Titre | Promouvoir la croissance en Europe : vérités et mystifications. | |
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Auteur | Jean-Luc Gaffard | |
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) | |
Numéro | no 87, octobre 2003 Revue de l'OFCE n°87 | |
Rubrique / Thématique | Analyses critiques de rapports |
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Page | 203-226 | |
Résumé |
Le rapport pour la Commission européenne « An Agenda for a Growing Europe, Making the EU Economic System Deliver » propose un diagnostic de la situation européenne qui repose sur la distinction entre deux régimes technologiques, l'un fondé sur l'imitation, l'autre sur l'innovation. L'un et l'autre sont censés requérir des institutions différentes pour permettre une croissance forte et stable. Le premier caractériserait des pays en phase de rattrapage et exigerait des arrangements de long terme entre les différents acteurs. Le second caractériserait des pays à la frontière du développement technologique et exigerait des institutions et des règles garantissant concurrence, flexibilité et sélection. Dans ce contexte, le blocage institutionnel dont souffrirait la plupart des pays de l'Union européenne aurait une double conséquence. Il expliquerait leur faible croissance et leur taux de chômage élevé. Il expliquerait, en outre, les conflits entre objectifs de croissance, de stabilité et de cohésion. Seules des réformes structurelles des marchés et du budget européen et la constitution d'autorités indépendantes en charge, chacune, d'un objectif unique, permettraient de constituer le système requis, fondé sur une dé-intégration des firmes, une plus grande mobilité dans et entre les firmes, une plus grande flexibilité des marchés de travail, un financement plus important par actions, un investissement plus élevé en R&D et en éducation.
Cette analyse repose sur une double contradiction. Elle fait état de la nécessité de changer de régime de croissance sans pour autant essayer de caractériser la nature des processus de transition, se contentant de comparer des états constitués alternatifs. Les solutions qu'elle propose pour promouvoir une croissance plus forte, quoique censées répondre à l'inquiétude sur les possibilités de préserver le modèle social européen, aboutissent à son démantèlement. Cette double contradiction trouve son origine dans l'opposition de régimes technologiques et d'institutions qui n'est robuste ni théoriquement, ni historiquement. Ce n'est pas la performance technique consistant à représenter deux sources de gains de productivité que sont l'imitation et l'innovation qui change quoi que ce soit à ce constat. L'innovation renvoie à un processus de changement de technologie et non à une technologie particulière, en l'occurrence la dernière née. Elle est à l'origine de déséquilibres qui sont dans la nature des processus de changement, qu'il s'agisse de ruptures quantitatives ou qualitatives. Ces déséquilibres ne peuvent être ni ignorés ni éliminés par le simple fait de choix institutionnels. Ils doivent être gérés et contenus dans certaines limites. Il en est ainsi des tensions inflationnistes, des déficits budgétaires ou des inégalités de revenus entre individus ou entre territoires. Les politiques économiques requises mélangent, alors, règles et choix discrétionnaires : des règles pour limiter les écarts de conduite dans un monde d'information incomplète ; des choix discrétionnaires pour effectuer les arbitrages inévitables entre objectifs.
Le propre de ces considérations est de s'inscrire dans une analyse qui rompt avec la dichotomie entre croissance et cycles, refuse l'idée que la croissance potentielle serait uniquement déterminée par des fondamentaux technologiques et institutionnels et maintient qu'elle dépend aussi et surtout de la manière dont sont gérés les déséquilibres et les conflits en cours de route, refuse, enfin, de reconnaître l'utilité des temps difficiles. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Résumé anglais |
According to the report for the European Commission, « An Agenda for a Growing Europe Making the EU Economic System Deliver », low growth in European countries and conflicts between growth, stabilization and cohesion are due to the inability to implement institutions adapted to an innovation based growth regime. Innovation and growth would require a mode of governance characterized by a greater flexibility of markets, and the emergence of independent policy agencies. This view may be challenged. Innovation cannot be assimilated to a specific technology. It is a process that results in co-ordination issues. Then, the required institutional framework does not imply necessarily more flexibility. It should be a blend of rules and discretion : rules aimed at avoiding too strong changes in behaviours, discretion in order to take advantage of the existence of trade-offs and limit the amplitude of bad times. Source : Éditeur (via Cairn.info) |
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Article en ligne | http://www.cairn.info/article.php?ID_ARTICLE=REOF_087_0203 |