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Titre L'imaginaire d'une langue nationale : l'État, les langues et l'invention du mythe de l'ordonnance de Villers-Cotterêts à l'époque moderne en France
Auteur Paul Cohen
Mir@bel Revue Histoire, Epistémologie, Langage
Numéro vol.25, n°1, 2003 Politiques linguistiques (2/2)
Rubrique / Thématique
Politiques linguistiques (2/2)
 Articles
Page 19-69
Résumé Le récit traditionnel de l'histoire de la langue française identifie l'Ordonnance de Villers-Cotterêts de 1539 comme le moment où l'État français a imposé pour la première fois le français comme langue nationale de la France. Pourtant, comme l'ont démontré des travaux récents, l'édit a peu contribué à la dissémination du français dans le royaume — un processus qui était déjà bien entamé en 1539 —, et ses auteurs ne le concevaient pas comme un instrument de l'unification linguistique de la France. L'idée selon laquelle Villers-Cotterêts aurait constitué une sorte de prototype des politiques linguistiques modernes constitue alors un mythe, inventé quelques décennies après la mort de François Ier. Mais le fait de qualifier l'ordonnance de fiction ne revient pas à rejeter son intérêt en tant qu'objet d'analyse historique. Comme beaucoup de mythes, l'histoire de cette fiction-ci est intimement liée à l'histoire de l'objet qu'elle déforme. Les façons dont on a interprété Villers-Cotterêts reflètent l'évolution des idéologies politiques et des conceptions de la relation entre le prince et la langue. Dans cet article, il s'agit de reconstruire l'histoire du mythe de Villers-Cotterêts à l'époque moderne. Je montre que Villers-Cotterêts est une mémoire «inventée», façonnée au XVIe siècle à partir de topoi humanistes et de références à l'histoire antique bien connues, et érigée au XVIIe siècle en tant que cadre explicatif de l'histoire du français pour inscrire la langue française au sein de l'absolutisme.
Source : Éditeur (via Persée)
Résumé anglais The traditional narrative of the history of French holds up the 1539 Ordinance of Villers-Cotterêts as the moment when the French state first imposed French as the national language of France. As recent scholarship has shown, however, not only did the edict contribute little to the dissemination of French — a process which was already well underway in 1539 —, its authors did not conceive of their project as an attempt to unify linguistically France. The view that Villers-Cotterêts constituted a Renaissance form of state-managed language planning is therefore a myth which came into being within a generation of François I's death. To qualify the ordinance as a fiction is by no means to reject its utility as an object of historical analysis. Like many myths, this particular fiction is intimately bound up in the history of the object it misrepresents. The ways people have interpreted Villers-Cotterêts reflect the evolution of political ideology and of definitions of the proper relationship between the prince and language. I propose in this paper to excavate the history of the myth of Villers-Cotterêts in the early modern period. I argue that Villers-Cotterêts is an invented memory, fashioned in the sixteenth century, from humanist tropes and commonplace references to classical history, and raised up as the central explanatory framework for the history of French in the seventeenth century in order to inscribe the French language within absolutist political theory.
Source : Éditeur (via Persée)
Article en ligne https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_2003_num_25_1_2112