Titre | Adieux aux structures et à la dialectique. La pensée des sciences sociales aux colloques de Cerisy après Mai 1968 | |
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Auteur | Laurent Jeanpierre | |
Revue | Histoire@Politique | |
Numéro | no 20, mai 2013 68/86 : un grand retournement ? Cerisy dans la vie intellectuelle française | |
Rubrique / Thématique | Dossier |
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Page | 114-133 | |
Résumé |
À travers l'étude des archives et des actes d'une vingtaine de colloques de sciences sociales, comprenant environ deux cents communications, ayant eu lieu à Cerisy — un réseau à la fois marginal et central de rencontres entre intellectuels (écrivains et universitaires) — entre 1968 et 1986, l'article s'interroge sur l'évolution des manières de concevoir ces disciplines en France pendant cette période. Si Cerisy fut, entre autres, un des lieux d'expression des paradigmes marxistes et structuralistes avant 1968, les deux décennies qui suivent sont marquées, comme dans le reste du champ intellectuel français, par une rupture progressive avec ces courants de pensée. Les sciences sociales de Cerisy après 1968 sont en quête d'interdisciplinarité, en dialogue avec les sciences naturelles et les sciences de l'ingénieur, et tournées ers l'épistémologie. Une tendance dominante s'exprime, qui critique l'objectivisme et le déterminisme des paradigmes antérieurs et qui conçoit le social non plus comme une donnée première mais comme le produit d'une activité collective. Cerisy apparaît ainsi comme un laboratoire français de ce qu'on appelle aujourd'hui le constructionnisme, autour duquel devait être redéfinie une « nouvelle alliance » entre sciences sociales et autres sciences. Historiquement, ce mouvement peut être compris chez certains protagonistes comme une traduction intellectuelle du contenu idéologique des événements de Mai 68 sous la forme d'une critique des prétentions modernisatrices du rationalisme et de la fonction de porte-parole des intellectuels. Sociologiquement, cette évolution de l'esprit de Cerisy est liée à un renouvellement générationnel de la fonction de programmation et des intervenants des colloques, ainsi qu'à la position relativement périphérique des participants par rapport au cœur du monde universitaire français, ce qui les contraint à l'innovation. L'article permet ainsi de mieux comprendre les raisons et les réseaux du déclin du marxisme et du structuralisme dans la pensée française des années 1970 et il met en relation ces phénomènes avec l'essor du constructionnisme. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
This article is based on the content analysis of the archival and published material of 20 or so conferences and around 200 communications in the social sciences, that took place in Cerisy (France) between 1968 and 1986. By studying the intellectual production of this marginal and central place in the French intellectual field, we seek to better characterize the evolution of social science disciplines in this country during that period. Our findings show that as well as in other parts of the intellectual field there has been a rupture in Cerisy with Marxism and Structuralism, which had been represented there in the 1950s and the 1960s. In Cerisy after 1968, social sciences were more interdisciplinary than in universities. They also sought to enter into a dialog with natural sciences. And they developed an epistemological discourse of their own. A dominant idea of the time in that place was a critique of objectivism and of the deterministic views of the previous ruling paradigms. In Cerisy, the social came to be conceived by most participants in social science conferences not as a given but as the product of a collective activity. Cerisy thus appears as one laboratory for social constructivism in France. The version which was developed there of this new paradigm wanted to encompass both social and natural sciences in a new alliance. This way of thinking can also be interpreted historically as one intellectual consequence of the May 68 events among some social scientists, who expressed a critique of the limits of rationalism and some radical democratic skepticism towards the way intellectuals traditionally acted as representatives of other groups. The emergence of these ideas must also be related to the fact that a new generation of intellectuals came to Cerisy in the 1970s and the 1980s and that they were outsiders within the French academic field and thus inclined to innovation. The case study thus makes us better grasp the reasons and the networks through which marxism and structuralism declined in France in the 1970s and it relates these phenomena to the rise of constructivism. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=HP_020_0114 |