Contenu de l'article

Titre De l'ordre moral à l'ordre social. L'application des lois pénalisant la sexualité prémaritale selon des lignes de classe
Auteur Mériam Cheikh
Mir@bel Revue L'année du Maghreb
Numéro no 17, 2017 Dossier : Genre, santé et droits sexuels et reproductifs au Maghreb
Rubrique / Thématique
Dossier: Genre, santé et droits sexuels et reproductifs au Maghreb
Page 49-67
Résumé L'analyse des pratiques prostitutionnelles en termes d'économie intime au Maroc permet, d'une part de mettre en lien des pratiques sexuelles généralement séparées (actes prostitutionnels et actes sexuels intimes non prostitutionnels) et ainsi, d'autre part, d'observer comment ces pratiques sont abordées par la police dans un pays où la sexualité en dehors du mariage demeure illégale. C'est donc une observation de l'évolution de la criminalisation des mœurs et du travail des brigades de police que cet article cherche à illustrer et analyser à travers des données ethnographiques et une revue de la presse locale (Tanger) jouant un rôle important dans l'évolution du rapport de la police aux « crimes moraux ». L'analyse des politiques de régulation en matière de mœurs et du travail policier montre comment la prohibition légale des relations sexuelles hors-mariage, largement devenue lettre morte en raison de la prise en compte en pratique par l'autorité publique de l'évolution des mœurs, tend à n'être concrètement mis en œuvre qu'à l'encontre de filles aux profils variés mais toutes en situation précaire – à l'exception des cas instrumentalisés à des fins politiques – que la police fait entrer, sans s'embarrasser du préjudice porté à celles qui ne pratiquent pas « le sortir », dans la catégorie homogène de « prostituées ». Cette modalité de l'action policière vient renforcer une distinction de fait entre bonnes et mauvaises féminités qui ne correspond plus aux oppositions morales locales entre vierges et non-vierges, ou entre filles de maison et filles de rues, mais entre pratiques légitimes et illégitimes de l'intimité hors-mariage et du divertissement nocturne. La légitimité et l'illégitimité de ces pratiques étant largement corrélées au statut social des filles concernées et à leurs positions au sein de l'espace social de l'économie intime à un moment donné de leur trajectoire, le traitement différencié des illégalismes sexuels s'apparente donc au maintien d'un ordre social sous couvert de préservation de l'ordre moral.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Résumé anglais The analysis of sex-work practices in terms of intimate economy in Morocco allows, on the one hand, to link generally separated sexual practices (acts of prostitution and intimate sexual acts not prostitution) and, on the other hand, to observe how these practices are addressed by the police in a country where sexuality outside marriage remains illegal. Therefore, this article seeks to illustrate and analyse an observation of the evolution of the criminalization of morals and the work of the police squads through ethnographic data and a review of the local press (Tangier) playing an important role in the evolution of the police relation to “moral crimes”. The legal prohibition of sexual relations outside marriage has largely become a dead letter due to the fact that the public authorities take into account in their everyday work the evolution of mores. However, the analysis of policies regulating morals and police work shows how the criminalisation tends to be implemented only against girls of varying profiles but all in a precarious situation – apart from the cases that are exploited for political purposes – which the police bring in, without embarrassing themselves of the harm done to those who do not practice “the going out”, in the homogeneous category of “prostitutes”. This modality of police action reinforces a de facto distinction between good and bad femininities that no longer correspond to the local moral opposition between virgins and non-virgins, or between “house girls” and “street girls”. The opposition is thus between legitimate and illegitimate practices of out of wedlock intimacy and night-time entertainment. Since the legitimacy and illegitimacy of these practices are largely correlated with the social status of the girls concerned and their positions within the social space of the intimate economy that they occupy at some point in their trajectory, the differentiated treatment of sexual illegality apparent therefore to the maintenance of a social order under the guise of preserving the moral order.
Source : Éditeur (via OpenEdition Journals)
Article en ligne http://journals.openedition.org/anneemaghreb/3166