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Titre L'adaptation des hommes : la fonction publique dans les pays occidentaux
Auteur François Meyers
Mir@bel Revue Revue d'études comparatives Est-Ouest
Numéro Vol. 6, 3, 1975
Rubrique / Thématique
La recherche administrative en Europe. Colloque international du C.N.R.S. organisé les 15-17 novembre 1973 par le Service de Recherches Juridiques Comparatives du C.N.R.S
 L'adaptation des hommes
Page 245-261
Résumé Le rapporteur s'est permis de déborder le cadre des informations recueillies ? lesquelles reproduisent généralement les dispositions réglementaires, sans examiner leur application effective ? pour avancer une série d'hypothèses sur des dysfunctions possibles et leurs causes probables. Le véritable travail scientifique doit donc encore commencer. La fonction publique est régie dans la plupart des pays de l'Europe de l'Ouest, par le système de la carrière. Les pays Scandinaves et les Pays-Bas ont adopté plutôt le système des « positions ». En fait, on constate partout une interpénétration plus ou moins prononcée des deux systèmes. On peut supposer que, dans un système de carrière, les procédés de sélection et de licenciement fonctionnent mal à cause : ? de la stabilité de l'emploi et des affectations ; ? du principe de la nomination à des grades et non à des fonctions bien déterminées ; ? de l'absence de définition précise des fonctions ; ? de l'état d'esprit des fonctionnaires travaillant dans ces conditions. Des défauts semblables doivent apparaître aussi dans de grandes administrations qui auraient, en principe, adopté le système des positions. Dans les cas où la sélection exerce une réelle fonction discriminante, il reste à vérifier si elle conduit vraiment à la désignation du candidat le plus apte par rapport aux fonctions à exercer. Est-elle à l'abri de l'influence politique ou syndicale, n'avantage-t-elle pas trop les candidats qui ont un comportement traditionnel ; les épreuves concordent-elles avec le profil des fonctions ? En tout cas, dans la plupart des pays, le régime juridique de la fonction publique ne permet guère de corriger ou d'adapter le système de sélection rapidement, au gré de l'expérience ou des circonstances. En matière de formation et de perfectionnement, il ressort de l'ensemble des réponses reçues que plus nulle part on ne considère que l'intelligence, la culture et quelques techniques apprises sur le tas suffisent à l'exercice efficace des fonctions publiques, même les moins spécialisées. La formation antérieure à l'entrée en fonctions, à l'origine de la carrière ou pendant les premières années de celle-ci, se développe dans tous les pays. Là où cette formation était au départ essentiellement juridique, elle porte maintenant de plus en plus sur des matières financières, économiques et sociales, sur les procédés scientifiques et techniques de gestion et sur les aspects psycho-sociaux des organisations. Là où le droit était plutôt négligé ? en Grande-Bretagne par exemple ? on commence à l'introduire dans les programmes de formation initiale. Cette « technicisation » des fonctionnaires généralistes s'accompagne de l'introduction d'un nombre sans cesse accru de spécialistes de tous ordres (ingénieurs, médecins, statisticiens, informaticiens, analystes, etc.). Cette tendance indique que les fonctions publiques se diversifient de plus en plus mais que la spécialisation devient telle que des tâches toujours plus nombreuses doivent tout de même être confiées à des titulaires spécifiquement recrutés ou sélectionnés à cet effet. La politique de perfectionnement en cours de carrière peut ainsi prendre plusieurs orientations selon les options retenues au niveau de la politique générale du personnel. Les activités actuelles de perfectionnement se présentent comme une gamme de possibilités, comportant parfois même des paris sur l'avenir, qu'il importe encore de valoriser par une politique d'ensemble plus cohérente. Ceci explique en partie pourquoi aucun des pays interrogés n'a établi un lien contraignant ou même étroit entre le perfectionnement et les promotions dans la carrière. Pour les niveaux supérieurs, nous remarquons depuis quelques années, dans plusieurs pays, l'expansion de la formation au management, dans le but de mieux préparer les fonctionnaires aux tâches de direction. Ces cycles, souvent résidentiels, visent certes un complément de connaissances (techniques modernes de gestion, environnement politique, social et économique) mais tendent aussi à développer des capacités concrètes (conduite des hommes, conduite de réunions, travaux d'équipe, techniques de communication, approche de problèmes complexes) et ambitionnent parfois de faire évoluer les attitudes (par exemple à réduire la résistance au changement). Une toute autre finalité préside aux opérations de recyclage et de reconversion, nécessitées par les progrès scientifiques et techniques. D'un tout autre ordre encore sont les initiatives de perfectionnement qui accompagnent la politique de promotion sociale. Ici, l'épanouissement de l'homme prend le pas sur l'intérêt immédiat du service. Une telle politique est poursuivie dans la plupart des pays ; elle s'applique au secteur public comme au secteur privé. Il reste à l'administration de la fonction publique à veiller à harmoniser au mieux cette forme de perfectionnement personnel avec ses propres objectifs de perfectionnement et avec les disponibilités en temps dont disposent les agents pour suivre l'un et/ou l'autre de ces enseignements. De toutes façons, des enquêtes plus fouillées s'imposent, notamment sur les programmes et leur efficacité, sur les motivations des fonctionnaires, sur les corrections à apporter au système de la carrière pour favoriser le perfectionnement dans des spécialités non durables et sur la part du temps qui doit économiquement être consacré au perfectionnement plutôt qu'au travail.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais Man's Adaptation : Civil Service in Western Countries. The reporter goes beyond the framework of collected data (which usually reproduce reglementary measures without examining their effectiveness) to postulate on possible dysfunctions and their probable causes. The real scientific work is therefore still to begin. In the majority of the Western European countries, civil service is part of the career system. The Scandinavian countries and the Netherlands have preferred a system of "positions". In fact, there seems to be a general inter-penetration of the two systems. In the career system, the selection and dismissal processes supposedly function poorly because of: ? the stability of employment and appointments; ? the principle of nomination to a grade and not to a specific task; ? the absence of a precise definition of the functions; ? the appraisal of civil servants working under these conditions. Similar flaws also appear in the workings of large administrations where the principle of the "position" system has been adopted. In the case where selection is discriminatory, it still remains to be proved whether it really singles out the candidate the most capable of carrying out the designated functions. Is such selection free from political or trade union influence? Are not the candidates with traditional backgrounds at an advantage? Do criteria for choice correspond to the job profile? In most countries, civil service regulations are hardly geared to modify or adapt the hiring system to the required circumstances. With regards to training, the sum of the responses received indicates that nowhere is a smattering of culture, intelligence or technical knowledge "acquired on the job", considered sufficient for capable handling of public functions, not even the most unqualified. Training prior to employment or during the first years of the career is being developed in all countries. In cases where training was primarily along legal lines, it is now more oriented toward financial, economic and social questions ? scientific and technical management, and the psycho-sociological aspects of organization. Where Law was somewhat neglected, as in Great Britain for example, it is being introduced into initial training programs. Such "technicisation" of general civil service posts has fostered an ever increasing number of specialists of all kinds (engineers, doctors, statisticians, etc.). This tendency indicates that civil service is more and more diversified and that, in spite of broader general training, specialization is such that more and more jobs must be filled by specialized incumbents, specifically recruited. The policy of perfection on the job can also follow different orientations according to the options at the general personnel policy level. Present day training programs offer a wide spectrum of possibilities and in some cases wager on the future to such an extent that it is necessary to valorize them according to a more coherent policy. This, in part, explains why none of the countries investigated has established a compulsory link between special training and promotions. In several countries over the past years, training in management has been extended at the top levels to prepare future directors. These cycles often linked with residence in a given place aim at broadening knowledge of modern management techniques, political, social and economic conditions, etc; but they also aim at developing concrete capacities such as leading men, chairing meetings, participating in teamwork or solving complex problems. They are sometimes directed at inciting attitude changes, for example, reducing resistance to change. A totally different end is in view with regard to recycling and reconversion made necessary by technical and scientific progress. Training initiatives aimed at social promotion are also of another order. Here, man's development comes before the immediate interests of service. Such policy is encouraged in most countries in the public as well as the private sector. It is up to the administration to harmonize this form of personal development with its own requirements for technical training in function of the free time available for both. In all events a more elaborated type of research is necessary to assess programs, their efficiency, civil servants' motivations, modifications in the career system and how much time can feasibly be devoted to training.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/receo_0338-0599_1975_num_6_3_1991