Contenu du sommaire : Dossier : Genre, santé et droits sexuels et reproductifs au Maghreb
Revue | L'année du Maghreb |
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Numéro | no 17, 2017 |
Titre du numéro | Dossier : Genre, santé et droits sexuels et reproductifs au Maghreb |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Éditorial
- Éditorial : Témoigner et rendre compte des rapports de force - Katia Boissevain, Éric Gobe p. 3-6
Dossier: Genre, santé et droits sexuels et reproductifs au Maghreb
- La santé sexuelle et reproductive, champ d'exercice et d'affrontement des dominations de genre et de classe - Irene Maffi, Daniel Delanoë, Selma Hajri p. 9-19
- Le contrôle du corps des femmes à travers l'histoire. Essai de mise en perspective de la question de la santé sexuelle et reproductive des femmes dans le monde arabe - Sophie Bessis p. 21-30 Le contrôle du corps des femmes est aussi ancien que la domination masculine elle-même, tout entière tournée vers un objectif central, le contrôle de la maternité. Ce contrôle s'exerce selon des modalités particulières dans les différentes civilisations mais a toujours pour but de maîtriser la sexualité féminine de manière à assurer la fonction reproductive au profit du groupe des mâles. Les pratiques coutumières des sociétés les plus diversifiées se sont attachées à codifier les modalités du contrôle. Quant aux religions, en particulier les trois religions monothéistes mais pas seulement, elles ont servi à sacraliser les processus de domination à travers lesquels s'exerce le contrôle patriarcal. Religions et coutumes étroitement mêlées, l'une renforçant les autres, ont ainsi édifié des appareils normatifs de domination. C'est ainsi qu'elles légifèrent toutes sur le corps des femmes, enfermant ce dernier dans un corset d'obligations et d'interdits. La valorisation symbolique de la fonction maternelle et la démonisation de la féminité font partie de cet appareil de contrainte. Ce corset a été contraint de céder (plus ou moins) dans les sociétés sécularisées et en voie de sécularisation où les interdits religieux ont été progressivement déconnectés de la loi positive. Tandis qu'en Europe, les avancées ont été proportionnelles aux processus de sécularisation, les interdits résistent dans le monde arabe vue la lenteur de ces processus et les régressions qui ont pu les affecter. On passera en revue la multiplicité des injonctions religieuses à la procréation et des interdits frappant l'autonomie reproductive et sexuelle des femmes. On s'attardera davantage sur leur permanence en contexte arabo-musulman, pour montrer que la sécularisation des lois et des pratiques sociales est une condition nécessaire au plein exercice des droits sexuels des femmes, même si elle ne suffit pas à assurer à elle seule cette libération.The control of women's bodies is as old as the male domination itself, all turned towards a central goal, the control of motherhood. This control is exercised according to particular modalities in different civilizations but always aims to control female sexuality so as to ensure the reproductive function for the benefit of the group of males. The customary practices of the most diverse societies have focused on codifying the terms of control. As for religions, especially the three monotheistic religions, but not only, they served to sanctify the processes of domination through which patriarchal control is exercised. Religions and customs intertwined, one reinforcing the others, thus constructed normative devices of domination. Thus they legislate all on the bodies of women, enclosing the latter in a corset of obligations and prohibitions. The symbolic valorization of maternal function and the demonization of femininity are part of this apparatus of constraint. This corset was forced to yield (more or less) to secularized and secularized societies where religious prohibitions were gradually disconnected from the positive law. While in Europe, advances have been proportional to secularization processes, the prohibitions resist in the Arab world given the slowness of these processes and the regressions that may have affected them. We will review the multiplicity of religious injunctions to procreation and prohibitions on the reproductive and sexual autonomy of women. We will focus more on their permanence in the Arab-Muslim context, to show that the secularization of laws and social practices is a necessary condition for the full exercise of women's sexual rights, even if it is not enough to ensure this liberation alone.
- L'émergence d'une sexualité juvénile hors mariage chez les jeunes de Sidi Ifni (Maroc) - Leila Boufraioua p. 31-48 Chez les jeunes de Sidi Ifni, les mentalités évoluent et modifient progressivement les modes d'entrée à l'âge adulte, dans la mesure où les mariages précoces disparaissent et l'allongement des études offre à la jeunesse un temps libre de maturation en dehors de la sphère conjugale. L'accès au statut d'adulte se fait donc au prix d'une longue période d'attente, période au cours de laquelle les Ifnaouis explorent les relations affectives, dès le collège ou le lycée. Les fréquentations amoureuses constituent pour eux aujourd'hui une nouvelle étape, permettant de comprendre les mécanismes à l'origine de l'allongement du célibat et l'essor des relations sexuelles hors mariage. En effet, selon notre enquête, 50 % des hommes qui se sont mariés entre 20 et 24 ans ont déclaré avoir eu une sexualité prémaritale avec leur future épouse. Dans ce contexte, la sexualité hors mariage est souvent associée à l'idée de fonder à terme une famille avec son partenaire. Cette conception est aussi partagée par les femmes, puisqu'un quart des jeunes femmes mariées, de la classe d'âge des 30-35 ans, affirment avoir débuté leur vie sexuelle avec leur fiancé bien avant leur mariage. Ainsi, malgré les interdits moraux, les fréquentations amoureuses se banalisent et l'influence du monde extérieur remet en cause l'éducation puritaine. Ainsi, ces jeunes sont de plus en plus nombreux à transgresser les lois de la morale sociale, et l'école devient le lieu où garçons et filles s'initient aux relations amoureuses et ouvrent la voie à une sexualité hors mariage. À Sidi Ifni, ces évolutions socioculturelles ont profondément ébranlé les structures familiales patriarcales, l'institution matrimoniale et les rapports de genre.Among the young people of Sidi Ifni, the evolution of mentalities have evolved that has been progressively modifying the modes of entry into adulthood. As a result of these evolutions, early marriages have disappeared, and the prolongation lengthening of the education schooling offers to the youth a free time of maturation outside of the conjugal sphere. Access to adult status is granted only in exchange forafter a long period of waiting, a period during which the Ifnaouis explore affective relationships already, right from during the secondary and college or high school's times. However, dating relationships are becoming a new stage for them to understand the mechanisms that leading to the decline of celibacy and to the rise of sexual relations outside marriage. According to the survey, 50% of men who married between the ages of 20 and 24 reported having had premarital sexuality with their future spouse. In this context, sexuality outside marriage is often associated with the idea of eventually creating a family with a partner. This view is also shared by women, with one-quarter of married women in the 30-35 age group claiming to have begun sexual relationships with their fiancé long before marriage. Thus, in spite of moral prohibitions, dating relationships are thus trivialized and the influence of the outside world is callings into question the puritan education. More and more young people are transgressing the laws of social morality. and schools is are becoming the places where boys and girls are initiated into romantic relationships.; therefore, the gateway to sexuality outside marriage is therefore being opened. In Sidi Ifni, these socio-cultural evolutions have deeply undermined patriarchal family structures, matrimonial institutions and gender relations.
- De l'ordre moral à l'ordre social. L'application des lois pénalisant la sexualité prémaritale selon des lignes de classe - Mériam Cheikh p. 49-67 L'analyse des pratiques prostitutionnelles en termes d'économie intime au Maroc permet, d'une part de mettre en lien des pratiques sexuelles généralement séparées (actes prostitutionnels et actes sexuels intimes non prostitutionnels) et ainsi, d'autre part, d'observer comment ces pratiques sont abordées par la police dans un pays où la sexualité en dehors du mariage demeure illégale. C'est donc une observation de l'évolution de la criminalisation des mœurs et du travail des brigades de police que cet article cherche à illustrer et analyser à travers des données ethnographiques et une revue de la presse locale (Tanger) jouant un rôle important dans l'évolution du rapport de la police aux « crimes moraux ». L'analyse des politiques de régulation en matière de mœurs et du travail policier montre comment la prohibition légale des relations sexuelles hors-mariage, largement devenue lettre morte en raison de la prise en compte en pratique par l'autorité publique de l'évolution des mœurs, tend à n'être concrètement mis en œuvre qu'à l'encontre de filles aux profils variés mais toutes en situation précaire – à l'exception des cas instrumentalisés à des fins politiques – que la police fait entrer, sans s'embarrasser du préjudice porté à celles qui ne pratiquent pas « le sortir », dans la catégorie homogène de « prostituées ». Cette modalité de l'action policière vient renforcer une distinction de fait entre bonnes et mauvaises féminités qui ne correspond plus aux oppositions morales locales entre vierges et non-vierges, ou entre filles de maison et filles de rues, mais entre pratiques légitimes et illégitimes de l'intimité hors-mariage et du divertissement nocturne. La légitimité et l'illégitimité de ces pratiques étant largement corrélées au statut social des filles concernées et à leurs positions au sein de l'espace social de l'économie intime à un moment donné de leur trajectoire, le traitement différencié des illégalismes sexuels s'apparente donc au maintien d'un ordre social sous couvert de préservation de l'ordre moral.The analysis of sex-work practices in terms of intimate economy in Morocco allows, on the one hand, to link generally separated sexual practices (acts of prostitution and intimate sexual acts not prostitution) and, on the other hand, to observe how these practices are addressed by the police in a country where sexuality outside marriage remains illegal. Therefore, this article seeks to illustrate and analyse an observation of the evolution of the criminalization of morals and the work of the police squads through ethnographic data and a review of the local press (Tangier) playing an important role in the evolution of the police relation to “moral crimes”. The legal prohibition of sexual relations outside marriage has largely become a dead letter due to the fact that the public authorities take into account in their everyday work the evolution of mores. However, the analysis of policies regulating morals and police work shows how the criminalisation tends to be implemented only against girls of varying profiles but all in a precarious situation – apart from the cases that are exploited for political purposes – which the police bring in, without embarrassing themselves of the harm done to those who do not practice “the going out”, in the homogeneous category of “prostitutes”. This modality of police action reinforces a de facto distinction between good and bad femininities that no longer correspond to the local moral opposition between virgins and non-virgins, or between “house girls” and “street girls”. The opposition is thus between legitimate and illegitimate practices of out of wedlock intimacy and night-time entertainment. Since the legitimacy and illegitimacy of these practices are largely correlated with the social status of the girls concerned and their positions within the social space of the intimate economy that they occupy at some point in their trajectory, the differentiated treatment of sexual illegality apparent therefore to the maintenance of a social order under the guise of preserving the moral order.
- L'interférence du stigmate dans la prise en charge médicale. Le cas des mères célibataires - Amal Bousbaa p. 69-81 Cet article se propose d'étudier les interactions des mères célibataires au sein des structures hospitalières, en s'arrêtant principalement sur le moment de l'accouchement. Il s'agit de rendre compte des articulations du stigmate, liées à la grossesse et la reproduction hors mariage, avec les objectifs proclamés par l'État, d'une part, et les pratiques concrètes du personnel soignant à l'égard des mères célibataires, d'autre part. Pour apporter des éléments de réponse à ces questions, nous nous appuyons sur les apports d'une enquête qualitative menée à Casablanca dans le cadre d'une thèse de doctorat en Sociologie. Le dispositif méthodologique est basé sur des entretiens semi-directifs auprès des mères célibataires, du personnel soignant et des acteurs associatifs.This article aims to study the interactions of single mothers in hospital structures, stopping mainly on the time of delivery. It is a question of reporting the articulations of stigma, related to pregnancy and reproduction outside marriage, with the objectives proclaimed by the State, on the one hand, and the practical practices of the nursing staff in single mothers, on the other hand. To provide some answers to these questions, we rely on the contributions of a qualitative survey conducted in Casablanca as part of a PhD thesis in Sociology. The methodological system is based on semi-structured interviews with single mothers, carers and community
- Les enjeux et les déclinaisons de la notion de « santé sexuelle et reproductive » au Maroc. Réflexions à partir du cas des grossesses hors mariage - Irene Capelli p. 83-99 Au Maroc les grossesses et les naissances hors mariage font l'objet de nombreuses initiatives surtout dans le domaine des organisations non-gouvernementales. Plusieurs de celles-ci demandent le changement du droit de la famille afin que les enfants nés hors mariage ne soient pas discriminés et luttent contre la marginalisation sociale des mères célibataires. Elles offrent à ces dernières l'assistance médicale dont elles ont besoin et leur proposent des activités d'éducation à la santé, aussi dans le domaine de la santé sexuelle et reproductive. Les recherches de terrain que j'ai menées en 2011 et 2012 dans des hôpitaux, des centres de santé, des ONG et auprès des femmes ayant enfanté hors-mariage à Casablanca m'ont poussée à questionner les enjeux de la notion de santé sexuelle et reproductive (SSR), ses applications et ses appropriations par les acteurs locaux. Au-delà de l'information sur la contraception et les avortements illégaux, les activités pédagogiques promues par les ONG locales et destinées aux jeunes femmes non-mariées, visent à prévenir les « récidives » et à « responsabiliser » les bénéficiaires de leurs services. Les trajectoires des mères célibataires révèlent une grande vulnérabilité dans laquelle s'imbriquent des dimensions socio-économiques, de genre et de santé qui ne sont pas toujours prises en compte par les ONG locales. Est-ce que les discours, les politiques et les pratiques s'inspirant de la notion de SSR au Maroc se déclinent en termes de droits ou produisent-ils des formes inédites de normalisation et de gouvernement des corps féminins ? La notion de SSR se révèle parfois inadéquate afin de saisir la complexité des réalités locales et des expériences subjectives des mères célibataires. Le rôle des inégalités socio-économiques plus larges, des négociations morales ainsi que la création de catégories « cibles » de bénéficiaires « vulnérables » au sein des organisations non-gouvernementales émergent plutôt comme des éléments à problématiser dans une anthropologie critique de la santé et de la reproduction au Maroc.In Morocco, pregnancies and births outside marriage are the subject of many initiatives, especially in the field of non-governmental organizations. Many of these call for changes in family law to ensure that children born out of wedlock are not discriminated against and fight against the social marginalization of single mothers. They provide them with the medical assistance they need and offer them health education activities, also in the area of sexual and reproductive health. The field research I conducted in 2011 and 2012 in hospitals, health centers, NGOs and with women who gave birth outside marriage in Casablanca pushed me to question the stakes of the concept sexual and reproductive health (SRH), its applications and its appropriation by local actors. Beyond information on contraception and illegal abortions, educational activities promoted by local NGOs aimed at young unmarried women aim to prevent "recidivism" and to "empower" the beneficiaries. their services. The trajectories of single mothers reveal a great vulnerability in which socio-economic, gender and health dimensions are interlinked that are not always taken into account by local NGOs. Are discourses, policies and practices inspired by the concept of SRH in Morocco declining in terms of rights or do they produce new forms of normalization and governance of women's bodies? The concept of SRH is sometimes inadequate to capture the complexity of local realities and the subjective experiences of single mothers. The role of broader socio-economic inequalities, moral negotiations and the creation of "target" categories of "vulnerable" beneficiaries within non-governmental organizations rather emerge as elements to be problematized in a critical anthropology of health and reproduction in Morocco.
- Sexualité préconjugale, souillure et reconstruction de soi. Les adolescentes au prisme d'une politique du corps féminin en Tunisie - Meryem Sellami p. 101-117 À travers un parcours de recherche ethnographique entamé depuis plus d'une dizaine d'années sur le corps des femmes en Tunisie, cet article propose de rendre compte de la manière dont l'impératif de contrôler la sexualité de celles-ci se trouve au cœur d'une politique du corps visant exclusivement à gouverner le genre féminin. Cette politique s'articule notamment autour de la perpétuation de la norme virginale pour les femmes. Une norme sociale, qui peut faire l'objet de critique et de contournement de la part des filles et des garçons aujourd'hui en Tunisie, mais qui reste symboliquement efficace et maintient la « valence différentielle des sexes » (Héritier, 1996). La sexualité féminine prénuptiale, si elle est tolérée dans les interstices du social, demeure hautement culpabilisante et source de honte pour les filles. Le maintien de la culpabilité constitue l'assise centrale de l'hiérarchie sexuelle ainsi qu'une source de souffrance éventuelle pour les jeunes femmes. Le terrain réalisé auprès des adolescentes qui se coupent ou se font vomir appuie cette hypothèse et reflète des manières singulières de faire face aux inégalités de genre en matière de sexualité, notamment à travers le recours au sacré.Through the course of ethnographic research started over a decade ago about women' bodies in Tunisia, this article suggests that the way to realize the imperative to control these women' sexuality is found at the heart of a body politics that targets exclusively the governance of feminine gender. This politics articulates in particular the perpetuation of virginal norm for women. A social norm, which may be an object of critique and circumvention by girls and boys nowadays in Tunisia, remains symbolically effective and maintains a “Differential valence of sexes” (Héritier, 1996). Feminine prenuptial sexuality, even if it is tolerated in the interstices of the social, remains highly a source of guilt and shame for girls. Maintaining guilt constitutes the central basis of sexual hierarchies as well as a source of eventual suffering for young women. The field work conducted with teenage girls that cut their bodies or forces themselves to throw up supports this hypothesis and reflects singular ways to address gender inequalities related to sexuality, notably through the recourse to the sacred.
- Les réfections chirurgicales de l'hymen en Tunisie. Des techniques de purification et d'absolution ? - Ibtissem Ben Dridi p. 119-132 Du recours aux hymens artificiels « chinois » à la pratique des réfections chirurgicales de l'hymen (hyménorraphie et hyménoplastie), cet article se penche sur les espaces interstitiels permettant de négocier l'impératif social de virginité prénuptiale. Au-delà de la description des usages en vigueur, il s'agit d'analyser la construction sémantique du discours de différents acteurs (jeunes femmes, corps médical, autorités religieuses), en montrant comment s'élabore une logique morale aux réfections d'hymen, qui convoque tour à tour les principes de repentance, protection et bien commun, ainsi que la notion de purification physique et psychique. Il importe en définitive de montrer comment les chirurgies de l'intime posent les techniques médicales à l'intersection de normes culturelles et arrangements individuels, sociaux et religieux, relevant tant du savoir-faire que du savoir-taire.Taking into consideration the use of "chinese" artificial hymens and the surgical practices of hymen repair (hymenorraphy and hymenoplasty), this article examines the interstitial spaces that allow to negotiate the social imperative of prenuptial virginity. It also investigates how the various actors involved (young women, medical personnel, religious authorities) construct specific discourses entailing a moral logic that justifies the reconstruction of the hymen through the mobilization of the principles of repentance, protection and the common good, as well as the notion of physical and psychic purification. Finally, it analyses how intimate surgeries place medical techniques at the intersection of cultural norms and individual, social and religious arrangements, that are both a form of expertise and a trick of concealment.
- Les services de Santé Sexuelle et Reproductive en Tunisie. Résultats d'une recherche qualitative auprès des jeunes usagers - Atf Gherissi, Francine Tinsa p. 133-150 Cette étude vise à analyser les perceptions que les jeunes filles et les jeunes gens ont des services de santé sexuelle et reproductive (SSR) mis à leur disposition et à en identifier les déterminants de leur satisfaction. Le cadre conceptuel repose sur les modèles théoriques de Donabedian (1980, 1982, 1988), de Bruce (1990) et de Ware (1983). Une analyse de contenu a été réalisée sur la base d'entrevues centrées de groupes avec 42 jeunes issus de trois milieux de résidence (urbain, rural, périurbain). La collecte et l'analyse des données ont respecté l'intégrité des répondants (Association Médicale Mondiale, 2008) tels que l'anonymat, la confidentialité des données, la liberté de participer aux entrevues de groupes et de répondre aux questions dans leur langue préférée. Les propos recueillis lors des discussions révèlent un amalgame volontaire entre la connaissance, les représentations et l'utilisation des services de santé de la reproduction (SR). Cette attitude paraît recherchée par tous les jeunes qui, tout au long des entretiens et quel que soit le milieu de résidence, ont, de toute évidence, souvent évoqué leur propre expérience en projetant leurs propos sur les jeunes d'une manière générale et impersonnelle. Les résultats de cette étude apportent une lumière pertinente sur le développement futur des structures et des services de santé génésique afin qu'ils permettent aux jeunes de devenir des utilisateurs effectifs de ces services en adaptant le plan national et en renforçant sa mise en œuvre. Enfin, cette étude doit être mise à jour pour explorer les effets possibles du printemps arabe sur les perceptions que les jeunes ont de la SSR.This study aims to analyze the perceptions of sexual and reproductive health (SRH) services made available to young girls and boys and to identify the determinants of their satisfaction. The conceptual framework is based on the theoretical models of Donabedian (1980, 1982, 1988), Bruce (1990) and Ware (1983). A content analysis was carried out on the basis of group-centered interviews with 42 young people from three urban, rural and suburb environments. The data collection and analysis respected the integrity of the respondents (World Medical Association, 2008) such as anonymity, confidentiality, freedom to participate in the group interviews and to answer the questions in the preferred language. Discussions revealed a deliberate amalgam between knowledge, perceptions and use of RH services. This attitude seems to be sought by all the young people who, throughout the interviews and regardless the place of residence, have obviously often evoked their own experience by projecting their comments on young people in general and in an impersonal way. The results of this study provide relevant information for the future development of SRH services and structures so that they can become their effective users through adapting the national plan and strengthening its implementation. In addition, this study needs to be updated to explore the potential effects of the Arab Spring on youth SRH perceptions and behaviors.
- La santé sexuelle et reproductive en Tunisie. Institutions médicales, lois et itinéraires thérapeutiques des femmes après la révolution - Irene Maffi, Malika Affes p. 151-168 Dans cet article, écrit sous forme d'entretien, Malika Affes, sage-femme responsable d'une unité de planning familial à l'hôpital La Rabta de Tunis, et Irene Maffi, anthropologue, dialoguent autour de la santé sexuelle et reproductive en Tunisie. Résultat d'une collaboration durée 10 mois entre les deux auteures, l'entretien aborde des thématiques différentes qui touchent les institutions sanitaires en charge de la santé sexuelle et reproductive, les lois qui garantissent l'accès aux services dans ce domaine, les itinéraires thérapeutiques des femmes et les attitudes des professionnels de santé. En particulier, sont discutés les représentations locales du corps féminin, les profils socio-économiques des femmes qui s'adressent aux cliniques publiques de santé sexuelle et reproductive, la connaissance des lois chez les patientes et les professionnels de la santé, l'application des droits sexuels et reproductifs en Tunisie, les effets de la révolution de 2011 et de la crise économique sur le fonctionnement des services sanitaires publics, l'implication des hommes dans les pratiques sexuelles et reproductives.In this article, written in the form of an interview, Malika Affes, midwife in charge of one of the family planning units of La Rabta Hospital in Tunis, and Irene Maffi, anthropologist, discuss sexual and reproductive health in Tunisia. Their conversation - which is the result of a 10-month collaboration - tackles different topics related to the institutions in charge of sexual and reproductive health, the laws regulating the access to these services, the therapeutic itineraries of women and the attitudes of health care providers. The authors particularly explore the local representations of the female body, the socioeconomic profiles of women using government sexual and reproductive health clinics, the knowledge of the law among patients and health practitioners, the application of sexual and reproductive rights in Tunisia, the impact of the revolution of 2011 and of the economic crisis on the public health services, men's involvement in sexual and reproductive practices.
- Les femmes et l'accès aux soins de santé reproductive au Maroc - Karim Zaouaq p. 169-183 Cet article se propose d'étudier la question de l'accès des femmes aux soins de santé reproductive au Maroc, en s'appuyant sur la littérature existante ainsi que sur les enquêtes de terrain, les études, les entretiens directs ou semi-directs et les observations réalisées sur ce sujet. Ce travail met en exergue les obstacles limitant l'accessibilité de ces dernières aux structures de soins de santé appropriées, notamment ceux d'ordre spatial, économique, social, éducatif et culturel.This article proposes to study the question of women's access to reproductive health care in Morocco, based on the existing literature as well as on field surveys, studies, direct or semi-direct interviews and the observations made on this subject. This work highlights the barriers limiting their access to appropriate health care structures, including those of a spatial, economic, social, educational and cultural nature.
- Effets du stigmate et accès aux soins des femmes prostituées tunisiennes - Faten Msakni p. 185-199 Le présent article se propose de mettre en exergue la situation sanitaire des femmes prostituées dans la ville de Sfax. L'accès aux soins constitue un problème majeur pour celles-ci, du fait de la discrimination et du stigmate dont elles font l'objet au quotidien, notamment de la part des agents de la Santé publique. En dépit du recours au secteur privé par ces femmes, considéré comme plus tolérant moyennant financement, l'accès au soin n'est pas sans risque. Notre travail s'appuie sur des enquêtes de terrain ayant pour thème de recherche la relation entre la prostitution clandestine et la santé, et porte sur des entretiens auprès de femmes prostituées, dont la pratique est formellement autorisée ou clandestine.This article aims to highlight the health situation of prostituted women in the city of Sfax. Access to health care is a major problem for them, because of the discrimination and stigma they face on a daily basis, especially on the part of public health officials. Despite the use of the private sector by these women, considered more tolerant with funding, access to care is not without risk. Our work is based on field research on the relationship between clandestine prostitution and health, and interviews with prostituted women, whose practice is formally authorized or clandestine.
- Luttes contre le sida et luttes LGBT au Maroc. Notes exploratoires sur les enjeux d'une imbrication - Marien Gouyon, Sandrine Musso p. 201-217 Cet article est une note exploratoire portant sur l'imbrication entre les luttes pour les droits homosexuels et la lutte contre le sida au Maroc. Sandrine Musso et Marien Gouyon reviennent sur leurs terrains respectifs afin de faire émerger les enjeux d'une telle imbrication dans un contexte où l'homosexualité est punie par la loi. Dans un premier temps, l'émergence de la lutte contre le sida est retracée puis celle des droits pour l'homosexualité, afin de penser les répercussions de l'une sur l'autre. Les usages sociaux de la catégorie « HSH » dans le champ de la prévention et les singularités marocaines dans ce domaine éclairent les formes de subjectivités et de citoyennetés qui émergent d'un entrecroisement souterrain de luttes a priori disjointes dans l'espace public.This article is an exploratory note on the interweaving between the struggles for homosexual rights and the fight against HIV/AIDS in Morocco. Sandrine Musso and Marien Gouyon are both returning to their fields in order to bring out the stakes of such an interweaving in a context where homosexuality is punished by the law. First, this paper traces the emergence of the fight against AIDS and secondly that of rights for homosexuality in order to think of the repercussions of one against the other. Based on the analysis of the social uses of the category “MSM” in aids prevention, this article underlines the forms of subjectivities and citizenship that emerge from a crisscrossing of underprivileged struggles in public space.
- La publicisation du débat sur l'avortement au Maroc. L'État marocain en action - Marc-Éric Gruénais p. 219-234 Le débat sur un assouplissement de la pénalisation de l'interruption volontaire de grossesse au Maroc s'est accéléré en 2014-2015 à l'instigation du président d'une association, gynécologue-obstétricien, et de la diffusion d'un reportage sur une chaîne de télévision française. Représentants des partis politiques, religieux, représentants de la société civile, administration publique ont alors manifesté des positions contrastées, voire ambiguës, à l'égard de l'attitude du gynécologue président de l'association qui a porté le débat et de la question de l'avortement. L'ampleur publique prise par le débat a été stoppée par l'intervention du roi Mohamed VI qui a tranché en faveur d'un assouplissement a minima de la loi. L'article, fondé essentiellement sur des articles de presse, retrace la dynamique de ce débat et de sa conclusion, et montre en quoi cette dynamique est illustrative de la gestion de la « chose publique » au Maroc.The debate on a relaxation of the penalization of the abortion in Morocco accelerated in 2014-2015 at the instigation of the president of an association, gynecologist-obstetrician, and the diffusion of a report on a French television channel. Representatives of political parties, religious, representatives of civil society, public administration then expressed contrasting or even ambiguous positions with regard to the attitude of the gynecologist president of the association who led the debate and the issue of abortion. The public scope of the debate was halted by the intervention of King Mohamed VI who decided in favor of a minimum relaxation of the law. The article, based essentially on press articles, traces the dynamics of this debate and its conclusion, and shows how this dynamic is illustrative of the management of the "public thing" in Morocco.
- Entretien avec Dalila Alaoui. Des femmes et des destins - Daniel Delanoë p. 235-239
Chroniques politiques
Algérie
- Algérie 2016 : Révision constitutionnelle sur fond de normalisation de l'impunité - Cherif Dris p. 245-256
- Chronologie Algérie 2016 - Cherif Dris p. 256
Libye
- Libye : Trois autorités et un Maréchal ou le défi de l'unité - Saïd Haddad p. 259-282
- Chronologie Libye 2016 - Saïd Haddad p. 282
Maroc
- Le tahakkoum et la parlementarisation du régime politique marocain à l'aune des élections de 2016 - Thierry Desrues p. 285-309
- Chronologie Maroc 2016 - Thierry Desrues p. 308-309
Tunisie
- La Tunisie en 2016 : La présidentialisation de l'impuissance politique (an II) - Éric Gobe p. 313-333
- Chronologie Tunisie 2016 - Éric Gobe p. 333