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Titre Rendre justice ou renforcer le patriarcat ? Le genre, la loi et la violence domestique
Auteur Sawmya Ray
Mir@bel Revue Droit et cultures
Numéro no 67, juin 2014 Les cultures à la rencontre du droit : l'Inde
Rubrique / Thématique
Dossier : Les cultures à la rencontre du droit : l'Inde
Page 81-124
Résumé La Constitution indienne garantit aux femmes l'égalité civique et c'est à l'État indien de s'assurer qu'une telle garantie constitutionnelle est respectée en toute circonstance. La loi constitue l'un des outils principaux permettant à l'État de s'assurer que les femmes bénéficient d'un traitement équitable en tant que citoyennes et que toute discrimination et violence fondée sur le genre soient bannies. Les exemples prouvent cependant que la loi n'a pas fait la preuve de son efficacité pour enrayer la myriade de formes de violence à caractère sexiste auxquelles les femmes à travers toute l'Inde se trouvent quotidiennement confrontées.  Les commissariats de police entièrement féminins, fruits du combat des mouvements féministes, entre autres, n'ont pas permis d'observer de changement substantiel. C'est dans ce contexte que cet article tente de comprendre la relation (à travers la loi) de l'État envers les femmes et son attitude dans leurs problèmes quotidiens. Il s'agira de se livrer à un examen attentif des moyens par lesquels l'État indien conçoit, répond et élabore la question de la violence à l'égard des femmes. Le présent article examine la culture au cœur de laquelle fonctionne le système judiciaire indien et dans quelle mesure il affecte la quête de justice des femmes. On cherchera ici à comprendre plus spécifiquement la perception, de la part du personnel judiciaire, à l'égard de la violence domestique et des manières dont celui-ci interprète et met en œuvre les lois existantes afin de se prononcer sur de telles affaires. Les données communiquées dans cet article ont été collectées dans le cadre de l'appareil judiciaire de l'État d'Odisha, situé dans la partie orientale du pays. Nous nous sommes fondés sur l'analyse de contenu d'affaires jugées par la Haute cour de l'Odisha dans les années 1988-2009 en lien avec les articles S498A et 304B IPC (Femmes Battues et Meurtre pour Dot), la Loi d'interdiction de la dot 4 & 6 et la Loi de protection des femmes contre la violence conjugale de 2005. Les données proviennent également d'observations dans tous les postes de police féminins ainsi que d'interviews approfondis avec le personnel judiciaire (police, avocats et juges) et un suivi de leurs réponses et attitudes quant à la question de la violence domestique. Cette étude affirme que le personnel judiciaire interprète et applique les articles en question de manière patriarcale et par là-même, renforce des notions sexuellement connotées telles que « femmes », « sexualité », « famille idéale », « masculinité » et « féminité ». Elle conclut qu'en dépit des amendements, les notions patriarcales telles que « chasteté » et « pureté », « devoir conjugal » » et « rôles genrés », « Sita et sati » « bonne et mauvaise femme » « famille sacrée » et autres sont utilisées pour refuser que justice soit faite aux femmes. Cet article insiste sur le fait qu'alors que des lois ont été promulguées et amendées de temps à autre (ce qui en soit n'est pas accompli de manière à tenir compte du genre), c'est surtout dans l'interprétation et l'application que l'État/la loi faillit. Il prouve comment, plutôt que de constituer un outil de lutte contre la violence faite aux femmes, la loi prend une part active et importante à perpétuer la discrimination et la violence sexistes, niant par là aux femmes une égalité civique.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais Constitution of India guarantees women equal citizenship and it is upon the Indian state to ensure that such constitutional guarantee is upheld in all circumstances. Law is one of the important tools through which the state aims to ensure that women are treated as equal citizens and any gender based discrimination and violence is not tolerated. However, literature shows that though everyday women across India face myriad forms of gender based violence, law has not proved to be an efficient mechanism to control such violence. The fruits of women's movement such as the establishment of all women's police station and others also have not made a substantial difference. It is in this context that this paper attempts to understand states' (through law) relationship with women and its attitude towards their everyday issues. An examination of the ways in which the Indian State through its legal system perceives, responds to and constructs the issue of violence against women is taken up. This paper examines the culture within which the Indian legal system functions and how it affects women's quest for justice. The focus here is on understanding the perception of legal personnel towards domestic violence and the ways in which they interpret and implement existing laws and adjudicate such cases.  Data for this paper has been collected from the legal system of the state of Odisha, situated in the eastern part of India. This paper is based on content analysis of cases judged by the Odisha High Court, for the years 1988-2009 related to sections S498A and 304B IPC (Wife Battering and Dowry Death), Dowry Prohibition Act 4 & 6 and Protection of Women against Domestic Violence Act, 2005. Data is also garnered from observations at all women police stations, and in-depth interviews of legal personnel (police, lawyers and judges) tracing their responses and attitudes towards the issue of domestic violence. This paper argues that legal personnel interpret and implement existing sections in patriarchal ways and in the process reinforce gendered notions such as «women», «sexuality» «ideal family» «masculinity» and «femininity». It brings forth how despite amendments patriarchal notions such as «chastity» and «purity», «womanly duties» «gendered roles» «Sita and sati» «good and bad wife» «family as sacred» and others are used to deny justice to women.  This paper emphasizes that while laws have been enacted and amended from time to time (which in itself is not taken up in a gender sensitive manner), it is mainly in their interpretation and implementation that the state/law has failed. The paper also brings to light the ways in which the patriarchal culture of the legal institution itself largely discourages women from accessing it and often victimizes the victim. It shows how rather than being a tool to fight violence against women, law often plays an active and important role in perpetuating gender based discrimination and violence, thus denying women right to equal citizenship.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://droitcultures.revues.org/3350