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Titre Génocide des Tutsis au Rwanda : quand le viol des femmes est utilise pour annihiler l'origine même de la vie et de la pensée
Auteur Patrick Rwagatare, Jean-Luc Brackelaire
Mir@bel Revue Cahiers de psychologie clinique
Numéro no 45, 2015/2 Sexe et tabou
Rubrique / Thématique
Sexe, tabou et société
Page 165-189
Résumé Le viol a été systématiquement utilisé comme une arme redoutable au cœur du génocide des Tutsis au Rwanda. La cruauté qui accompagnait les violences sexuelles s'est particulièrement appuyée sur les tabous qui étaient au cœur de la société, retournant la culture contre elle-même (Godard, 2014). Le présent article traite des expériences vécues par les femmes victimes de ces actes ignobles perpétrés dans un tel contexte. Elles portent la marque d'une destruction invisible et secrète du lieu même de la fécondation, de l'espace intérieur où germent la vie et la pensée (Altounian, 2000). Leurs témoignages se sont dits et ont été recueillis dans le cadre d'une recherche-action au travers de groupes de parole. Au sein de ce dispositif de travail clinique, les femmes rencontrées tentent de renouer avec l'originaire et la pensée annihilée par le viol sur fond d'extermination génocidaire. Leurs récits témoignent de ce travail de réorigination, de reprise d'une pensée personnelle, de réappropriation par les femmes de leur histoire pour la relancer. Elles s'attellent, au péril d'elles-mêmes, chacune et en groupe à une (re)création de leur personne propre et d'un collectif féminin. L'article montre comment un tel processus implique notamment l'élaboration mythique d'une origine familiale sur le fond de la disparition de la famille ; une tentative périlleuse et vitale de reprise personnelle et sociale, partagée, des événements de vie qui ont empêché la vie, qui se répètent entre générations et que l'on essaye de reconnaître et transmettre lorsqu'on réélabore l'histoire à partir d'aujourd'hui ; et une traversée par la pensée et la parole partagées des expériences de mort subies lors des viols et autres violences sexuelles dans le génocide.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais Rape was used systematically as a dreadful weapon at the heart of the Tutsi genocide in Rwanda. The cruelty accompanying the sexual violences relied specifically on taboos which were at the very heart of the society, thus turning the culture against itself (Godard, 2014). The present article deals with the experiences lived by the women victims of these wretched acts, perpetrated in such a context. They bear the mark of an invisible and secret destruction of the very place of fecundation, of the inner space where life and thought germinate (Altounian, 2000). Their testimonies are given and gathered in the context of a research-action taking place via support groups. Within this clinical work plan, the women encountered try to renew ties with their origins and the thought annihilated by rape with a view to genocidal extermination. Their accounts testify to this work of re-origination and recovery of a personal thought, of these women's re-appropriation of their history to begin it again. At personal risk to themselves, individually, and as a group, they grapple with the (re)creation of their own person and a female collective. The article shows how such a process notably involves the mythical elaboration of a familial origin set against the very disappearance of the family ; a shared, perilous yet vital attempt at personal and social recovery, of lived events which have prevented life, which repeat themselves between generations and which one tries to recognize and transmit in re-elaborating history as of today ; and a voyage via shared thought and words of experiences of death undergone during the rapes and other sexual violences during the genocide.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=CPC_045_0165