Titre | Le formalisme russe : Une séduction cognitiviste | |
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Auteur | David Romand, Sergueï Tchougounnikov | |
Revue | Cahiers du monde russe | |
Numéro | volume 51, no 4, octobre-décembre 2010 Sciences humaines et sociales en Russie à l'Âge d'argent | |
Rubrique / Thématique | Articles |
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Page | 521-546 | |
Résumé |
À partir d'une approche comparatiste et résolument contextualiste, nous nous proposons de réinterpréter l'ensemble de la doctrine formaliste au regard de la psychologie allemande du XIXe siècle, afin de mieux saisir ses délimitations fondamentales (forme/matériau, sujet/fable, etc.) et de mettre au jour l'existence d'une ligne « ethnopsychologique » dans la constitution du structuralisme européen. Après avoir dégagé les grands traits de la « dominante psychologique » dans le formalisme russe, nous exposerons les principes de la tradition « cognitiviste » allemande dans lequel elle plonge ses racines. Nous nous intéresserons ensuite à deux notions centrales du formalisme, celle de langage transmental (zaum') et celle de geste langagier, en montrant qu'elles sont l'une et l'autre particulièrement représentatives de cet héritage psychologique. Force est de constater que le formalisme russe s'est montré extrêmement réceptif à la nouvelle conception de la vie psychique élaborée par les psychologues allemands au cours du XIXe siècle, tradition de recherche dont les neurosciences cognitives sont aujourd'hui les héritières. Présenté par ses promoteurs, et interprété par la plupart des commentateurs, comme une réaction contre les tendances « psychologistes » du moment, le « programme » formaliste apparaît paradoxalement saturé de concepts et de termes psychologiques. Ceux-ci constituent un ensemble plus ou moins hétéroclite de toute évidence récupéré par le biais de l'esthétique et des sciences du langage d'inspiration psychologique de la fin du XIXe siècle. Cette étude montre qu'au-delà de leur valeur esthétique propre, les réflexions du formalisme russe reposent en fait sur une psychologie implicite qui ne prend tout son sens qu'au regard de la tradition « cognitiviste » allemande et sa réappropriation par les Geisteswissenschaften. À cet égard, le formalisme russe participe du vaste mouvement de psychologisation des sciences humaines amorcé dès la moitié du XIXe siècle, et qui semble s'être prolongé bien plus avant dans le XXe siècle qu'on ne le croit d'ordinaire. Le cas emblématique du formalisme russe invite repenser la généalogie du formalisme et du structuralisme européens en général. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
In this study, we adopt a comparative and resolutely contextualist approach and set out to reinterpret the Formalist doctrine as a whole, using nineteenth-century German psychology as point of reference in order better to understand Formalism's basic distinctive concepts (form/material, plot/story oppositions, etc.) and reveal the existence of an “ethnopsychological” lineage in European Structuralism. First, we isolate the main features of the “psychological dominant” of Russian Formalism, then expound the principles of the German “cognitivist” tradition in which it is rooted. We then turn to the study of two core notions of Formalism, transrational language (zaum') and vocal gesture, and demonstrate that they are both particularly representative of that psychological legacy. Russian Formalism was obviously extremely receptive to the new conception of psychological life elaborated by German psychologists throughout the nineteenth century and inherited today by cognitive neuroscience. Promoted and generally interpreted as a reaction against the “psychologizing” tendencies of the time, the Formalist “program” paradoxically abounds in psychological terms and concepts stitched together into a more or less homogeneous patchwork by late-nineteenth-century esthetics and language sciences of psychological inspiration. Our study shows that beyond its own esthetic value, Russian Formalist thought actually rests on implicit psychological notions which only acquire their full meaning in the light of the German “cognitivist” tradition and its appropriation by Geisteswissenschaften. In that respect, Russian Formalism partakes of the vast psychologizing movement which started affecting the Humanities as early as the mid-nineteenth century and which seems to have lasted much further into the twentieth century than is usually thought. The emblematic case of Russian Formalism is an invitation to an overall rethinking of the genealogy of European Formalism and Structuralism. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CMR_514_0521 |