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Titre Farani Taioro. La première génération de colons français à Tahiti
Auteur Michel Panoff
Mir@bel Revue Journal de la Société des Océanistes
Numéro Tome 37, no 70-71, mars-juin 1981
Rubrique / Thématique
Articles
Page 3-26
Résumé Contrairement à leurs homologues anglophones qui ont donné naissance à une abondante littérature tant érudite que romanesque, les premiers Français établis à Tahiti n'ont guère retenu jusqu'à présent l'attention des historiens et des sociologues. Comme si manquait cruellement le prestige de l'exotisme, seul capable de stimuler l'intérêt de chercheurs répugnant à retrouver dans les mers du Sud les « petites gens » qui peuplent les romans réalistes du XIXe siècle. Cette lacune est grave car il s'en faut que la communauté euro-tahitienne ait été fondée par les seuls Anglais et Américains aux mœurs pittoresques et aux entreprises prospères ; les colons français de la première génération, ces anti-héros, y ont contribué tout autant, sinon davantage. Mais surtout ils nous offrent, cabaretiers, artisans et boutiquiers, le spectacle d'une petite bourgeoisie en voie de formation, phénomène majeur de l'époque, outre-mer comme en France. Tels sont les motifs de la présente étude qui s'efforce, dans un premier temps, de retracer le devenir de 130 résidents français recensés en 1863, soit 81 % de tous ceux qui furent dénombrés à cette date. En une seconde étape sont mis en évidence le jeu des forces économiques, l'échec du colonat militaire, la division de la société coloniale en classes poursuivant des intérêts spécifiques, et la rivalité entre les Français et la communauté étrangère de Tahiti. On découvre enfin que ce dernier antagonisme entre nationalités coïncide approximativement avec le clivage entre bourgeoisie et petite bourgeoisie, l'humble origine, le mode de vie sans panache et la fragile réussite économique des Français provoquant régulièrement le mépris ou la condescendance des grands négociants anglophones. Pour compenser ce handicap nos compatriotes furent d'autant plus enclins à rechercher des positions d'influence dans les domaines politique et administratif à partir des années 1860. Et c'est probablement la conjonction de telles aspirations avec une condition objectivement modeste qui a excité la verve ironique des Tahitiens dans des formules stéréotypées comme celle qui figure en tête de cet article.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais Contrary to their Anglophone opposite numbers who have given rise to a lot of literature, both scientific and fictional, the first French who settled in Tahiti have to date had little attention from historians and sociologists. It is as if, since the glamour of exotic personalities was lacking, researchers were not interested in the fortunes of a lower middle class — the subject of so many realist novels of the 19th century — in the south seas. This gap is serious because it is not true that the Euro-Tahitian community was founded only by English and Americans with picturesque customs and prosperous businesses. French settlers of the first generation, those anti-heroes, contributed just as much, if not more. But above all they offer — inn-keepers, craftsmen, and shopkeepers — the spectacle of the development of a lower middle class, a major phenomenon of the colonialist period, as in France. The present study first retraces the evolution of 130 French residents in the 1863 census, 81 % of all those listed at that date. The second part discusses the economic forces at work, the colonial military setbacks, the dividing of the colonial society into classes according to their specific interests, and the rivalry between the French and the foreign community of Tahiti. This antagonism between nationalities coincides approximately with the gulf separating the middle class and the lower middle class. The humble origins of the latter, its unexciting way of life, and the shaky economic success of the French constantly provoked the contempt or condescension of important Anglophone traders. To offset this handicap our compatriots were the more inclined to look for influential positions in politics and administration from the 1860s. It is probably the combination of such aspirations with an objectively modest status which roused the ironical verve of the Tahitians in stereotyped formulas such as that which heads this article.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne http://www.persee.fr/doc/jso_0300-953x_1981_num_37_70_3046