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Titre La liberté de la vie privée
Auteur François Rigaux
Mir@bel Revue Revue internationale de droit comparé
Numéro vol. 43, no. 3, 1991
Rubrique / Thématique
ETUDES
Page 539-563
Résumé En pénétrant dans le droit positif, la vie privée, longtemps protégée par les mœurs et les usages sociaux, est entrée dans une sphère publique, celle du procès et des moyens d'exécution des décisions judiciaires. Les premières expressions jurisprudentielles de la protection des biens de la personnalité apparaît dans la première moitié du XIXe siècle, en Angleterre (1825, 1849), en France (1845). A ses origines elle complète la protection insuffisante accordée au droit d'auteur et à la fin du siècle elle se renforce de la notion nouvelle de « droit moral » de l'auteur. Quatre causes peuvent être assignées à l'accession des biens de la personnalité à la qualité de biens juridiques, à savoir : 1° le développement technologique ; 2° l'émergence de sociétés de masse ; 3° la formation d'un marché d'échange généralisé dont les biens de la personnalité ne sont pas absents ; 4° le pluralisme des morales et des valeurs. La vie privée des notables est la plus menacée et la plus protégée. La notion générique de personnages publics n'est pas adéquate pour désigner une catégorie très hétérogène : autorités publiques, chefs d'église, personnalités de la vie économique, personnes s'adonnant à une exploitation professionnelle des attributs de leur personnalité, membres de familles régnantes ou ayant régné, personnalités de la vie mondaine. La vie privée des anonymes ou des sans-grades est menacée d'une autre manière, en raison de leur vulnérabilité aux aléas de l'existence, de leur besion d'entrer en relation avec autrui dans une situation dépendante. La valeur d'actualité des accidents, des infractions dont une personne est victime l'expose à des divulgations souvent pénibles. Contrairement à une opinion dominante, le droit au respect de la vie privée et les autres biens de la personnalité ne sont pas des droits subjectifs et ils n'ont pas une nature exclusivement non patrimoniale. Aucun attribut de la personnalité y compris la pudeur qui n'ait pénétré dans un marché d'échange généralisé mais c'est aussi l'occasion de critiquer la distinction rigoureuse entre droits patrimoniaux et droits non patrimoniaux, tous les droits et intérêts participant, à des degrés divers, à ces deux caractères.
Résumé anglais Although long protected by morals and social customs, privacy, by coming into positive law, also came into a public sphere, that oflawsuits and means of exécution of judicial decisions. Jurisprudential expressions of the protection of personality rights first appeared in the first half of the 19 th century, in England (1825, 1849) and in France (1845). Originally, it completed the insufficient copyright protection, and at the end of the century it was reinforced by the new notion of « moral rights » of the author. Four causes can be given to the accession of personality rights to the quality of juridical rights : 1° technological development ; 2° émergence of mass societies ; 3° creation of a generalised exchange market in which personality rights are included ; 4° pluralism of morals and values. Privacy of leading citizens is the most threatened and the most protected. The generic notion of public figures is inadequate for designating a very heterogeneous category : public authorities, church leaders, leaders of economy, persons professionally using the attributes of their personality, members of ruling families or families having ruled, personalities of society life. Anonymous or ungraded persons are faced with another menace on their privacy, because of their vulnerability to the hazards of life, and their need to have a relationship with others in a dépendant situation. The newsworthiness of accidents or infractions of which they are victims exposes them to often painful divulgations. Contrary to a dominant opinion, the right to privacy and other personality rights are no subjective rights and are not of an exclusively non-patrimonial nature. All attributes of personality, including decency, have now penetrated into the generalised exchange market, and this can lead to criticism of the rigourous distinction between patrimonial and non-patrimonial rights, ail rights and interests taking part, at different degrees, in these two.
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1991_num_43_3_2290