Contenu de l'article

Titre Nouadhibou « ville de transit » ? : Le rapport d'une ville à ses étrangers dans le contexte des politiques de contrôle des frontières de l'Europe
Auteur Jocelyne Streiff-Fénart, Philippe Poutignat
Mir@bel Revue Revue Européenne des Migrations Internationales
Numéro Vol. 24, no 2, 2008 Pratiques transnationales - mobilité et territorialités
Rubrique / Thématique
Hors dossier
Page 193-217
Résumé On se propose dans cet article de montrer comment, dans le contexte de l'exacerbation des pressions à la fermeture des frontières exercées par les institutions européennes, la qualification de la ville portuaire de Nouadhibou (Mauritanie) comme ville de transit vient mettre à l'épreuve l'image et le sens de l'urbanité propre à cette ville. Les composantes de cette image sont d'abord précisées : son caractère de ville industrielle, en contraste avec les valeurs de la citadinité maure, et de ville commerciale inscrite dans des circuits d'échange globaux mais longtemps isolée du reste du territoire mauritanien. La présence dans la ville des étrangers originaires de la sous-région était jusqu'ici intégrée à cette image, comme une sorte de confirmation supplémentaire de la valorisation de l'esprit d'entreprise. Jusqu'à une date récente, les migrations de transit des « aventuriers » en quête d'un passage vers l'Europe ont pu s'articuler aux différents types de circulation présents dans la ville sans que soit altéré ce fond de représentations partagées. Les mesures mises en place dans le cadre de la politique de surveillance des frontières sont venues néanmoins polariser ce système migratoire fluide sur son dernier segment, en ciblant la catégorie d'émigrant clandestin ou illégal dans un contexte où rien ne différenciait jusque-là ce dernier de l'immigré, nullement clandestin ou illégal. Elles tendent à créer des catégories distinctives d'immigrés (réguliers, permanents, de passage), là où précisément le système migratoire local produisait l'indistinction. Comme toute politique migratoire, la politique de contrôle des frontières de l'Europe implique pour sa mise en oeuvre tout un travail de légitimation des actions entreprises, qui les rende compréhensibles et acceptables par les opinions publiques des pays concernés. L'approche monographique développée dans l'article conduit à considérer que ce travail de légitimation est corrélatif d'un procès en illégitimité des migrants eux-mêmes et de leur présence dans la ville, illégitimité que ces mots (« transit », « clandestin », etc.) viennent précisément souligner.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=REMI_242_0193