Titre | Croissance durable : mesurons-nous bien le défi ? | |
---|---|---|
Auteur | Michel Aglietta | |
Revue | Revue d'économie du développement | |
Numéro | volume 25, no 2, juin 2011 Varia | |
Page | 199-250 | |
Résumé |
La mesure des agrégats macroéconomiques est un processus long et ardu qui touche au système de comptabilité nationale. La difficulté est liée aux exigences de la politique économique. Nous avons besoin aujourd'hui d'une croissance soutenable alliant préoccupations environnementales et politique de développement. Cela demande de radicalement transformer la comptabilité nationale, aujourd'hui système de comptes de recettes et de dépenses axé sur le PIB, en un système de comptabilité de la richesse, qui met en avant un concept du capital étendu englobant tous les actifs contribuant au bien-être social et associant une mesure de l'épargne « authentique ».L'article analyse ensuite les problèmes soulevés par la mesure de différents types de capital que les règles classiques de la comptabilité nationale ignorent ou traitent peu en tant que tels. Pourtant, dans les pays développés, les actifs immatériels sont aussi conséquents que le capital fixe productif et ce sont les principaux facteurs de croissance de l'économie du savoir. Par ailleurs, le capital naturel doit être évalué sur la base de sa rareté du point de vue de ses fonctions de source de ressources primaires, d'absorption des gaz à effet de serre et de préservation de la biodiversité.Parce que la nature intrinsèque de ces types de capital conduit à les mesurer à la valeur actualisée des rentes futures, le choix du taux d'actualisation joue un rôle critique dans le processus d'évaluation. Le taux d'actualisation est aussi important pour l'évaluation de l'engagement social des pensions qu'il l'est pour l'estimation du coût de l'épuisement des ressources non renouvelables et des dommages causés par la production anthropique de dioxyde de carbone.L'article montre que le processus d'évaluation des différents types de capital et d'estimation de leur substituabilité dans la production de bien-être social est entaché d'une radicale incertitude. En effet, de multiples sentiers de croissance présentent une soutenabilité incertaine en raison des « inconnues inconnues » inhérentes aux interactions entre les facteurs économiques et écologiques qui pourraient être associées à des rétroactions perturbatrices fortement non linéaires. Dès lors, le choix des taux d'actualisation est profondément éthique et doit s'inscrire dans un principe de précaution généralisé puisqu'il concerne le sort des générations futures. Ce principe est validé tant qu'existent des situations possibles d'exposition à des risques illimités. Les sociétés confrontées à une crise catastrophique de probabilité inconnue doivent débattre immédiatement des modalités souhaitables d'organisation des décisions collectives afin d'engager les politiques opportunes. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
|
Résumé anglais |
Sustainable Growth: Do We Really Measure the Challenge? Macro-measurement is a long and arduous process that involves the system of national accounts. The challenge it raises is driven by the requirements of economic policy. Today, there is a need for a sustainable growth path that couples environmental concerns and development policy. This calls for nothing less than a sea change in national accounting, implying a shift from a system of income and expenditure accounts focused on GDP to a system of wealth accounts. The latter lays emphasis on an extended concept of capital, encompassing all assets that contribute to social well-being and an associated measure of “genuine” saving. This paper analyses the problems involved in measuring different types of capital that are either ignored or barely dealt with per se by the accepted rules of national accounting. Yet, in developed countries, intangible assets are worth as much as productive fixed capital and constitute the most important factors of growth for the knowledge economy. Moreover, natural capital needs to be priced according to its scarcity given its function as a source of primary resources, an absorber of greenhouse gases and a means of conserving biodiversity. Since the inherent nature of these types of capital means that they are measured at the discounted value of future rents, the choice of discount rates is critical to the valuing process. The discount rate is as important for estimating the cost of depleting non-renewable resources and the damage due to anthropogenic production of carbon dioxide as it is for valuing pension liabilities. The paper shows that the process of valuing the different types of capital and estimating their substitutability in the production of social welfare is beset with radical uncertainty. There are multiple growth paths whose sustainability is open to question due to “unknown unknowns” in the interactions between economic and ecological factors, which may be linked to disruptive highly non-linear feedbacks. Therefore, the choice of discount rates is a deeply ethical matter and needs to espouse a widely applied precautionary principle, given that the future of the generations to come is at stake. This principle holds true as long as there are situations of exposure to unlimited risk. Societies facing a catastrophic crisis of unknown probability need to engage immediate discussions about how to organise collective decisions on the appropriate policies to adopt. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
|
Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=EDD_252_0199 |