Titre | Structures économiques et innovations financières | |
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Auteur | Michel Aglietta | |
Revue | Revue d'économie financière | |
Numéro | no 2, septembre 1987 L'Europe financière | |
Page | 43-58 | |
Résumé |
Structures économiques et innovations financières
Les innovations financières se sont accélérées dans les années quatre-vingts sous l'effet des politiques monétaires de lutte contre l'inflation et des répercussions de la crise de l'endettement. Elles ont pris leur essor dans le marché mondial des actifs financiers en dollars. Elles ont affecté les systèmes financiers des autres pays en y transmettant de nouvelles conditions de concurrence caractérisées par des taux d'intérêt réels élevés et par la hausse du dollar. Dans la perspective de construire un marché européen des services financiers, ces évolutions, qui ont été plus subies que décidées, posent des problèmes si l'on veut en tirer parti. Trois ordres de préoccupation se détachent : les incidences sur le financement de l'industrie, l'hétérogénéité des structures financières entre les pays européens, le contrôle monétaire et le degré de coopération que les autorités nationales sont prêtes à accepter.
Pour combler son relatif retard technologique, l'Europe doit augmenter sensiblement ses investissements d'innovation. Or ces investissements, souvent spécifiques, à risques élevés et horizons longs, appellent des relations solides et durables entre les entreprises et leurs financiers, au service d'une prospective. Telle n'est pas l'orientation des marchés financiers internationaux. L'anonymat des relations financières, le souci primordial de la liquidité, la recherche des plus-values en capital par l'arbitrage généralisé, ne favorisent pas l'évaluation du risque de l'innovation industrielle et le financement de la modernisation des petites et moyennes entreprises.
D'ailleurs rien n'indique, dans un univers économique incertain, que la mobiliérisation systématique des actifs financiers soit l'idéal vers lequel toutes les structures financières doivent se diriger. L'option allemande donne la prépondérance à l'intermédiation bancaire, à l'autofinancement élevé des entreprises, aux relations étroites et stables entre la finance et l'industrie. Le modèle britannique privilégie les marchés de capitaux perméables aux opérateurs étrangers, mais largement déconnectés de l'industrie nationale. Entre ces modèles polaires, il existe des traditions nationales d'organisation financière, établissant des combinaisons différentes de l'intermédiation bancaire et des marchés des capitaux. La formation d'un espace européen des services financiers devra compter avec ces préférences de structure qui créeront des difficultés plus tenaces que la résistance à établir la liberté des mouvements de capitaux.
Parmi ces difficultés se trouvent les différences dans les dispositifs du contrôle monétaire qui sont étroitement liés aux types d'organisation financière. Ainsi l'efficacité de la politique monétaire en Allemagne doit- elle beaucoup à sa transmission par les banques et à une action conjointe par les quantités et les taux. Au contraire, une politique exclusive par le taux d'intérêt monétaire, dans un exemple de marchés ouverts où les banques peuvent toujours emprunter pour financer des accroissements d'actifs, peut entraîner un conflit d'objectifs entre le taux de change et les agrégats internes. Il se pourrait donc que la plus grande coordination monétaire impliquée par la marche vers l'intégration financière européenne rencontre des obstacles à cause d'une perte d'efficacité du contrôle monétaire dans certains pays. Si l'on n'y prend garde, les conflits se résoudront par une plus grande variabilité des taux de change, donc par une régression des acquis du système monétaire européen. Source : Éditeur (via Persée) |
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Résumé anglais |
Economic Structures and Financial Innovation
Financial innovations have been accelerating during the nineteen eighties under the influence of anti-inflationary monetary policies and the repercussions of the debt crisis. They first made their appearance in the world market for financial assets in dollars. They have had an effect on the financial systems of other countries by introducing there new conditions of competition, characterised by high real interest rates and by the strength of the dollar. In the context of constructing a European market in financial services, these developments, which have been more inflicted on us than decided upon, pose problems to achieve what is required. Three types of preoccupation can be identified: the effects on the financing
of industry, the heterogeneity of financial structures as between European countries, and monetary control, including the degree of cooperation which the European national authorities are prepared to accept.
In order to make up for its relative backwardness in technology, Europe must significantly increase its investment in innovation. But these investments, often very specialised, carry high risks and long completion dates and they require supportive and durable relationships between the enterprises and their financiers. This kind of relationship is not encouraged by the orientation of the international financial markets. The anonymity of financial relationships, the overriding concern for liquidity, the search for capital growth through arbitrage, do not encourage a positive evaluation of industrial innovation risks and the financing of small and medium sized enterprises.
Moreover there is no reason why, in an economically uncertain world, the pattern of securization of financial assets should be an ideal towards which all the financial structures should steer themselves. The German choice has emphasised the intermediation of banks, a high level of self-financing by enterprises and close, stable relationships between finance and industry. The British model gives privileges to capital markets open to foreign participants, but largely separated from the national industry. Between these two extreme models, there are several national traditions of financial organisation, with different combinations of intermediation by banks and capital markets. The formation of a European financial space should take into account these structural preferences, which may create more enduring difficulties than the resistance against allowing free movement of capital.
Amongst these difficulties there are the differences between the mechanisms of monetary control, which are closely linked with the various structures of financial organisation. Thus, the effectiveness of monetary policy in Germany owes much to the part played by the banks in its transmission and to a mechanism based on both money supply and rates of interest. Conversely a policy which relies entirely on rates of interest, in a setting of open markets where banks can always borrow to finance an increase in their assets, can lead to a conflict between the objectives of exchange rates and internal aggregates.
It may therefore be that the greater monetary coordination implied by the movement towards European financial integration might encounter some obstacles due to the loss of effectiveness in monetary control in certain countries. Care will have to be taken lest these conflicts should result in greater volatility of exchange rates, and thus in a step backwards from the achievements of the European Monetary System. Source : Éditeur (via Persée) |
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Article en ligne | http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ecofi_0987-3368_1987_num_2_2_1499 |