Titre | Don gratuit, spiritualité au travail, sens au travail : Trois théories pour un management non instrumental du travail | |
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Auteur | Ariane Berthoin Antal, Sandrine Frémeaux | |
Revue | Revue Interdisciplinaire Management, Homme & Entreprise — RIMHE | |
Numéro | no 8, août-septembre-octobre 2013 Spiritualité et Management | |
Rubrique / Thématique | Dossier : Spiritualité et Management |
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Page | 3-18 | |
Résumé |
Bien que les chercheurs ont depuis longtemps reconnu le besoin humain de donner du sens au travail (Maslow, 1964, 1998), ils n'ont pas encore développé un cadre théorique solide sur le management et la spiritualité au travail. Les logiques rationnelle et instrumentale dominent la théorie managériale, et se concentrent sur une approche réductrice du travail. Dans la mesure où la spiritualité est étudiée dans la littérature managériale, la discussion tend à osciller entre des analyses instrumentales de la spiritualité et du sens au travail d'une part, et la dénonciation de ce risque d'instrumentalisation d'autre part. Cet article adopte une approche différente en ouvrant le cadre de référence à une analyse des théories non instrumentales du travail. Il peut donc être considéré comme une contribution au champ émergent des « économies diverses » (Gibson-Graham, 2008).La première logique non instrumentale que nous explorons dans cette étude est la théorie du don gratuit. Elle se distingue de la logique de l'échange-don (Blau, 1964 ; Caillé et Godbout, 1992 ; Balkin et Richebé, 2007) qui demeure basée sur la réciprocité, même si le calcul est tabou et si la nature et le moment du contre-don sont incertains. Le concept de don gratuit ou de don existentiel est enraciné dans une logique altruiste (Kolm, 1981). Il prend racine dans le besoin humain de donner sans calcul, en laissant le receveur libre d'accepter ou non le don (Frémeaux et Michelson, 2011).Une deuxième logique non instrumentale réside dans les théories de la spiritualité au travail. Des chercheurs ont identifié un éventail de caractéristiques associées à la spiritualité, comme l'expérience personnelle, un sentiment de connexion, le sens du service, la participation au bien de l'humanité (par exemple, Mitroff, 2003). Nous retenons deux principales composantes de la spiritualité au travail : le travail permet aux individus de communiquer avec les autres et avec ce qui est plus grand qu'eux.En troisième lieu, les théories du sens au travail sont également non instrumentales par nature. Les chercheurs remarquent que le sens au travail ne dépend pas exclusivement du management ou des conditions extérieures (Nozick, 1974). Ce sont aux individus de donner du sens à leur travail à tous les niveaux de l'organisation (Michaelson, 2005 ; Weick, 1995).Nous mettons en évidence des éléments de convergence entre ces trois approches en dégageant quatre dimensions similaires : développement personnel, relations aux autres, service aux autres, et idéaux humanistes. Cette approche intégrée ouvre la voie à de nouveaux champs de réflexion managériale. Certes, la gestion du don gratuit est inconcevable, le management de la spiritualité au travail est risqué, le management du sens au travail serait une illusion contre-productive. Mais nous proposons un moyen de sortir de l'univers du management « déshydraté » (Adler, 2010) en suggérant qu'une approche spirituelle peut devenir une source de transformation managériale lorsqu'elle aboutit à rendre possible le développement personnel, les relations de qualité aux autres, le service aux autres, et la réalisation des idéaux humanistes. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
Although scholars have long recognized the human need to experience work as a meaningful experience (Maslow, 1964, 1998), they have not yet developed a theoretically sound framework to address management and spirituality at work. The logics of rationality and instrumentality dominate management theories and are based on a reductionist understanding of work. In so far as spirituality is dealt with the management literature, the discussion tends to oscillate between instrumental analyses of spirituality and meaning at work on the one hand, and denunciations of these risks of instrumentalization on the other hand. This article takes a different approach by opening the frame of reference to include non-instrumental logics. It can therefore be considered a contribution to the emerging field of “diverse economies” (Gibson-Graham, 2008).The first non-instrumental logic explored here is the theory of the gratuitous gift. It differs from the logic of gift exchange (Blau, 1964; Caillé et Godbout, 1992; Balkin et Richebé, 2007), which is based on an underlying expectation of reciprocity, even if there is a taboo on calculating the value of the gift, and timing and content of the counter-gift are uncertain. By contrast, the concept of the gratuitous or existential gift is rooted in an altruistic logic (e.g., Kolm, 1981). It is rooted in the human need to give without calculating, leaving the recipient free to accept the gift or not (Frémeaux et Michelson, 2011).A second non-instrumental logic is to be found in theories of spirituality at work. Scholars have identified a broad range of characteristics associated with spirituality, such as personal experience, a feeling of connection, a sense of serving and participating in humanity (e.g., Mitroff, 2003). We retain two principal elements relating work and spirituality: work can enable people to connect with others and with something greater than themselves.Third, theories related to the meaning of work are also non-instrumental in nature. Scholars in this field note that “meaningful work” does not depend entirely on management or external conditions (Nozick, 1974). They position individuals as capable of creating meaning and making sense of their work for themselves in all walks of life, at all levels of organization (Michaelson, 2005, Weick, 1995).We highlight the convergence between these three approaches and identify four similar dimensions: personal development, relations with others, service to others, and humanist ideals. The model reveals the avenues open to management in this context, after specifying that the management of spirituality is risky, just as the management of the gratuitous gift is unconceivable, and management control of sensemaking at work is a counterproductive illusion. We offer a way out of the problem of “dehydrated” management (Adler, 2010) by suggesting that taking a spiritual approach can become a source for transforming management into the intentional pursuit of creating the collective conditions for freedom of development, quality relations, service to others, and the realization of humanist ideals. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=RIMHE_008_0003 |