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Revue | Revue historique |
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Numéro | no 660, octobre 2011 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
- À Michel Prigent - Claude Gauvard, Jean-François Sirinelli p. 711
- Cîteaux et l'Église militante : ecclésiologie et altérité à travers les enluminures des manuscrits réalisés sous Étienne Harding (1108-1133) - p. 713-745 L'article étudie la vision ecclésiologique de l'abbé Étienne Harding (1108-1133/34) et de la communauté de Cîteaux à travers quelques miniatures réalisées au cours du premier tiers du xiie siècle. L'image de David dans la Bible d'Étienne Harding (1108-1111), qui présente le roi biblique entouré d'une muraille crénelée et défendue par des hommes armés, se révèle une construction iconographique très savante : elle représente l'Église terrestre militante. L'Église est donc perçue comme activement engagée dans la lutte contre ses ennemis. Cette vision est confirmée également par les représentations des saints dans le premier légendier de Cîteaux, figurés en train de piétiner des personnages, des animaux ou des êtres hybrides. D'autres miniatures permettent d'identifier quelques « ennemis » de l'Église, à savoir les dialecticiens et les juifs. La vision ecclésiologique ainsi reconstruite s'accorde avec celle qui anime l'action de Bernard de Clairvaux et de la deuxième génération des cisterciens. Ce constat permet en dernière analyse de souligner l'importance de l'abbaye mère dans la constitution de l'ordre cistercien.
- Corriger les excès. L'extension des infractions, des délits et des crimes, et les transformations de la procédure inquisitoire dans les lettres pontificales (milieu du xiie siècle-fin du pontificat d'Innocent III) - p. 747-779 Longtemps traduit par « abus », le terme latin excessus désigne dans les lettres pontificales les infractions, les crimes et les délits commis par l'ensemble des fidèles, mais surtout par le clergé et ses plus hauts dignitaires, les prélats. Leur lecture révèle une multiplication à la fois des occurrences du mot, des dénonciations des fautes qu'il désigne, d'un élargissement de son sens en même temps qu'un gain en précision à partir du milieu du xiie siècle (pontificats d'Eugène III et d'Alexandre III). Ce phénomène s'accompagne de la multiplication des enquêtes et de transformations des procédures canoniques dont l'enquête de renommée constitue une forme élaborée dès les premières années du pontificat d'Innocent III. Parallèlement, la réflexion des décrétistes traduit leurs efforts pour favoriser ces transformations qui trouvent leur origine, non dans une réaction salutaire à une multiplication absolue des « excès », mais dans la volonté exprimée des papes de rendre parfaite l'institution ecclésiale. La dénonciation et la correction des « excès » du clergé doivent donc être comprises comme élément central du mode de gouvernement de l'Église.
- Les juristes médiévaux italiens et la comptabilité commerciale avant sa formalisation en partie double de 1494 - p. 781-810 La comptabilité du Moyen Âge est surtout connue à travers des collections de livres de comptes datant de cette époque, qui, pour la plupart, ont fait l'objet de nombreux commentaires depuis près d'un siècle. À côté de ce corpus documentaire, la riche littérature médiévale d'expression latine contient aussi de très abondantes analyses sur la tenue de ces registres. Les juristes d'alors n'ont pas rédigé de manuel spécifique sur l'art de tenir les livres de comptes ou sur un droit qui leur aurait été particulier. En revanche, leurs innombrables recommandations sont éparses et contenues dans des manuscrits très variés et parfois devenus rares. Toutefois, ces sources sont suffisamment significatives pour essayer de les limiter à celles antérieures à 1494, c'est-à-dire à la célèbre formalisation de la comptabilité en partie double établie par Luca Pacioli. À partir de cette documentation que les historiens de la comptabilité ont encore peu exploitée, on peut essayer d'identifier une éventuelle influence de la technique en partie double. Face une performante tenue des livres de comptes, un embarras certain s'est dégagé parmi les juristes médiévaux, étrangers au monde des chiffres et à celui du commerce. La tenue des livres de comptes a impressionné ces intellectuels au point de les inciter à justifier son origine, à établir ses règles, à définir sa valeur juridique et à instituer une procédure contentieuse concernant ces registres. Le seul modèle de référence des juristes médiévaux étant celui de l'antiquité romaine, le droit romain leur sert de base pour réfléchir sur la technique comptable qu'ils observaient. Ils utilisent à la fois leurs propres observations de la pratique et le droit romain afin de légitimer les usages des marchands contemporains pour mesurer, enregistrer et mémoriser leurs flux d'échanges.
- Ordres et congrégations enseignants à l'époque de la Contre-Réforme : Barnabites, Somasques, Scolopes - p. 811-852 L'enseignement est l'un des ministères majeurs investis par l'église catholique de la Contre-Réforme. Tout en représentant une forme d'action originale dans la société, il a permis à l'Église de contrôler les processus d'acculturation et de transmission du savoir. Cette activité était essentiellement confiée aux nouveaux ordres religieux dont la croissance à partir du début du XIe siècle, représente un des principaux aspects du renouveau de l'Église au début de l'époque moderne. Se consacrer à l'éducation spirituelle et intellectuelle n'était bien sûr pas une nouveauté radicale dans l'histoire de l'Église, des ordres religieux médiévaux, tels que les dominicains ou les franciscains, instruisaient déjà leurs novices dans les studia (des structures conçues précisément dans ce but). Il y avait cependant une différence essentielle : les nouveaux ordres n'enseignaient pas uniquement à leurs membres les plus jeunes, mais aussi à des élèves externes. Ainsi l'Église catholique pouvait d'une part disposer d'un excellent moyen de propagation de l'instruction chrétienne et d'autre part pallier l'absence d'un véritable système d'éducation publique. En fait, jusqu'au milieu du xviiie siècle, la plupart des états européens ne mirent pas en place de véritable éducation publique, et quand celle-ci vit le jour, les prêtres furent souvent et logiquement employés comme personnel enseignant. Parmi les ordres religieux dédiés à l'enseignement, la Compagnie de Jésus dispose d'une incontestable prééminence. Ceci est dû non seulement à la précocité relative avec laquelle elle s'est consacrée à cette activité, mais aussi à la recherche pédagogique accompagnant l'enseignement et à la large diffusion dans l'espace européen de ses prestigieux collèges. La solidité et la rigueur du modèle d'éducation jésuite sont bien attestées à travers la norme établie par la Ratio studiorum qui régla la vie des collèges jésuites de 1599 à la suppression de la Compagnie (1773), sans changement notable. Outre les Jésuites, d'autres ordres se sont distingués entre le XVIe et le XVIIIe siècles par un intérêt particulier pour l'éducation, en particulier les Barnabites, Somasques ou Piaristes (ou Scolopes). De telles institutions ont été longtemps et injustement considérées comme de simples imitatrices des Jésuites alors qu'elles ont élaboré des systèmes d'instruction profondément originaux. Ces derniers présentent des orientations diverses. En premier lieu, ils reposent sur l'adoption d'un programme différent de celui adopté par les Jésuites, à la fois pour la longueur des cours et l'accent mis sur certaines matières plutôt que sur d'autres. Deuxièmement, chaque ordre a créé ses propres manuels, souvent rédigés en langue vernaculaire (et non en latin, préféré par les Jésuites), et avec des caractéristiques de brièveté, clarté et simplicité. Enfin, les règles qui régissaient la formation et la carrière du personnel étaient totalement indépendantes de celles en usage dans la Compagnie de Jésus. Dans le cas des Piaristes, un ordre destiné dès l'origine (contrairement aux autres) à un but d'éducation, l'originalité du modèle éducatif revêtait d'autres aspects. D'une part, les successeurs de saint José de Calasanz se sont consacrés exclusivement aux élèves appartenant aux classes les plus basses de la société (au moins au cours des premières décennies de l'histoire de l'ordre), tandis que les Jésuites, comme tout le monde le sait, attiraient des élèves d'origine élevée. D'autre part, ils limitèrent leur enseignement à la lecture, à l'écriture et à l'arithmétique, abandonnant l'enseignement secondaire. Même par la suite, quand cette orientation exclusive fut abandonnée, l'ordre conserva son identité originale, en témoignant à la fois d'une nette ouverture d'esprit (en comparaison avec les Jésuites) à l'égard de courants tels que le rationalisme et les Lumières et en développant des programmes et des méthodes d'enseignement plus modernes.
- « Le socialisme sans poste, télégraphe et machine est un mot vide de sens. » Les bolcheviks en quête d'outils de communication (1917-1923) - p. 853-873 Après leur arrivée au pouvoir en octobre 1917, les bolcheviks durent décider des usages à faire des outils de communication, tels que la poste, le télégraphe et le téléphone. Malgré la mise en scène de la vision sociale du progrès technique, la quête des outils de communications par les bolcheviks fut soumise avant tout à l'objectif de conserver le pouvoir et de garder le territoire sous contrôle. Les premières années du régime soviétique se distinguèrent par l'accaparement des instruments de télécommunication. La nécessité de communiquer chez les individus ne fut reconnue que dans la mesure où elle pouvait garantir la victoire des bolcheviks dans la guerre civile. Lors du passage du communisme de guerre à la nouvelle politique économique, les changements dans les conditions d'accès des administrations et des individus aux services de communication modifièrent les priorités d'usage de ces outils. Les dirigeants locaux éprouvèrent des difficultés pour accepter un horizon d'égalité avec les citoyens ordinaires, pour céder leurs prérogatives dans le droit d'accès au téléphone et pour envisager celui-ci comme un instrument de communication sociale.
- « Un retour aux anciennes maisons de fous » ? Réformer les institutions psychiatriques en Russie soviétique (1918-1928) - p. 875-897 Avec la révolution d'Octobre, une partie des psychiatres se rallia aux bolcheviks qui leur donnèrent « carte blanche » pour réaliser les réformes qu'ils réclamaient de longue date. La Commission de neurologie et de psychiatrie, créée en 1918, s'employa alors à améliorer le fonctionnement des institutions psychiatriques, les hôpitaux en premier lieu dans le but d'en faire de véritables structures de soin. Pourtant, en 1928, un projet de décret constatait, pour le dénoncer, que la production médicale y était des plus médiocres. C'est l'objet de cet article que d'étudier les retombées de la politique conduite en faveur des établissements psychiatriques et, par là, de faire ressortir les facteurs qui ont pu peser sur sa réussite. Pour cela, un parcours kaléidoscopique est proposé qui entend confronter les conditions héritées du tsarisme, les objectifs institutionnels, le rôle du personnel et la place des reclus.
Mélanges
Comptes Rendus
- Comptes rendus - p. 915-966
- Liste des livres reçus au bureau de la rédaction - p. 967-969