Contenu du sommaire : Quel projet pour les administrations et les entreprises publiques ? - Actes du Troisième Colloque International - Québec - 3-4 novembre 1988 - (Deuxième partie).
Revue | Politiques et management public |
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Numéro | vol. 7, no 2, juin 1989 |
Titre du numéro | Quel projet pour les administrations et les entreprises publiques ? - Actes du Troisième Colloque International - Québec - 3-4 novembre 1988 - (Deuxième partie). |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Articles
- L'Etat modeste, une grande ambition - Michel Crozier p. 1-13
1. La fonction publique, ses états d'âme
- Le management des ressources humaines : une comparaison entre la fonction publique et l'entreprise - David Zussman, Jak Jabès p. 15-35 Cet article analyse la satisfaction au travail des cadres supérieurs de la fonction publique au Canada en prenant le secteur privé comme repère. 1981 cadres supérieurs de 20 ministères et 1284 de 13 grandes compagnies ont participé à une enquête concernant leur perception de leadership, culture d'entreprise, récompenses, valeurs personnelles et satisfaction au travail. A un taux de réponse déplus de 72 %, les résultats soulignent des différences significatives dans toutes les variables étudiées entre les deux secteurs. On découvre que le niveau hiérarchique du répondant du secteur public a un effet sur le schéma des réponses, donnant lieu à une différence significative entre les attitudes et perceptions des cadres les plus élevés de la hiérarchie publique et ceux qui le sont moins. Nous appelons cette découverte la solitude verticale. Le manque d'une culture partagée par tous les cadres, un leadership qui ne se manifeste pas, des récompenses perçues comme étant inéquitables et des taux de satisfaction plus bas que ceux du secteur privé nous mènent à conclure qu'il faudra apporter des changements importants dans la gestion des ressources humaines de la fonction publique. En conclusion on propose quelques directions à envisager pour arriver à une culture homogène et une satisfaction de travail plus élevée au sein de la fonction publique.
- Les fonctionnaires en période de décroissance : moral, motivation et image - Jean-Luc Bodiguel p. 37-58 Décroissance et libéralisme rendent difficile le contexte dans lequel se meut la fonction publique. Ont-ils eu de l'influence sur les opinions et les attitudes des fonctionnaires ? Les fonctionnaires ne se font guère d'illusions sur la perception que la population se fait d'eux-mêmes et de l'administration. Même si leur motivation au travail n'a pas disparu, leur moral est en baisse. On enregistre, cependant, un début de recomposition, parmi eux, d'une image moins centrée sur l'État et le service public et plus sur l'usager et le service à la population.
- L'absentéisme dans l'administration : un mode de régulation sociale - Francis Pave p. 59-79 Une enquête auprès des personnels exécutants et de leur encadrement direct dans des bureaux du Ministère de la Défense a permis de mettre en lumière certaines caractéristiques de la fonction publique : une forte féminisation, un système de carrière obéissant à « la loi de l'ancienneté », doublé d'un système de gestion des personnels a-sanctionnant. L 'absentéisme est au cœur de cet univers particulier car il constitue un mode local et quotidien de régulation d'un système aveugle, conçu en fonction de masses budgétaires et de politiques nationales. Alors qu'on pourrait s'attendre à observer un phénomène de grande ampleur, une comparaison avec une entreprise du secteur privé permet de montrer qu'il se situe dans un même ordre de grandeur. L'analyse des entretiens permet de rendre compte de ce paradoxe. L'absentéisme « fonctionne dans le discours » comme une catégorie morale qui, à la fois, donne une perception majorée des pratiques effectives, contribuant ainsi à créer une mauvaise image de la fonction publique, mais permet également à l'encadrement immédiat de maintenir ce phénomène dans des limites comparables à celles que le secteur privé obtient par d'autres moyens. Le prix à payer pour ce mode de management du personnel est un service de moindre qualité et un fort sentiment d'impuissance de la part de l'encadrement qui évalue mal son action quotidienne. L'absentéisme est un phénomène bien connu dans l'univers du travail. Pourtant, s'agissant de la fonction publique, il prend une connotation très largement humoristique. Dans l'administration, l'absentéisme — féminin, cela va de soi — ne laisse personne indifférent : chacun a en tête un témoignage « édifiant » ou une anecdote hilarante à colporter. Or, il faudrait bien que l'on puisse aborder cette question en la dépassionnant. Les économistes et les gestionnaires s'y emploient avec leurs outils propres, l'absentéisme est alors pris comme une caractéristique d'un des facteurs de la production : le travail. Ils le comptabilisent, calculent des coûts et tentent, à leur façon, de le maftriser. Un autre type d'approche, qui s'inspire de la psychosociologie, voit là un critère essentiel du climat social d'une entreprise, et postule l'existence d'un lien entre un bon moral et une meilleure productivité. Après avoir analysé « le malaise », il suffira de satisfaire à l'équation contribution/rétribution sur le plan affectif, financier et relationnel pour réussir à améliorer les performances. Nous voudrions montrer ici que ce phénomène peut être aussi analysé comme un mode de régulation propre à un système social, produit et entretenu par lui. Mais surtout, nous voulons d'une part réfuter l'idée que l'absentéisme dans l'administration atteint un niveau tel qu'il appartient de droit au répertoire du comique troupier, et d'autre part comprendre pourquoi il a acquis une telle réputation.
- Y a-t-il de mauvais fonctionnaires ? Remarques sur l'infaillibilité administrative et la notation - Pierre-Eric Verrier p. 81-95 Les systèmes d'évaluation individuelle, bien qu'inscrits dans les textes, n'arrivent pas à s'imposer dans la Fonction publique française. En particulier, la notation annuelle des agents ne permet pas véritablement de différencier les performances ni de mobiliser les énergies. Des raisons de fond, notamment structurales et culturelles, expliquent les défaillances. Mais ces déterminants sont rarement pris en compte par le courant des sciences humaines : l'on préfère s'en tenir à des conclusions apaisantes sur le management participatif et les méthodes de gestion des entreprises. La plupart de ces propositions font le pari d'une déstabilisation des comportements individuels par la redistribution du jeu hiérarchique traditionnel. Cet article prend le contre-pied des théories sur le rôle des acteurs face aux systèmes complexes et des pratiques d'intrusion dans la sphère individuelle. Le principe de l'évaluation individuelle ne pourra s'imposer que par un engagement total des états-majors publics sur des stratégies fermes et par une revitalisation des politiques publiques. La clarification proposée aux acteurs sociaux n'est pas tant celle des objectifs stratégiques eux-mêmes que celle des responsabilités dans la définition et le suivi de ces objectifs.
- Les gouvernements antibureaucratiques face à la haute administration : une comparaison Québec-Canada - Stéphane Dion, Jacques Bourgault p. 97-118 Le gouvernement antibureaucratique est celui qui parvient au pouvoir 1) persuadé que les hauts fonctionnaires sont des "bâtisseurs d'empires bureaucratiques" et 2) résolu à combattre ce comportement présumé. Le gouvernement antibureaucratique a tendance à réformer le statut des hauts fonctionnaires de quatre façons : il affaiblit leur permanence, diminue leur nombre, importe des pratiques du secteur privé pour gérer leurs affectations et recrute davantage de candidats à l'extérieur de la fonction publique. Ce texte analyse, sur ces quatre aspects, les changements opérés dans le statut et les conditions de travail des hauts fonctionnaires canadiens et québécois depuis l'élection du Parti conservateur à Ottawa en 1984 et du Parti libéral à Québec en 1985, deux partis qui avaient manifesté une certaine sensibilité antibureaucratique avant leur élection.
- Des projets d'entreprise pour les organisations publiques - Géraldine Pascaud, Patrick Gibert p. 119-162 Depuis quelques années, certaines organisations publiques s'engagent dans la mise en place de projets d'entreprise ou plus précisément de projets de service. A l'heure où le slogan "gérer l'Etat comme une entreprise" prend un poids particulier dans un climat de restriction budgétaire, il convient de s'interroger sur la signification particulière d'un outil qui touche fondamentalement aux valeurs, à la culture de l'organisation. Le projet d'entreprise est-il, au-delà de l'effet de mode, condamné au musée des "nouvelles" méthodes de gestion ou bien peut-il jouer un rôle plus fondamental dans le processus de modernisation de l'Administration ? L'objet de cet article vise à présenter quelques expériences engagées dans trois types d'organisations publiques différentes, en essayant de dégager une analyse de tendances susceptibles d'influer sur l'avenir. Il ne prétend pas, par conséquent, fournir un bilan définitif, impossible à réaliser au regard du faible recul existant au moment de l'étude.
- Le management des ressources humaines : une comparaison entre la fonction publique et l'entreprise - David Zussman, Jak Jabès p. 15-35
2. De la recherche de l'efficience à la recherche des objectifs
- L'administration française doit-elle s'évader du droit administratif pour relever le défi de l'efficience ? - Jacques Caillosse p. 163-182 En ces temps de migrations intellectuelles, le Droit constitue, avec d'autres, un lieu favorable à l'observation du phénomène. En réalité, plus qu'un théâtre où se déroulent les grandes manœuvres du changement, le Droit en est acteur à part entière. La redistribution du champ des sciences sociales le confirme et le consacre dans ce rôle. Le procès du droit administratif montre comment, en liaison avec le renouveau libéral, la relance du débat juridique travaille en profondeur les représentations et aussi l'expérience concrète de l'administration. Encore faut-il se garder de toute précipitation théorique. Le droit administratif n'est sûrement pas réductible à la version qu'en donne la critique libérale. Ce n'est pas à l'agonie d'une discipline juridique — qui est encore discipline sociale — que nous assistons, mais à son renouvellement.
- Les effets pervers d'une stratégie de réduction des dépenses publiques : le cas des tribunaux d'instance français - Marcel Proulx p. 183-190 Comment des organisations publiques s'ajustent-elles à des mesures de compressions budgétaires les obligeant à accroître leur productivité ? Telle est la question que nous nous sommes posée dans l'étude de la gestion des greffes de quatre tribunaux d'instance de la région parisienne. Cette étude montre que les dirigeants de ces organisations ont trouvé une façon très ingénieuse de composer avec les contraintes qui leur sont imposées, réussissant ainsi à accroître la productivité de leur personnel, dans un contexte rendu pourtant très difficile par l'absence de moyens de récompense ou de sanction face aux employés. Cette ingénieuse trouvaille comporte cependant un "coût" non négligeable pour l'organisation et pour ses clients. Ce coût correspond aux effets pervers de mesures qui ne tiennent pas compte des moyens limités dont disposent les gestionnaires pour accroftre la productivité de leur personnel.
- Politique publique et changement dans les organisations de santé : le cas de l'implantation de la vacation en centre d'hébergement au Québec - François Champagne, Jean-Louis Denis p. 191-216 Notre étude vise à mieux comprendre les déterminants du changement dans les organisations. Pour ce faire, elle aborde l'introduction de la vacation comme mode de rémunération des médecins omnipraticiens en centre d'hébergement au Québec selon une perspective d'analyse du changement organisationnel. Cette approche s'inspire et prolonge à la fois l'analyse stratégique des organisations développée par Crozier et Friedberg (1977). Le devis choisi est une étude de cas multiple avec unités d'analyse imbriquées. Globalement, les résultats montrent l'importance des facteurs politiques dans la détermination des changements apportés par l'introduction de la vacation. Les stratégies adoptées par les médecins marquent fortement les résultats produits par l'innovation. Les gestionnaires influencent aussi le succès de l'implantation. Dans l'ensemble, la dynamique politique du changement est fortement soumise à une contingence structurelle qui ordonne le rapport entre acteurs dans l'organisation. Notre étude démontre que l'introduction de réformes dans les organisations de santé doit tenir compte des stratégies des acteurs qui exercent au moyen de la structure des contrôles importants.
- L'optimisation des moyens et des possibilités de choix politiques par une procédure d'élaboration budgétaire déconcentrée basée sur la négociation des objectifs : l'exemple de la ville de Saint-Denis - Jacques Marsaud p. 217-235 Un système de gestion basé sur la déconcentration des responsabilités a été mis en place à SAINT-DENIS pour répondre, dans un environnement marqué par des difficultés économiques et sociales, à une politique municipale de défense et de développement du service public. La définition d'une nouvelle procédure d'élaboration budgétaire, basée sur la globalisation des moyens au niveau de chaque secteur d'activité et l'examen de plusieurs niveaux de propositions constitue la clef de voûte du système. Celle-ci a nécessité la mise en place de nouveaux outils et l'adaptation des structures. Cette démarche a sensiblement modifié le comportement des différents acteurs en introduisant notamment un processus de négociations qui tend à être systématisé. De nouvel/es perspectives s'ouvrent aujourd'hui, avec l'élaboration en cours d'un "projet de mairie" qui, en formalisant les orientations politiques, devrait permettre ainsi de négocier aux différents échelons les objectifs d'action et de gestion.
- Grandeur et décadence du mimétisme avec le secteur privé - Sylvie Trosa p. 237-250 L 'originalité des démarches actuelles de management est de s'ouvrir à la réalité des questions qui se gèrent dans les entreprises, en transposant pragmatiquement les outils et méthodes qui peuvent s'y développer. Il ne s'agit pas de raisonner en termes de nature ou d'essence du secteur public et du secteur privé (où le privé absorberait culturellement le public comme le public a absorbé culturellement le privé durant des années), ni de travailler au niveau des finalités globales de l'un ou de l'autre (le management ne nous dira pas quels sont les fondements du service public). Il s'agit de promouvoir une nouvelle culture de gestion, consciente de fa spécificité du service public, mais en prise directe avec les évolutions de l'entreprise et de l'économie. Chaque outil et méthode fait l'objet d'un travail d'adaptation au contexte particulier du service en cause. On peut souligner l'impact de ces démarches pragmatiques et l'importance de leurs en jeux : — en période de restriction continue des ressources, elles deviennent le seul moyen de ne pas subir passivement une dégradation des activités, — elles permettent de redéfinir les rapports hiérarchiques au sein des administrations qui évoluent vers des formules contractuelles — elles répondent à l'attente des usagers d'avoir une information plus précise sur les services qui leur sont fournis — elles visent à fournir des éléments d'évaluation a priori et a posteriori qui peuvent guider les choix de politiques. Le service public est aujourd'hui en crise, une crise de finalité très profonde, mettant en jeu la définition de (et le consensus social sur) la justice et la solidarité (cf. J. Rawls). Le management n'est pas une réponse à cette exigence de refondation, ni comme résolution du problème du juste (les limites et critères du service public), ni comme réponse critique (opposition du public et du privé). Toutefois dans ce contexte d'interrogation sur les finalités, l'intervention sur l'efficacité de l'outil managérial ne peut être neutre. Elle interfère dans le débat sur les finalités, en particulier en créant de nouvelles valeurs, d'efficacité, de transparence, de gestion, sans que pour autant on puisse encore dire quel/es incidences elles auront sur l'idée de service public.
- Les politiques incitatives françaises en faveur des PMI ou : comment tuer une action publique inévaluable - Michel Matheu p. 251-272 Les aides incitatives aux PMI, en France, ont prospéré dans les années 70 avant d'être freinées, voire pour certaines démantelées, à partir de 1986. Selon leurs détracteurs, ni leur impact ni leur effet incitatif n'étaient avérés, et les organismes publics qui les géraient poursuivaient des objectifs autonomes, en marge de l'intérêt général. L'étude attentive d'un certain nombre d'entre elles montre sans doute qu'elles n'ont pas atteint tous leurs objectifs affichés, et qu'elles se sont toutes essoufflées au bout de quelques années. Faut-il pour autant les supprimer ? Rien n'est moins sûr. On peut montrer en effet qu'elles ont un rôle important à jouer dans la politique industrielle, et, surtout, que les attaques dirigées contre elles ont fait fond sur leur caractère quasi-inévaluable : beaucoup des arguments utilisés peuvent être retournés. C'est pourquoi il convient de s'interroger sur la façon dont pourraient être menées et utilisées des études sur des actions de ce genre : il serait dommage qu'elles meurent prématurément d'être inévaluables.
- Un homme d'Etat modèle réduit - Mark Moore p. 273-287
- L'administration française doit-elle s'évader du droit administratif pour relever le défi de l'efficience ? - Jacques Caillosse p. 163-182
- Note aux auteurs - p. 289-291