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Titre Les dommages de l'anglais comme langue véhiculaire : tous les niveaux de la société contemporaine en Europe sont concernés
Auteur Jean-Claude Barbier
Mir@bel Revue Hermès (Cognition, Communication, Politique)
Numéro no 75, 2016/2 Langues romanes : un milliard de locuteurs
Rubrique / Thématique
II. Les langues romanes à l'ère de la communication et du tout-anglais
Page 111-119
Résumé Il existe de nombreuses illustrations des dommages causés par l'imposition, au sein de l'Union européenne, d'une hégémonie de fait de l'anglais. En large partie, cette imposition est le résultat d'une absence de politiques linguistiques à ce niveau de gouvernement. L'article réfléchit à propos de deux exemples de pratiques linguistiques très différentes : la première est celle des citoyens ordinaires de l'Union européenne qui, en raison de leur incompétence majoritaire dans la langue anglaise, se trouvent, pour l'essentiel, exclus de fait de la politique européenne telle qu'elle se fait, c'est-à-dire en anglais. Il s'ensuit des phénomènes d'exclusion qui mettent en avant une opposition entre des « élites » parlant et comprenant l'anglais et les citoyens ordinaires. Ces « élites » ne s'aperçoivent pas qu'en oubliant volontairement la question de l'égalité des langues dans l'exercice de la politique en Europe, elles contribuent à nourrir ce qu'elles appellent le populisme. La deuxième pratique, au contraire, est celle des chercheurs en sciences sociales. On pourrait croire que la pratique de la langue anglaise est très répandue, puisqu'elle est exigée pour les critères d'évaluation. Il n'en est rien : l'anglais pratiqué reste très rudimentaire et limité (parmi les professions à contenu intellectuel dans l'Union européenne actuelle, près d'une personne sur cinq ne comprend pas l'anglais, et près de neuf personnes sur dix ne sont pas parmi celles qui parlent l'anglais bien ou couramment). S'il permet l'hégémonie des revues de langue anglaise et américaine en sociologie, par exemple, l'usage hégémonique de l'anglais se fait aux dépens de la qualité de la recherche.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Résumé anglais There are many examples of the damage that is done by the imposition of a de facto hegemony of English within the European Union. To a large extent, this imposition results from the lack of linguistic policy at that level of government. This article considers two examples involving very distinct linguistic practices : the first is that of ordinary citizens in the European Union who, because the majority of them are linguistically incompetent in English, find themselves in a state of de facto exclusion from European political life as it takes place, that is, in English. This leads to forms of exclusion that highlight the opposition between “elites” who speak and understand English and regular citizens who do not. These “elites” are not aware that, by willingly ignoring the question of the equality of languages in European politics and policy, they stoke the flames of what they themselves call “populism”. In contrast, the second practice concerns researchers working in the social sciences. We might believe that English is widely used by social scientists because it is required in the criteria by which they are evaluated. However, this is not the case at all, for their real English language skills remain very rudimentary and limited (nearly one in five knowledge workers in the European Union does not understand English, and almost nine out of ten do not speak it well or fluently). Although, in the field of sociology, for example, this may allow for a hegemony of academic journals in American and British English, such hegemonic use of language comes at the price of a lower quality of research.
Source : Éditeur (via Cairn.info)
Article en ligne http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=HERM_075_0111