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Titre Faut-il supprimer les sociétés à risque limité ? Apport et critique de l'analyse américaine du droit des sociétés
Auteur Pierrick Le Goff
Mir@bel Revue Revue internationale de droit comparé
Numéro vol. 51, no. 3, 1999
Rubrique / Thématique
ÉTUDES
Page 593-617
Résumé Bien que jouissant d'une assise historique confortable, la règle de responsabilité limitée des actionnaires, si caractéristique du droit des sociétés de capitaux, est depuis quelques années au centre d'un vif débat au sein des spécialistes américains de l'analyse économique du droit des sociétés. Ce débat, dont les conclusions peuvent utilement servir de réflexion sur le droit français des sociétés de capitaux, a permis de mettre en exergue les principales déficiences de la règle de responsabilité limitée. Les critiques adressées à cette règle, lesquelles reposent sur de solides raisonnements économiques, visent à démontrer son manque d'efficacité et, en particulier, son caractère injuste à l'égard des victimes de dommages causés dans le cadre d'une responsabilité délictuelle de la société. De nombreux auteurs ont donc naturellement été amenés à proposer des solutions de remplacement. La plus surprenante fut présentée par H. Hansmann et R. Kraakman en 1991 dans la prestigieuse revue de droit de la Yale Law School. Elle a pour objet la mise en oeuvre d'un système généralisé de responsabilité illimitée des actionnaires en cas de responsabilité délictuelle de la société. L'analyse économique de cette proposition démontre toutefois qu'elle n'est pas sans faille. De plus, sa viabilité dans un contexte international est particulièrement douteuse compte tenu de délicats problèmes de conflits de lois et conflits de juridictions. Plutôt que de supprimer la règle de responsabilité limitée des actionnaires, il semble donc plus prudent de l'assortir de certains garde-fous. À cet égard, certaines solutions proposées par les auteurs américains pour parer aux principaux excès de cette règle ont déjà été mises en oeuvre en Europe. Il en est ainsi de l'obligation faite aux sociétés de disposer d'un capital social minimum ou du renforcement de la responsabilité des dirigeants d'entreprises. Toutefois, ces solutions ne sont pas la panacée et on ne peut donc qu'espérer que les réflexions menées en Europe et aux États-Unis sur le gouvernement d'entreprise permettront d'apporter dans un avenir proche de nouvelles perspectives d'amélioration du système actuel.
Résumé anglais The rule oflimited liability of shareholders enjoys a long tradition in American corporate law and is one of the main characteristics of the structure of corporations. Over the past few years, though, it has been at the center of an animated debate among American specialists of the law and economies analysis of corporate law. This debate has shed light on the main deficiencies of the rule of limited liability and its conclusions may usefully serve as a tool to reflect on French corporate law. The criticisms made of this rule, which rest on solid economie reasoning, aim at demonstrating its lack of efficiency and, in particular, the injustice that it creates toward the corporation's involuntary creditors, i.e. tort victims. As a resuit, several scholars have proposed alternatives to the rule. The most astonishing one was presented by H. Hansman and R. Kraakman in an article published in the 1991 edition of the prestigious Yale Law Review. These authors propose a generalized System of unlimited shareholders'liability in the event of corporate torts. The law and economies analysis of this proposai reveals that it is not exempt from certain weaknesses. In addition, its ability to present a viable alternative in an international context is quite questionable in view of the conflict of laws and conflict of jurisdictions problems that it raises. Rather than merely suppressing the rule oflimited liability, it therefore appears more reasonable to maintain this rule but to add to it certain precautionary measures. Some of the solutions proposed by American scholars to limit the most blatant inefficiencies of the rule, such as compulsory minimum capital requirements or increased liability of corporate executives, have already been implemented in Europe. It remains that these are not miracle solutions and it is therefore to be hoped that the studies carried out in Europe and in the United States in the field of corporate governance will bring about new proposais to improve the current System in the near future.
Article en ligne http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/ridc_0035-3337_1999_num_51_3_18251