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Titre Pratiques - Les enjeux de la traduction.
Auteur Jean-Louis Fournel
Mir@bel Revue Actes de la recherche en sciences sociales
Numéro no 145, décembre 2002 La circulation internationale des idées
Rubrique / Thématique
La circulation internationale des idées
Résumé Les enjeux de la traduction. Traduire les penseurs politiques florentins de l'époque des guerres d'Italie. La réflexion qui guide cet article découle d'une pratique de traducteurs qui nous a amenés à procurer des éditions françaises commentées de Savonarole, de Francesco Guicciardini et de Machiavel. Nous partons de l'hypothèse que ces textes s'interprètent dans une conjoncture historique pré- cise: Florence qui a «goûté» au Grand Conseil au moment où se déroulent les guerres d'Italie. Notre travail de traduction tire son sens de cette «qualité des temps»; en parallèle, la mise à disposition de cet ensemble de textes permet de les lire différemment en leur redonnant leur épaisseur historique. Notre approche vise donc à la fois à les mettre en situation et en relation les uns aux autres. La question de la langue que nos auteurs emploient et celle de la façon dont ils l'emploient est centrale pour notre propos. La langue et les termes qu'utilisent nos auteurs sont à interpréter en fonction de la «qualité des temps» et des enjeux que les acteurs politiques déterminent, ce qui signifie que leur sens peut être différent de celui qu'ils eurent antérieurement ou qu'ils prendront par la suite. Par ailleurs, nous estimons que l'usage terminologique ne peut être dissocié des analyses politiques ou historiques qui donnent sens à l'écriture et qu'il faut, en parallèle, considérer le discours où est perpétuellement à l'œuvre une dialectique des «noms» et des «choses». Cette double approche, du sens précis à accorder au lexique et des modes d'écriture, nous la nommons «philologie politique». C'est en fonction de cette démarche intellectuelle que nous avons défini nos concepts de traduction, ce que nous nommons notre «règle générale»: donner un texte français qui soit porteur, pour le lecteur, sinon d'autant de sens que le texte original, du moins du plus de sens possible. Cette «règle générale» implique des «règles partielles» empiriques; ainsi, nous estimons que les redites, la fréquence des termes utilisés, leur polysémie sont importantes, de même que l'est le style : les accroches, la mise en valeur de tel ou tel mot, de telle ou telle expression, le ton, le passage d'un ton à l'autre, l'usage de tel ou tel niveau de langue, les allusions. Nous examinons, à partir de quelques exemples (lexicaux, syntaxiques, stylistiques), les effets de sens de ces principes «extravagants».
Résumé anglais The issues involved in translation. Translating the Florentine political thinkers of the Italian Wars. The central reflection of this article stems from a fréquentation of translators which led us to procure the annotated French editions of Savonarole, Francesco Guicciardini and Macchiavelli. We start from the hypothesis that these texts are to be interpreted in a specific historical setting: Florence, which had had a taste of the Great Council during the Italian Wars. Our work on these translations derives its meaning from this «quality of the times»; at the same time, the availability of these texts makes it possible to read them differently and so to restore their historical depth. Our approach thus aims to place these texts both in their setting and in relation to each other. The question of the language our authors use and the way they use it is central. The language and the terms used by our authors should be interpreted in accordance with the «quality of the times» and the issues determined by the political actors, which means that the meaning they have may be different from the one they had earlier or the one they will have at some later time. In addition, we feel that terminological use cannot be separated from the political or historical analyses which endow the written word with meaning, and that we must also consider the discourse, in which a dialectic of «names» and «things» is constantly at work. We have called this twofold approach to the precise mea- ning that should be given to vocabulary and to modes of writing, « political philology». In accordance with this intellectual method, we have defined our concepts of translation, what we call our « general rule»: to provide a French text which carries, for the reader, if not as much meaning as the original text, at least the most meaning possible. This «general rule» implies some empirical « partial rules » ; for instance we believe that repetirions, frequency of the terms used, their polysemy are all important, as is style : catch phrases, emphasis on such and such a word, on such and such an expression, tone, shifts from one tone to another, use of a particular level of language, allusions. Using examples of vocabulary, syntax and style, we examine the effects of these «extravagant» rules on meaning.
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/arss_0335-5322_2002_num_145_1_2801