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Titre « Alta, desnuda, única. Poesía »
Auteur Mathieu Duplay
Mir@bel Revue Amerika
Numéro No 4, 2011 Stéréotypes, tabous, mythes
Rubrique / Thématique
Mexique: mythes, tabous, stéréotypes au carrefour des identités
Résumé Dans El Niño (2000) et A Flowering Tree (2006), deux de ses opéras les plus récents, le compositeur américain John Adams (né en 1947) a choisi de travailler sur des livrets bilingues où l'espagnol occupe une place significative aux côtés de l'anglais ; c'est tout particulièrement le cas de El Niño où des textes d'auteurs hispano‑américains sont cités dans la langue d'origine. Chez Adams, le bilinguisme semble lié à une interrogation sur les usages politiques de la représentation. Ce lecteur d'Edward Said est sensible à la manière dont le discours du pouvoir s'arroge le droit exclusif de donner des peuples dominés une image présentée comme véridique et dont le prétendu savoir qui en résulte est instrumentalisé à des fins autoritaires. Le bilinguisme de El Niño contribue à interroger ce que l'on pourrait appeler en termes paradoxaux un orientalisme latino, le savoir de l'Amérique hispanophone que construit la représentation artistique et ses usages à des fins de domination ; en effet, il attire l'attention sur l'hétérogénéité des ressources dont usent le compositeur et son librettiste Peter Sellars, autrement dit sur ce qui les rend impropres à la constitution d'un discours hégémonique. Parallèlement, Adams et Sellars proposent une autre conception de la vérité, fondée non plus sur la quête d'une synthèse généralisante ni, a fortiori, sur la recherche d'une idéalité abstraite susceptible de s'imposer indépendamment du contexte, mais au contraire sur la prise en compte des déterminations particulières qui confèrent aux êtres et aux situations historiques leur pleine valeur de singularité. Sur ce point, ils rencontrent les préoccupations de l'auteur mexicain Rosario Castellanos, dont plusieurs poèmes sont repris intégralement dans le livret de El Niño. Lectrice de Simone Weil, Castellanos illustre par son écriture une conception à la fois éthique, esthétique et épistémologique de l'enracinement, défini comme l'attention amoureuse portée à ce qui est, à la réalité concrète qui est indistinctement beauté, puissance et vérité. De même, Adams et Sellars opposent à la fiction d'un savoir universel une pratique de l'écart, de l'intervalle et de la transition, celle‑là même qui, chez John Adams, a nom musique, et que Simone Weil appelle la vie.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://amerika.revues.org/2141