and the Costa to the Amazon region to plant coca and exporting the final product to developed countries. This was made possible by the metamorphosis of the Shining Path guerrilla army into a terrorist movement in the pay of drug traffickers and by the heavy involvement of politicians and national and international banking systems in the local mafia. Then in the 1990s, the State launched a tough war against the drug trade, destroying more than 80% of coca plantations. The violent nature of this war left every family mourning its lost ones. At the same time, most of Alto Huallaga's natural forests were destroyed and the land devastated. All is not solved, however, as similar networks are ready to take over with new illicit plantations.
    • De la "guerre contre le crime" au Brésil : culture autoritaire et politiques publiques de la sécurité - Jean-François Deluchey p. 173 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Au Brésil, l'exercice de la sécurité publique est souvent présenté comme une « guerre contre le crime ». Cet article postule que cette expression n'est pas la simple transcription imagée de l'usage de la force publique dans la lutte contre la criminalité. Trois questions principales sont abordées la « guerre contre le crime » est-elle réellement une guerre ? Illustre-t-elle une guerre sociale opposant riches et pauvres, ou est-elle une guerre civile larvée ? Nous verrons qu'en réalité, le concept de guerre contre le crime trouve son origine dans une « militarisation idéologique » des forces policières brésiliennes héritée du régime militaire qui dura de 1964 à 1985 et s'étend à l'ensemble des rapports sociaux au Brésil. Fortement instrumentalisé, ce concept doit être associé à la persistance d'un « autoritarisme socialement implanté » au sein de la société brésilienne, et constitue l'un des principaux outils conceptuels de la préservation d'un ordre social fortement discriminatoire au Brésil.
      In Brazil, public law and order is often presented as a “war against crime”. This article suggests that this concept is not simply a question of promoting the police and armed forces in their struggle against criminals. Three major issues are addressed: is the “war against crime” really a war? Does it presuppose a social conflict between rich and poor? Or is it the precursor of civil war? Our research shows that it is, in fact, the “ideological militarization” of the Brazilian police forces developed under the military regime between 1964 and 1985 which gives birth to this concept of war against crime and which now encompasses all social relationships in Brazil. Strongly instrumentalised, this concept is linked to the continued existence of “socially implanted authoritarianism” at the heart of Brazilian society and constitutes one of the principal tools for maintaining Brazil's heavily discriminatory social order.
    • Violence sociale et ritualisation de la mort et du deuil en Colombie - Anne-Marie Losonczy p. 187 accès libre avec résumé avec résumé en anglais
      Aujourd'hui, en Colombie, la violence en est arrivée au point de ne plus permettre d'identifier acteurs, raisons, circonstances: un état de guerre générale, de terreur, abolit tout repère éthique, politique, mais aussi territorial et identitaire, et impose à la société l'horizon de la mort violente. Tandis que beaucoup de familles ne peuvent faire le deuil de leurs proches, dont les corps ont été mutilés, dispersés, rendus anonymes, les cimetières urbains connaissent un investissement populaire et voient l'émergence de cultes rendus soit à des inconnus, sanctifiés, soit à des personnalités réputées parfois pour leur violence même, figures de recours pour un travail de deuil inaccompli. Les échanges entre morts et vivants sont particulièrement denses à Medellin, où les tombes des sicarios, jeunes tueurs à gages, assassins mais aussi victimes désignées, sont le lieu de rituels populaires de grande ampleur, débauches festives, occasion de narrations qui puisent dans une mémoire collective de la société coloniale créole, et manière pour les proches d'animer le défunt d'une personnalité neuve tandis que celui-ci leur offre le reflet anticipé de leur propre fin. Dans un contexte de violence absolue, socialisation, mémoire collective, deuil d'autrui et de soi s'articulent autour de la mort brutale comme valeur ultime.
      Today in Colombia, there is so much violence that it is impossible to identify participants, reasons or circumstances: there is a state of total war and of terror which has wiped out all indications of morality, of political adherence, of territory, of identity and which makes violent death a permanent part of daily life. With so many bodies mutilated and dismembered to render them unidentifiable, many families are unable to mourn their lost relatives. At the same time, a new phenomenon is emerging in city cemeteries: through the holding of services for unknown corpses elected to sainthood or for personalities famous for their violence, people are able to find a mourning closure. These ceremonies linking the dead and the living have become particularly predominant in Medellin. Here the tombs of the sicarios, young killers (assassins designated to be the next victims), have become the focus for huge popular rituals, festive debaucheries during which stories from the collective past of the Creole colonial population are told and new identities are created for the dead by their nearest, aware that they may soon die in a similar way. In a context of total violence, socialisation, collective memory, mourning for others and for oneself have become inexorably linked to violent death as the ultimate and unique certainty.
  • Notes de lecture

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