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Titre Quelle place faut-il faire aux animaux en sciences sociales ? : Les limites des réhabilitations récentes de l'agentivité animale
Auteur Dominique Guillo
Mir@bel Revue Revue Française de Sociologie
Numéro vol. 56, no 1, 2015 Varia
Rubrique / Thématique
Note critique
Page 135-163
Résumé Les recherches socio-anthropologiques qui visent à réhabiliter l'idée d'une agentivité animale s'appuient sur un noyau d'arguments récurrents : jusqu'à un passé récent, les sciences sociales auraient indûment rangé les animaux du côté des choses, parce qu'elles auraient souscrit au modèle de l'animal-machine imposé par la modernité à travers la frontière que celle-ci dresserait entre la nature et la culture (Philippe Descola), entre les humains et les non-humains (Bruno Latour), en particulier les animaux (Animal Studies). L'objectif du présent article est de montrer, tout d'abord, que cette thèse est historiquement inexacte. À leur naissance, les sciences sociales reconnaissent une subjectivité forte à beaucoup d'animaux et établissent une continuité avec l'homme. Et loin d'être la conséquence d'une inscription dans la modernité – et de son discours par excellence, celui de la science –, le succès du thème de la frontière entre nature et culture est, tout à l'inverse, la conséquence d'un ferme rejet des sciences dures, en particulier de la biologie, par les sciences sociales du XXe siècle. Ce retour sur le passé permet de montrer, ensuite, que ces réhabilitations récentes de l'agentivité animale reconduisent en réalité une autre frontière – entre les sciences sociales et les sciences de la vie – et maintiennent ainsi les vieux dualismes philosophiques qui lui sont associés. Ce faisant, elles contribuent à fermer une voie qui promet d'être particulièrement féconde pour documenter l'agentivité animale : un dialogue sans réductions croisées des sciences sociales avec les sciences de la vie.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais What is the place of animals in the social sciences? The limits to the recent rehabilitation of animal agency. The socio-anthropological research that aims to rehabilitate the idea of animal agency relies on a core of recurring arguments: that until recently, the social sciences have wrongly classified animals amongst things, because they subscribed either to the animal-machine model imposed by modernity across the frontier that it sought to draw between nature and culture (Philippe Descola) or between humans and non-humans (Bruno Latour), and animals in particular (Animal Studies). The purpose of this article is to show, first, that this thesis is historically inaccurate. From the birth of the social sciences they recognized that many animals had considerable subjectivity and established their continuity with man. And far from being the result of a feature of modernity — and its discourse that of science — the success of the theme of the frontier between nature and culture is, on the contrary, the result of a clear rejection of the hard sciences, and particularly biology, by the social sciences of the twentieth century. This return to the past thus helps to show that these recent rehabilitations of animal agency in fact revive another frontier — between the social sciences and the life sciences — and thus maintain the old philosophical dualisms associated with it. In so doing, they help close a path that promises to be particularly fruitful for documenting animal agency: a dialogue without reciprocal reduction between the social sciences and the life sciences.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RFS_561_0135