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Titre L'espace en linguistique cognitive : problèmes en suspens
Auteur Jean-Michel Fortis
Mir@bel Revue Histoire, Epistémologie, Langage
Numéro vol.26, n°1, 2004 Langue et espace : retours sur l'approche cognitive
Rubrique / Thématique
Langue et espace : retours sur l'approche cognitive
 Articles
Page 43-88
Résumé Dans cet article, nous discutons des problèmes auxquels doivent faire face les théories qui décrivent les conditions d'emploi des morphèmes «spatiaux» (notamment les adpositions) en faisant référence essentiellement aux propriétés des entités situées et aux relations concrètes qui les unissent. Nous soulignons que l'emploi des adpositions repose aussi sur des facteurs «pragmatiques», qui reflètent chez les locuteurs la préoccupation de focaliser sur l'information pertinente dans un contexte donné, et aussi sur la prise en compte de la valeur différentielle des prépositions concurrentes et du type aspectuel du verbe qu'elles complètent. Dans le cas où les adpositions sont définies de manière très spécifique et, dans leurs usages spatiaux, en référence à la spatialité, rendre compte de leur polysémie, par exemple de leur emploi pour signifier des relations temporelles, s'avère problématique. La notion de catégorie radiale (à degrés de typicalité) est souvent appelée à la rescousse. Toutefois, cette notion suscite de nombreuses questions, dont celle de savoir si les catégories ainsi dégagées sont des comptes rendus descriptifs de faits linguistiques ou des hypothèses psychologiques sur la structure des représentations sémantiques. En outre, il est souvent affirmé que l'extension des expressions «spatiales» à des domaines non spatiaux résulte de transferts métaphoriques. Nous montrons que ce processus de métaphorisation pourrait n'être pas aussi systématique qu'on veut souvent le croire, notamment en ce qui concerne les usages temporels des expressions «spatiales». Enfin, nous proposons une typologie sémantique des modes d'expression des relations spatiales. Cette typologie nous sert à illustrer le fait que les relations spatiales peuvent être exprimées par des morphèmes ou des constructions qui n'ont pas de signification «spatiale». Cette dernière observation discrédite à notre avis l'idée de délimiter nettement l'ensemble des expressions spatiales par le fait d'avoir une signification spatiale, et compromet toute tentative d'associer l'expression des relations spatiales au fonctionnement d'un module de traitement cognitif des relations spatiales.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais The theories in which the conditions of use of «spatial» expressions (especially adpositions) are based on the properties of entities and the concrete relationships between entities are confronted by a number of problems. In this paper, it is claimed that the choice of «spatial» adpositions cannot be determined solely by such properties and relationships, but also hinges on pragmatic factors. These factors reflect the speaker's intention to focus on certain pieces of information and, conversely, to deemphasize other ones. It is also shown that the choice of «spatial» adpositions is dependent on the differential semantic value of the competing adpositions and on the aspectual type of the head verb. Defining adpositions in very specific terms or giving definitions in terms that refer to spatial properties leads to further problems. In order to account for polysemy, theorists of the cognitive school often resort to radial categories (where membership within the category ranges over a scale of typicality). This paper highlights issues that confront such accounts. In particular, do such theories provide descriptive accounts of linguistic facts or are they instead psychological hypotheses on the structure of semantic representations? Also, it is often claimed that extensions of «spatial» expressions to non spatial domains rest on metaphorical transfers. We show that metaphorization may not be as systematic as it is commonly assumed, notably when «spatial» expressions are used to refer to temporal relationships. A semantic typology for the expression of spatial relationships is then proposed. It is shown that languages may express spatial relationships through the use of morphemes or constructions that have no «spatial» meaning. This last observation runs counter the hypothesis that «spatial» expressions form a clear-cut set whose members all specify spatial meanings. Moreover, it compromises the claim that the members of this set have properties which reflect those of a cognitive module dedicated to the processing of spatial relationships.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_2004_num_26_1_2186