Contenu de l'article

Titre L'absentéisme dans l'administration : un mode de régulation sociale
Auteur Francis Pave
Mir@bel Revue Politiques et management public
Numéro vol. 7, no 2, juin 1989 Quel projet pour les administrations et les entreprises publiques ? - Actes du Troisième Colloque International - Québec - 3-4 novembre 1988 - (Deuxième partie).
Rubrique / Thématique
Articles
 1. La fonction publique, ses états d'âme
Page 59-79
Résumé Une enquête auprès des personnels exécutants et de leur encadrement direct dans des bureaux du Ministère de la Défense a permis de mettre en lumière certaines caractéristiques de la fonction publique : une forte féminisation, un système de carrière obéissant à « la loi de l'ancienneté », doublé d'un système de gestion des personnels a-sanctionnant. L 'absentéisme est au cœur de cet univers particulier car il constitue un mode local et quotidien de régulation d'un système aveugle, conçu en fonction de masses budgétaires et de politiques nationales. Alors qu'on pourrait s'attendre à observer un phénomène de grande ampleur, une comparaison avec une entreprise du secteur privé permet de montrer qu'il se situe dans un même ordre de grandeur. L'analyse des entretiens permet de rendre compte de ce paradoxe. L'absentéisme « fonctionne dans le discours » comme une catégorie morale qui, à la fois, donne une perception majorée des pratiques effectives, contribuant ainsi à créer une mauvaise image de la fonction publique, mais permet également à l'encadrement immédiat de maintenir ce phénomène dans des limites comparables à celles que le secteur privé obtient par d'autres moyens. Le prix à payer pour ce mode de management du personnel est un service de moindre qualité et un fort sentiment d'impuissance de la part de l'encadrement qui évalue mal son action quotidienne. L'absentéisme est un phénomène bien connu dans l'univers du travail. Pourtant, s'agissant de la fonction publique, il prend une connotation très largement humoristique. Dans l'administration, l'absentéisme — féminin, cela va de soi — ne laisse personne indifférent : chacun a en tête un témoignage « édifiant » ou une anecdote hilarante à colporter. Or, il faudrait bien que l'on puisse aborder cette question en la dépassionnant. Les économistes et les gestionnaires s'y emploient avec leurs outils propres, l'absentéisme est alors pris comme une caractéristique d'un des facteurs de la production : le travail. Ils le comptabilisent, calculent des coûts et tentent, à leur façon, de le maftriser. Un autre type d'approche, qui s'inspire de la psychosociologie, voit là un critère essentiel du climat social d'une entreprise, et postule l'existence d'un lien entre un bon moral et une meilleure productivité. Après avoir analysé « le malaise », il suffira de satisfaire à l'équation contribution/rétribution sur le plan affectif, financier et relationnel pour réussir à améliorer les performances. Nous voudrions montrer ici que ce phénomène peut être aussi analysé comme un mode de régulation propre à un système social, produit et entretenu par lui. Mais surtout, nous voulons d'une part réfuter l'idée que l'absentéisme dans l'administration atteint un niveau tel qu'il appartient de droit au répertoire du comique troupier, et d'autre part comprendre pourquoi il a acquis une telle réputation.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pomap_0758-1726_1989_num_7_2_2887