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Titre Le peuple est-il soluble dans la constitution ? Leçons tunisiennes
Auteur Jean-Philippe Bras
Mir@bel Revue L'année du Maghreb
Numéro Vol. VIII, 2012 Dossier : Un printemps arabe ?
Rubrique / Thématique
Dossier de recherche : Printemps arabe : une « révolution » pour les sciences sociales ?
Page 103-119
Résumé Cette contribution propose de décrypter, pour le cas tunisien, le passage du moment révolutionnaire, où le peuple veut la révolution, au moment constitutionnel, où le peuple évènement fait place au peuple référent, dans la mise en place des mécanismes de la représentation. Après une phase initiale où la pression de la rue ou des campagnes s'exerce pleinement sur des instances politiques dotées d'une légitimité faible, bricolée entre lambeaux de l'ordre constitutionnel ancien et une incertaine prétention à porter la revendication révolutionnaire, ce peuple acteur de la révolution se défait. Il consent à quitter son « état révolutionnaire » pour mandater une autorité à poursuivre le processus de changement politique. Dans cet acte de délaissement, il rencontre nécessairement la déception démocratique, des incertitudes de la représentation à travers l'élection. Aussi, dès le lendemain de son élection, l'Assemblée constituante est confrontée à de virulents débats sur la portée et la durée du mandat qui lui a été confié par le peuple électeur, où s'exprime la crainte d'une révolution confisquée par les vainqueurs des urnes (principalement le parti islamique Ennahda), qui ne furent pas, loin s'en faut, les principaux acteurs du moment révolutionnaire. Si la loi de la majorité est une des conditions de l'établissement d'un régime démocratique, comme le rappelle Adam Przeworski, elle ne peut se justifier de manière ultime que par une co présence des mécanismes de l'alternance. De plus, ainsi que le soulignait Hans Kelsen, le dispositif doit être complété par l'instauration d'un tribunal constitutionnel, la menace d'y recourir contribuant à obliger au compromis entre majorité et minorité parlementaires. De bonnes raisons pour observer de près la manière dont cette Assemblée constituante omnipotente va exercer son mandat constitutionnel et législatif, ainsi que les délais d'organisation des futures élections législatives.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais The purpose of our article is to elucidate the case of Tunisia, namely the transition from revolutionary moment when the people wanted a revolution, to constitutional moment, when the people-as-an-event became the people-as-areferent through the establishment of mechanisms of representation. Following an initial phase when the pressure of the street or rural areas was fully exercised on political bodies whose frail legitimacy was cobbled together from scraps of old constitutional order and a vague ambition to take on the revolutionary claim, the people who engaged in the revolution fell apart. They agreed to give up their “revolutionary status” and appoint an authority to continue the process of political change. In this act of surrender, they inevitably met with democratic disappointment and uncertainty about representation through elections. Also, the day after their election, members of the Constituent Assembly were faced with virulent debates on the scope and duration of the mandate entrusted to them by the voting people, who expressed their fear of having the revolution confiscated by poll winners (mainly members of the Islamic party Ennahda), who had not been, far from it, major players in the revolutionary moment. While the law of majority is a prerequisite for the establishment of democratic regimes, as Adam Przeworski recalled, it can only be justified ultimately by the co-presence of alternation mechanisms. In addition, as Hans Kelsen pointed out, the system must be supplemented by the establishment of a Constitutional Court, whose threat to intervene forces majority and minority parliamentarians to compromise. There are good reasons to observe closely how this omnipotent Constituent Assembly will exercise its constitutional and legislative mandate, and set the dates for organizing future legislative elections.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://anneemaghreb.revues.org/1423