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Titre Le projet de liaison Rhin-Rhône à gabarit européen ou les mystères d'un pari
Auteur Alain Bonnafous
Mir@bel Revue Annales de géographie
Numéro no 593-594, 1997
Rubrique / Thématique
Articles
Page 107-128
Résumé Depuis le début des années soixante, le projet de liaison fluviale à grand gabarit entre la Saône et le Rhin a donné lieu à de multiples annonces de réalisation prochaine, mais aussi à de multiples études de prévision de trafic et d'évaluation qui conduisirent les pouvoirs publics à ne pas lancer les travaux. C'est à un moment où l'on ne croit plus guère à l'avenir du transport fluvial sur les parties du réseau trop denses en écluses que la réalisation du projet est inscrite dans une loi qui prescrit qu'il doit être achevé en 2010. Pourtant, dès 1961, dans une lettre adressée au Premier Ministre, le Commissaire au Plan, Pierre Massé, recommandait un renoncement définitif au projet en s'appuyant sur une réflexion prospective qui donnait une étonnante description de ce qu'allaient devenir nos besoins de transport. Le déclin des parts de marché du transport fluvial, prévu à un moment où il était encore en expansion, s'est implacablement confirmé depuis les années 70, aussi bien en France qu'en Allemagne. Dans ce contexte, seule résiste la portion du réseau européen qui ne comporte pas d'écluse et peut ainsi proposer des prix relatifs très compétitifs par rapport au chemin de fer, compensant ainsi une moindre vitesse commerciale. A l'inverse, avec une vitesse commerciale qui s'effondre et des coûts, par conséquent, plus élevés, cette compétitivité s'amenuise à mesure que s'accroît la densité des écluses. Avec plus d'une écluse tous les 10 km en moyenne, le canal Rhin-Rhône sera particulièrement mal placé, d'autant qu'il sera concurrencé par la ligne ferroviaire existante, qui a des réserves de capacité plusieurs fois supérieures à la capacité totale de l'ouvrage prévu. La comparaison avec les conditions de navigation sur le Rhin, ainsi que les leçons qui peuvent être tirées de l'expérience du Rhin-Main-Danube, loin de constituer des arguments en faveur du projet, ainsi que s'efforce de le faire croire le lobby favorable au canal, viennent confirmer son très faible intérêt, en dépit de son énorme coût. Cet article s'efforce, également, de montrer par quels détours les hommes politiques ont pu être trompés sur la consistance de ce dossier, malgré les prévisions et évaluations régulièrement produites par les services de l'État.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais From the early sixties, the Rhine-Rhone Canal project gave rise to numerous announcements according to which the project was to be carried out shortly, but gave also rise to a lot of forecasts and assessment studies which suggested to decision makers not to realize it. Even though waterborne transport is generally regarded as little promising especially for sites where the network is allowing too many locks, the realization of the project was enacted in 1995 in a French Act. According to this Act, the project is to reach completion by 2010. Nevertheless, in 1961, French Commissaire au Plan sent a letter to the Prime Minister in order to suggest that the project should be cancelled definitively. His arguments were based on a fascinating description of what transport needs should be in the future and have actually become on. In France as well as in Germany, from the '70s onwards, the waterborne market share is on a decreasing trend. The only efficient part of the waterborne network is the part free of lock, one on which freight prices are competitive enough compared with railway prices thus balancing a lower commercial speed. But when locks density increases, the commercial speed on rivers decreases lower and lower while operating costs are necessary increase. With one lock every 10 km, and even more, the Rhine-Rhone Canal will be a weak competitor of the railway which offers already a capacity several times more important than the future capacity of the canal. The Rhine shipping route and the lessons that can be drawn from it, as well as the example of the Rhine-Main-Danube Canal, are frequently used by the Rhine-Rhone lobby in the French debate. On the contrary, the technical and economic comparisons show that the German example proves the poor interest of the very costly French project. In addition, this paper presents the stratagems by which politicians were deceived despite several official forecasts and evaluation studies.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/doc/geo_0003-4010_1997_num_106_593_20767