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Titre Les usages militants de la mémoire dissidente en Russie post-soviétique
Auteur Françoise Daucé
Mir@bel Revue Revue d'études comparatives Est-Ouest
Numéro vol 37, no 3, septembre 2006 "Mémoire à l'Est"
Rubrique / Thématique
"Mémoire à l'Est"
Page 43
Résumé Dans la Russie du début des années 1990, les militants des associations de défense des droits de l'homme, nouvellement créées, ont mobilisé leur mémoire du communisme pour orienter leur action post-soviétique. Cette mémoire a généralement été travaillée par le prisme de la dissidence. D'une part, les militants ont gardé le souvenir des répressions, des crimes de l'État communiste et de l'atomisation de la société. De l'autre, ils ont maintenu des amitiés fortes et des relations de connivence nouées dans les réseaux de la clandestinité. Aujourd'hui, les militants associatifs disposent donc d'un double héritage mémoriel. Si l'on se place du point de vue de l'historien, cet héritage relève de deux interprétations antagonistes de l'histoire soviétique : l'une totalitaire, l'autre révisionniste. Cette double mémoire n'est pas anodine car elle contribue à la complexité des pratiques associatives post-soviétiques. En effet, depuis la chute de l'URSS, les associations de défense des droits de l'homme mobilisent le passé pour justifier leur place dans la vie publique russe. D'une part, en rupture avec l'arbitraire de l'époque soviétique, les militants témoignent d'un souci de l'action collective et d'un fort attachement au droit qui relèvent de l'engagement civique. De l'autre, inquiets des dangers de l'idéologie et des tensions interpersonnelles produites par le débat partisan, ils manifestent une grande méfiance à l'égard des luttes électorales. Cette position ambiguë, à la fois soucieuse du bien public mais réticente devant l'exercice du pouvoir, dévoile aujourd'hui ses limites. Les associations de défense des droits de l'homme sont marginalisées et souvent démunies face aux injonctions du pouvoir qui pèsent sur elles.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais How activists put the memory of dissidence to use in post-Soviet Russia At the beginning of the 1990s in Russia, the activists in newly founded human rights organizations used their own memory of Communism, evoked through the prism of dissidence, in order to justify their actions during the post-Soviet period. They kept alive the memory of Communist crimes and repression against dissidents and recalled Soviet society's atomization. They also maintained strong friendships and bonds formed in underground networks. Today's activists have a twofold heritage that, from the historian's viewpoint, can be interpreted in two contradictory ways, totalitarian or revisionist. This accounts for the complexity of practices in post-Soviet organizations. Since the USSR's collapse, human rights NGOs have been activating the past in order to justify their role in Russia. In a break with arbitrariness during the Soviet period, today's activists value collective action and are strongly attached to legality and civic involvement. Worried by both the dangers of ideology and the interpersonal tensions fueled by partisan politics, they have a strong mistrust for politics and electioneering. This ambiguous position - concern for public interests and reluctance to exercise power - has encountered its limits. Pushed along the margins of politics, human rights organizations are powerless in reacting to government orders.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne https://www.persee.fr/doc/receo_0338-0599_2006_num_37_3_1774