Contenu du sommaire : Revue de l'OFCE n°87
Revue | Revue de l'OFCE (Observations et diagnostics économiques) |
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Numéro | no 87, octobre 2003 |
Titre du numéro | Revue de l'OFCE n°87 |
Texte intégral en ligne | Accessible sur l'internet |
Dossier : perspectives pour 2003-2004
- Les infortunes de la vertu - Division économie internationale p. 7-98
- Fiches thématiques et fiches pays - p. 99-151
- La France emmêlée
Perspectives 2003-2004 pour l'économie française - p. 153-194 Après trois années de forte croissance (3,6 % en moyenne de 1998 à 2000), la France a connu un ralentissement en 2001 (1,8 %) qui s'est prolongé en 2002 (1,2 %). Pour 2003 et 2004, nous faisons l'hypothèse que l'économie française progressera de manière modérée, à un rythme légèrement inférieur à celui de la zone euro : la croissance dans l'hexagone serait respectivement de 0,4 % et 1,5 % contre 0,5 % et 1,6 % pour la zone euro. La croissance française resterait inférieure à son potentiel, conséquence directe du comportement prudent des agents privés français face aux incertitudes sur la politique fiscale et des contraintes sur la politique budgétaire.Following three years of high growth (3.6 % between 1998 and 2000), the French economy slowed down in both 2001 (2.1 %) and 2002 (1.2 %). Our forecast for 2003 and 2004 is that of moderate growth, set at an even slightly lower level than the euro zone average ; hence annual rates at 0.4 % in 2003 and 1.5 % in 2004 in France, compared to, respectively 0.5 % and 1.6 % in the euro zone. We assume that private agents remain careful. Spending is limited by the uncertainties of the fiscal policy, which induces a high household's saving rate (16.9 %). The latter could decrease, should the direction taken by French economic policies become clearer, thus improving GDP growth. By contrast, without a recovery in the USA or if the US dollar were to plunge, prospects for the French economy would suffer.
- Les perspectives économiques En débat - p. 195-202
Analyses critiques de rapports
- Promouvoir la croissance en Europe : vérités et mystifications. - Jean-Luc Gaffard p. 203-226 Le rapport pour la Commission européenne « An Agenda for a Growing Europe, Making the EU Economic System Deliver » propose un diagnostic de la situation européenne qui repose sur la distinction entre deux régimes technologiques, l'un fondé sur l'imitation, l'autre sur l'innovation. L'un et l'autre sont censés requérir des institutions différentes pour permettre une croissance forte et stable. Le premier caractériserait des pays en phase de rattrapage et exigerait des arrangements de long terme entre les différents acteurs. Le second caractériserait des pays à la frontière du développement technologique et exigerait des institutions et des règles garantissant concurrence, flexibilité et sélection. Dans ce contexte, le blocage institutionnel dont souffrirait la plupart des pays de l'Union européenne aurait une double conséquence. Il expliquerait leur faible croissance et leur taux de chômage élevé. Il expliquerait, en outre, les conflits entre objectifs de croissance, de stabilité et de cohésion. Seules des réformes structurelles des marchés et du budget européen et la constitution d'autorités indépendantes en charge, chacune, d'un objectif unique, permettraient de constituer le système requis, fondé sur une dé-intégration des firmes, une plus grande mobilité dans et entre les firmes, une plus grande flexibilité des marchés de travail, un financement plus important par actions, un investissement plus élevé en R&D et en éducation. Cette analyse repose sur une double contradiction. Elle fait état de la nécessité de changer de régime de croissance sans pour autant essayer de caractériser la nature des processus de transition, se contentant de comparer des états constitués alternatifs. Les solutions qu'elle propose pour promouvoir une croissance plus forte, quoique censées répondre à l'inquiétude sur les possibilités de préserver le modèle social européen, aboutissent à son démantèlement. Cette double contradiction trouve son origine dans l'opposition de régimes technologiques et d'institutions qui n'est robuste ni théoriquement, ni historiquement. Ce n'est pas la performance technique consistant à représenter deux sources de gains de productivité que sont l'imitation et l'innovation qui change quoi que ce soit à ce constat. L'innovation renvoie à un processus de changement de technologie et non à une technologie particulière, en l'occurrence la dernière née. Elle est à l'origine de déséquilibres qui sont dans la nature des processus de changement, qu'il s'agisse de ruptures quantitatives ou qualitatives. Ces déséquilibres ne peuvent être ni ignorés ni éliminés par le simple fait de choix institutionnels. Ils doivent être gérés et contenus dans certaines limites. Il en est ainsi des tensions inflationnistes, des déficits budgétaires ou des inégalités de revenus entre individus ou entre territoires. Les politiques économiques requises mélangent, alors, règles et choix discrétionnaires : des règles pour limiter les écarts de conduite dans un monde d'information incomplète ; des choix discrétionnaires pour effectuer les arbitrages inévitables entre objectifs. Le propre de ces considérations est de s'inscrire dans une analyse qui rompt avec la dichotomie entre croissance et cycles, refuse l'idée que la croissance potentielle serait uniquement déterminée par des fondamentaux technologiques et institutionnels et maintient qu'elle dépend aussi et surtout de la manière dont sont gérés les déséquilibres et les conflits en cours de route, refuse, enfin, de reconnaître l'utilité des temps difficiles.According to the report for the European Commission, « An Agenda for a Growing Europe Making the EU Economic System Deliver », low growth in European countries and conflicts between growth, stabilization and cohesion are due to the inability to implement institutions adapted to an innovation based growth regime. Innovation and growth would require a mode of governance characterized by a greater flexibility of markets, and the emergence of independent policy agencies. This view may be challenged. Innovation cannot be assimilated to a specific technology. It is a process that results in co-ordination issues. Then, the required institutional framework does not imply necessarily more flexibility. It should be a blend of rules and discretion : rules aimed at avoiding too strong changes in behaviours, discretion in order to take advantage of the existence of trade-offs and limit the amplitude of bad times.
- Comment améliorer les performances de l'Europe ? - Jacques Le Cacheux et Henri Sterdyniak p. 227-253
- Promouvoir la croissance en Europe : vérités et mystifications. - Jean-Luc Gaffard p. 203-226
Débat sur l'évaluation des politiques économiques
- L'évaluation des politiques économiques - p. 255-280
- Les mesures fiscales d'incitation au travail des personnes non qualifiées. - Hélène Périvier p. 281-336 Cet article propose de faire le point sur les concepts de trappes à pauvreté, inactivité et chômage. Puis il passe en revue les outils fiscaux utilisés par différents pays européens pour limiter l'apparition de ces pièges. Enfin, une attention particulière est portée aux crédits d'impôt. La Prime pour l'emploi (PPE) instaurée en 2001 en France relève de cette logique qui consiste à rendre l'emploi plus rémunérateur afin d'encourager les individus à travailler. L'utilisation à cette fin de la fiscalité, et plus précisément du crédit d'impôt, n'est pas nouvelle. Les États-Unis ont développé massivement à partir du milieu des années 1990 l'Earned Income Tax Credit, EITC, dans cette optique d'incitation. De même, à la fin des années 1990, le Royaume-Uni a suivi cette voie (Working Family Tax Credit, WFTC). Ces expériences étrangères fournissent un terrain d'analyse fertile concernant les effets incitatifs et redistributifs des crédits d'impôt. Sur la base des résultats obtenus aux États-Unis, les modifications du dispositif initial de la PPE inscrites dans la Loi de finances de 2003 sont supposées accentuer l'incitation au travail. Il est néanmoins peu probable que la PPE induise les effets positifs sur la participation au marché du travail observés aux États-Unis, et dans une moindre mesure au Royaume-Uni, et ceci pour deux raisons principales : d'une part les différences entre les dispositifs sont trop importantes pour que les mêmes effets se produisent, d'autre part les contextes économiques anglo-saxons et français (particulièrement en ce qui concerne le marché du travail) ne sont pas équivalents.This article presents the poverty, inactivity and unemployment traps. Then it proposes an overview of uses of taxation in European countries in order to tackle them. It specifically focuses on tax credits. The « Prime pour l'emploi », a refunded tax credit implemented in France in 2001, deals with this general strategy of “making work pay” and encourage people to work. The United States have been developing the earned income tax credit since the 90s. Similarly, the United Kingdom have follow in 1999 this way in making use of the working family tax credit. The French tax credit is unlikely to have the same effects on labour supply than the two others. Firstly because the program is smaller and secondly because the economic situation, and specially the labour market statement, has nothing to do with the Anglo-Saxons' one.
- Les réformes fiscales en Europe, 1992-2002. - Henri Sterdyniak p. 337-407 Depuis le début des années 1990, les pays de l'Union européenne ont procédé à de nombreuses réformes fiscales. Disparates, celles-ci ont toutefois été influencées par des situations macroéconomiques similaires ou des impératifs communs. Dans de nombreux pays, la priorité explicite est d'améliorer la compétitivité et l'attractivité du site de production national et de rétablir les incitations à travailler plutôt que d'étendre la redistribution et les dépenses publiques. Les réformes sont maintenant d'inspiration libérale plutôt que social-démocrate. Toutefois, malgré la mondialisation et les risques de fuite de l'assiette fiscale, la part des prélèvements obligatoires et des dépenses publiques dans le PIB n'a été sensiblement réduite dans aucun des pays européens. Une première préoccupation commune concerne la taxation des entreprises multinationales dans un monde de plus en plus globalisé. Faut-il appliquer la taxation à la source ou à la résidence ? Comment rendre compatibles l'autonomie nationale et la nécessité d'une cohérence européenne pour la taxation des entreprises transnationales ? Des problèmes similaires se posent pour la taxation des revenus du capital des ménages, la question de la taxation des dividendes et de l'avoir fiscal étant le pivot entre les deux problèmes. La deuxième préoccupation est la lutte contre le chômage. De nombreuses pistes ont été utilisées pour rendre les systèmes fiscaux plus favorables à l'emploi : la réduction des cotisations sociales, celles-ci étant remplacées par un prélèvement sur l'ensemble des revenus des ménages, par une taxe sur la valeur ajoutée ou par des taxes écologiques ; la baisse des cotisations sociales concentrée sur les bas salaires ; la mise en œuvre de mécanismes proches de l'impôt négatif pour réduire la désincitation au travail des non-qualifiés. Une troisième préoccupation est celle de la fiscalité écologique : celle-ci peut-elle être utilisée pour réduire les consommations d'énergie et éviter les émissions de gaz polluants, tout en fournissant un second dividende en permettant réduire la taxation portant sur le travail ? Enfin, se pose la question de l'organisation de la fiscalité locale. Peut-on concilier l'autonomie des collectivités locales, avec le souci de redistribution et d'égalité des citoyens face aux services publics à l'échelle nationale ? L'article évalue les risques de concurrence fiscale et l'urgence de l'harmonisation. Il s'interroge sur l'évolution souhaitable du système fiscal européen. Comment créer un cadre harmonisé permettant de préserver la liberté de chaque pays de maîtriser le niveau de ses dépenses publiques et le niveau de sa redistribution ?This article presents and discusses the tax reforms recently implemented in EU countries. Despite globalization, public expenditure and taxes have not been significantly reduced as a per cent of GDP. Although disparate, the national reforms share common grounds : increasing the attractiveness of domestic location of production, lowering unskilled labour costs, encouraging work, reducing pollution, providing local authorities with a certain degree of autonomy. But in this process redistribution issues have become second. The article assesses the risks of enhanced tax competition resulting from the single Market and advocates for the urgent need to harmonize some elements of company, capital income and environmental taxation. The desirable changes of the European tax system are addressed. How could a harmonized framework be designed, while leaving the control of the level of domestic public spending and redistribution in the hands of member states?
Chronique de la mondialisation
- La logistique de la mondialisation. - Guillaume Daudin p. 409-435 La géographie humaine et physique est une variable aussi importante pour la détermination des flux du commerce international que les politiques des États. Pourtant, l'évolution des coûts du commerce liés à la géographie est bien moins connue que celle des coûts du commerce liés aux politiques commerciales. Cet article étudie l'évolution de certains coûts du commerce ne dépendant pas des États.L'existence de coûts du commerce liés à la géographie est suggérée par le succès des modèles de gravité. Ces coûts sont de deux types : coûts logistiques — de stockage et de transport — et coûts de transaction — d'établissement et d'entretien d'une relation d'échange. L'évolution du secteur de la logistique dans son ensemble aux États-Unis est connue : si les coûts de stockage relatifs au PIB américain ont bien diminué ces vingt dernières années, ce n'est pas le cas des coûts de transport. Les coûts logistiques représentent actuellement à peu près 10 % du PIB mondial. Les coûts logistiques du commerce international ne forment qu'une partie de cet ensemble.Les sources qui permettent d'étudier spécifiquement le commerce international sont de deux familles : d'une part les bases de données du commerce international, d'autre part les études de prix microéconomiques. Aucune ne permet d'étudier de manière satisfaisante l'évolution des coûts de transport à service rendu constant.En théorie, la comparaison de la valeur des exportations mondiales et de la valeur des importations mondiales devrait permettre de calculer les coûts de transport payés par l'économie mondiale pour l'ensemble de son commerce. Ces données présentent toutefois trop d'imperfections pour être utilisables. Quelques bases de données cherchent à améliorer les statistiques brutes en utilisant des sources nationales, notamment américaines. Les États-Unis collectent en effet les coûts de transport associés aux biens qu'ils importent. Il apparaît que les coûts de transport supportés par les importations américaines n'ont pas baissé en termes relatifs depuis 1973. Ce résultat ne prend en compte ni les effets de composition, ni les effets de qualité. Si l'on prend en compte la modification de la composition du commerce, on observe une hausse des coûts du transport supportés par les importations américaines entre 1973 et 1985, puis une baisse jusqu'à la fin des années 1990.Les études microéconomiques présentent des résultats similaires. L'étude des indices de prix du transport maritime montre que le coût du transport des biens n'a pas diminué en termes réels, ni pour les navires loués au voyage ou au temps, ni pour les lignes régulières — malgré l'introduction des conteneurs. Cela est dû à la baisse des prix relatifs des biens échangeables et aux pratiques anti-concurrentielles qui sévissent probablement sur le marché du transport maritime. Les coûts portuaires n'ont que faiblement baissé depuis les années 1950. Par contre, les coûts du transport aérien et du transport terrestre ont diminué.Malgré les progrès techniques, il n'y a pas eu de baisse globale massive des coûts de transport en proportion de la valeur des biens échangés depuis la Seconde Guerre mondiale. Cela s'explique bien sûr par l'amélioration de la qualité des services de transport, délais et sécurité, mais peut-être aussi par l'existence de pratiques anti-concurrentielles dans le secteur maritime. La lutte contre celles-ci devrait conduire à des améliorations qui seront peut-être mitigées par l'existence de pratiques similaires dans le secteur du transport aérien et les exigences nouvelles de sécurité qui ont fait suite au 11 septembre 2001.This paper studies the recent evolution of international trade logistic costs. Domestic logistic costs as a whole have declined as a share of U.S. GDP since the 80s : they now stand at slightly less than 10 % — but transport costs have not. The paper uses two families of sources to measure international transport costs. International trade statistics provide information about the transport cost of imports in a limited number of countries (including the U.S.) from the 70s. The choice of a deflator determines the interpretation of price index series. Available information point to a very small decline — if any — of transport costs relative to the value of exchanged goods since the 50s, except in land and air transport. This is in part because of changes both in the composition of trade and the quality of transport services.
- La logistique de la mondialisation. - Guillaume Daudin p. 409-435