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Titre Ordres et congrégations enseignants à l'époque de la Contre-Réforme : Barnabites, Somasques, Scolopes
Mir@bel Revue Revue historique
Numéro no 660, octobre 2011
Page 811-852
Résumé L'enseignement est l'un des ministères majeurs investis par l'église catholique de la Contre-Réforme. Tout en représentant une forme d'action originale dans la société, il a permis à l'Église de contrôler les processus d'acculturation et de transmission du savoir. Cette activité était essentiellement confiée aux nouveaux ordres religieux dont la croissance à partir du début du XIe siècle, représente un des principaux aspects du renouveau de l'Église au début de l'époque moderne. Se consacrer à l'éducation spirituelle et intellectuelle n'était bien sûr pas une nouveauté radicale dans l'histoire de l'Église, des ordres religieux médiévaux, tels que les dominicains ou les franciscains, instruisaient déjà leurs novices dans les studia (des structures conçues précisément dans ce but). Il y avait cependant une différence essentielle : les nouveaux ordres n'enseignaient pas uniquement à leurs membres les plus jeunes, mais aussi à des élèves externes. Ainsi l'Église catholique pouvait d'une part disposer d'un excellent moyen de propagation de l'instruction chrétienne et d'autre part pallier l'absence d'un véritable système d'éducation publique. En fait, jusqu'au milieu du xviiie siècle, la plupart des états européens ne mirent pas en place de véritable éducation publique, et quand celle-ci vit le jour, les prêtres furent souvent et logiquement employés comme personnel enseignant. Parmi les ordres religieux dédiés à l'enseignement, la Compagnie de Jésus dispose d'une incontestable prééminence. Ceci est dû non seulement à la précocité relative avec laquelle elle s'est consacrée à cette activité, mais aussi à la recherche pédagogique accompagnant l'enseignement et à la large diffusion dans l'espace européen de ses prestigieux collèges. La solidité et la rigueur du modèle d'éducation jésuite sont bien attestées à travers la norme établie par la Ratio studiorum qui régla la vie des collèges jésuites de 1599 à la suppression de la Compagnie (1773), sans changement notable. Outre les Jésuites, d'autres ordres se sont distingués entre le XVIe et le XVIIIe siècles par un intérêt particulier pour l'éducation, en particulier les Barnabites, Somasques ou Piaristes (ou Scolopes). De telles institutions ont été longtemps et injustement considérées comme de simples imitatrices des Jésuites alors qu'elles ont élaboré des systèmes d'instruction profondément originaux. Ces derniers présentent des orientations diverses. En premier lieu, ils reposent sur l'adoption d'un programme différent de celui adopté par les Jésuites, à la fois pour la longueur des cours et l'accent mis sur certaines matières plutôt que sur d'autres. Deuxièmement, chaque ordre a créé ses propres manuels, souvent rédigés en langue vernaculaire (et non en latin, préféré par les Jésuites), et avec des caractéristiques de brièveté, clarté et simplicité. Enfin, les règles qui régissaient la formation et la carrière du personnel étaient totalement indépendantes de celles en usage dans la Compagnie de Jésus. Dans le cas des Piaristes, un ordre destiné dès l'origine (contrairement aux autres) à un but d'éducation, l'originalité du modèle éducatif revêtait d'autres aspects. D'une part, les successeurs de saint José de Calasanz se sont consacrés exclusivement aux élèves appartenant aux classes les plus basses de la société (au moins au cours des premières décennies de l'histoire de l'ordre), tandis que les Jésuites, comme tout le monde le sait, attiraient des élèves d'origine élevée. D'autre part, ils limitèrent leur enseignement à la lecture, à l'écriture et à l'arithmétique, abandonnant l'enseignement secondaire. Même par la suite, quand cette orientation exclusive fut abandonnée, l'ordre conserva son identité originale, en témoignant à la fois d'une nette ouverture d'esprit (en comparaison avec les Jésuites) à l'égard de courants tels que le rationalisme et les Lumières et en développant des programmes et des méthodes d'enseignement plus modernes.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RHIS_114_0811